Boutros Merjaneh est député indépendant d’Alep au Parlement arabe syrien.
Nader Allouche est journaliste franco-libanais.
Texte cosigné par François Rochebloine (Député de la Loire – UDI/ Vice-Président de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe). Gérard Bapt (Député de la Haute-Garonne/ Parti socialiste – Président du Groupe d’amitié parlementaire France/ Syrie). Jean-Frédéric Poisson (Député des Yvelines/ Préisdent du Parti chrétien-démocrate). Jean-Pierre Vial (Sénateur de la Savoie/ Les Républicains – Président du Groupe d’amitié parlementaire France/ Syrie). Jérôme Lambert (Député de Charente/ PRG – Groupe parlementaire RRDP (Radical Républicain Démocrate et Progessiste)
«Les yeux n’aident pas à voir si la conscience est aveugle», disait l’écrivain Joubran Khalil Joubran. Pour la deuxième année consécutive, les groupes armés à Alep, qui ont pris possession de la station de pompage et d’épuration de l’eau, ont décidé de couper l’accès à l’eau, dont ils privent intentionnellement la population d’Alep, qui compte encore 2, 5 millions d’habitants. Nous, Boutros Merjaneh, le député indépendant d’Alep au Parlement arabe-syrien, et le journaliste et militant franco-libanais Nader Allouche, nous en appelons à la conscience de la France. La température dépasse les 45 degrés à Alep. La mortalité due à la déshydratation et à l’insalubrité de l’eau a explosé. Il n’est plus question de politique: être contre Bachar al-Assad et soutenir la rébellion. C’est aujourd’hui une question humanitaire urgente. Des centaines de milliers de personnes sont en danger de mort dans la ville du député Boutros Merjaneh, parce que les rebelles ont bloqué l’accès à l’eau de la population civile.
L’année dernière, l’eau avait été coupée du 2 au 21 mai. Puis le 2 juin 2014, des groupes armés ont dynamité les canalisations de la station de pompage, et ils ont empêché les équipes d’entretien de procéder aux réparations nécessaires. Le Croissant Rouge, le CICR (de Genève) et les agences de l’ONU ont essayé d’intervenir. L’eau n’est revenu dans les maisons que le 17 aout 2014. La population d’Alep a vécu sans accès direct à l’eau pendant 3 mois, en plein été. Il faisait jusqu’à 50 degrés.
Cette année, les groupes armés ont coupé l’eau depuis le 30 juin. Nous ignorons qui sont vraiment ces groupes. Certains s’appellent les rebelles, d’autres al-Nosra, la filiale d’al-Qua’ïda en Syrie.
Depuis 52 jours, Alep n’a plus d’eau. Le peuple a soif. Il meurt littéralement de soif. Nous en appelons à la conscience de la France qui a des relations privilégiés avec les belligérants de l’opposition et leurs parrains: que la France fasse pression sur les Etats commanditaires de ces groupes pour qu’ils acceptent de rétablir l’accès à l’eau de la population d’Alep. L’hostilité de la France contre le gouvernement arabe-syrien ne peut pas justifier de soutenir que des groupuscules, quels qu’ils soient, assoiffent une ville de 2, 5 millions d’habitants. Il ne s’agit plus de politique internationale. Il s’agit de morale et d’éthique. Une ville se meurt.
Cette attitude constitue une infraction aux Conventions de Genève et aux résolutions de l’ONU qui interdisent le recours de toutes les parties à des actions qui porteraient atteinte aux besoins vitaux de la population civile, a fortiori en ce qui concerne l’accès à l’eau.
Nous demandons que la communauté internationale répare ces méfaits dans Alep en libérant immédiatement la station de pompage et d’épuration de l’eau, qui pourrait être mise sous le contrôle des agences de l’ONU afin d’assurer l’accès à l’eau de tous à Alep.
Mais nous désespérons de ce que personne dans la communauté internationale ne parle du martyre de cette ville. Aucun média important n’a consacré de couverture aux souffrances des aleppins. Il n’y a eu aucun sujet sur les conditions de vie dans Alep, qui sont les plus difficiles de Syrie depuis que la guerre a gagné la ville.
Quotidiennement, le peuple arabe-syrien fait face à la mort, mais il continue à vivre, blessé mais résistant. Le peuple arabe-syrien n’a jamais voulu que la paix. Il la désire ardemment et le député Boutros Merjaneh a toujours soutenu l’idée du dialogue national entre les belligérants syriens pour trouver une solution politique pacifique à la question syrienne. Nous sommes consternés que certains de nos frères arabes continuent d’alimenter le déferlement d’armes en Syrie, qui est pourtant le coeur de l’Arabité. Nader Allouche rappelle à cet égard qu’il n’y a pas de pays plus arabe que la Syrie. C’est pourquoi nos voisins doivent le respect à notre patrie, qui est le sanctuaire de l’Arabité ; notre arabité commune. Nous appelons à ce que ces pays arrêtent de soutenir des groupes armés violents, portés par une idéologie sectaire, qui les a conduit à couper l’eau dans Alep.
Albert Einstein disait: «le monde est dangereux non à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire».