Les grosses orchades, les amples thalamèges..
29 janvier 2016
Qu’on nous pardonne cette nouvelle parenthèse dans le cours normal de nos posts. Priorités obligent.
DE L’HISTOIRE
Manuel de Diéguez sort de ses gonds et
Schlomo Sand sort un livre,
à propos de la même chose : L’Histoire.
(L’Histoire en général, celle de France en particulier et ce que lui ont fait et lui font subir les nains au pouvoir).
L’euthanasie de la France
1 – Les ignorants qui nous gouvernent
2 – Les esclaves des esclaves
3 – Le Président Hollande et l’euthanasie de la France
4 – A quand le retour des bases américaines, baptisées bases de l’OTAN ?
1 – Les ignorants qui nous gouvernent
Les lecteurs habituels de mon site sont suffisamment initiés à l’anthropologie fondamentale pour savoir qu’en vertu des droits nouveaux que la loi française accorde aux citoyens, je ne demande pas, mais j’ordonne au corps médical de cesser de m’administrer des soins qui ne seraient plus curatifs, mais palliatifs, dans le cas où j’aurais perdu mes facultés cérébrales. Je souhaite également que, par une accélération d’une législation plus permissive actuellement en préparation, la loi impose au corps médical l’obligation d’accéder à la demande du malade lucide et bien informé de cesser de lui infliger des soins appelés seulement à prolonger son agonie.
Mais, dans le même temps, je ne qualifie pas d’euthanasie cérébrale le meurtre pur et simple de la France par la décision de deux ignorants, la ministre de l’éducation nationale et le Président de la République, d’interdire l’enseignement du siècle phare de l’intelligence du monde, qu’on appelle le Siècle des Lumières et qui a donné à notre nation deux siècles d’avance sur l’intelligence et la raison critique de notre astéroïde. Socrate accusait moins les Athéniens de faiblesse cérébrale que d’une immense ignorance qu’il appelait le pire des maux dont souffre le genre humain, parce que ce type d’ignorance s’exprime toujours dans les termes du savoir le plus affiché et le plus arrogant.
N’est-ce pas sous la forme du savoir le plus arrogant que M. Hollande et une ministre de l’éducation nationale dont l’ignorance linguistique et historique provoquerait l’hilarité d’un bachelier de 1905, que ces deux simples d’esprit prétendent rayer de la mémoire du monde le Siècle le plus glorieux de la France ? N’est-ce pas avec l’assurance d’une ignorance sûre de son savoir que ces deux simples d’esprit ne savent pas que sans le Siècle des Lumières, ni Darwin, ni Einstein, ni l’empire immense d’un inconscient encore à décrypter, n’auraient trouvé leur assise ? N’est-ce pas avec toute l’assurance et toute l’arrogance d’une ignorance qui s’imagine armée de savoir que nos deux faibles d’esprit susnommés prétendent interdire aux générations futures le seul siècle qui ait osé s’inscrire dans la postérité de toute philosophie véritable, celle qui sait, depuis le Ve siècle avant Jésus-Christ, que les mythes religieux sont des rêves primitifs et cruels et qu’il appartient aux évadés de la zoologie de civiliser peu à peu leur cosmologie mythologique.
Mais un chef d’Etat et une ministre de l’éducation nationale qui se vante de son identité marocaine et qui prétendent savoir ce qu’ils disent et ce qu’ils pensent, alors qu’ils privent le genre humain de son moteur intellectuel de Platon à nos jours, ignorent qu’ils sont coupables d’amputer l’humanité de l’audace qui caractérise notre espèce depuis les origines, l’audace de tenter de penser.
2 – Les esclaves des esclaves
Pourquoi toute la presse et les médias ont-ils soigneusement caché au public français que l’Italie demande que soit tournée la page de Bruxelles et de Berlin ? Croyez-vous que si le Président de la République et la ministre de l’éducation nationale n’étaient pas des ignorants sûrs du faux savoir dont leur ignorance les habille, ils seraient informés qu’il y avait deux espèces d’esclaves à Rome, les servi et les servi vicarii, les esclaves des esclaves. Le servus vicarius servait de domestique au servus attitré.
Or, jamais les pays vassalisés par l’OTAN n’accepteront le rôle de servi vicarii de deux esclaves en titre, la Commission de Bruxelles et Berlin. L’Italie, l’Autriche, la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie, la Grèce et la Slovaquie se présentent d’ores et déjà en Guillaume Tell d’une Europe qui se délite et s’effrite sous nos yeux, mais aucun de ces arbalétriers n’ose encore s’en prendre au maître en personne et au chef du traité d’auto-vassalisation qu’on appelle l’OTAN. Aucun de ces servi vicarii n’ose encore attaquer de front et à visage découvert le maître dont deux cents bases militaires occupent l’Allemagne. Cent trente sept font de l’Italie, de Bologne à Syracuse, un porte-avion américain au milieu de la Méditerranée et cent quarante quadrillent le reste de l’Europe.
Mes successeurs diront que, depuis trois générations, on enseigne aux enfants une histoire falsifiée de l’Occident, on leur raconte un film de Hollywood, mâtiné d’un dessin animé de Walt Disney. Leur tâche sera immense d’enseigner la vérité historique à un Continent d’hallucinés. Mais puisque cette question n’est autre que celle de l’euthanasie de l’Europe, vous vous souviendrez, comme je l’ai déjà dit, que mon texte du 5 février a été dicté le 4 janvier 2016 et que vous aurez des obstacles nouveaux à franchir, des difficultés nouvelles à surmonter, des pièges nouveaux à déjouer, parce que nous sommes entrés dans une étape nouvelle, cruciale et considérablement accélérée de l’agonie d’une civilisation, celle de son euthanasie involontaire ou hypocritement consentie. Je demande à mes successeurs d’aider ma postérité à réapprendre l’essentiel à l’Europe – lui réapprendre à marcher.
3 – Le Président Hollande et l’euthanasie de la France
Le 5 février, je demandais à mes successeurs de tenter de remettre la France en marche. Une semaine plus tard, votre tâche se trouve miraculeusement clarifiée et providentiellement confirmée. Le Président de la République vient de décider, en solitaire purement et simplement d’euthanasier la France.
Le même chef de l’État qui, le 11 juin 2014, tentait de récrire l’histoire de l’Europe en redonnant à la Russie tout son poids dans la victoire de 1945 sur le IIIe Reich, le même chef de l’État qui, en 2008 s’écriait à l’Assemblée Nationale : « Dans toute démocratie digne de ce nom, de tels arbitrages auraient été rendus après un vaste débat dans le pays », le même Président qui tentait de réfuter Hollywood et Walt Disney, a décidé, sans seulement consulter le peuple français de priver notre patrie des lambeaux subsistants de sa souveraineté.
L’actuel locataire et hôte de passage de l’Élysée pleure de ce que le personnel de l’OTAN – à savoir les agents des États-Unis – qu’il accueille dans ses quartiers généraux militaires « ne bénéficient toutefois d’aucun statut international », il gémit de ce que « seuls des arrangements de circonstance ont permis jusqu’ici l’accueil de personnels de l’Otan dans les QG situés sur le sol français », il se lamente de ce que « l’attractivité du territoire français s’en trouve affectée ».
4 – A quand le retour des bases américaines, baptisées bases de l’OTAN ?
Paradoxalement, votre tâche, qu’il faut désormais appeler votre vocation, s’est prodigieusement simplifiée et miraculeusement consolidée de s’être à ce point clarifiée.
Comment voulez-vous qu’un candidat à la présidence de la République ose se présenter demain en assassin de la souveraineté nationale, comment voulez-vous qu’un Alain Juppé, ancien young leader tout tremblant, se présente ouvertement devant les Français en fossoyeur de la souveraineté nationale, comment voulez-vous qu’un Nicolas Sarkozy, qui tentait de se rapprocher de la Russie, mais qui s’est précipité à Tel-Aviv quarante huit heures seulement après que M. Juppé s’y fût rué, une kippa sur le sommet du crâne, persévère aujourd’hui dans une forme d’euthanasie de la France, qui serait plus proche de l’assassinat, que des ruses de chattemite de l’euthanasie en douce dûment programmée par M. Hollande et comment voulez-vous qu’ils espèrent conquérir l’Élysée à imiter des démissionnaires de la nation qui ne seraient que des copistes de leur propre démission ?
Vendredi 29 janvier 2016
Source : http ://aline.dedieguez.pagesperso-orange.fr/tstmagi…
Parce que nous sommes nuls et que ce blog n’est ni fait ni à faire, nous avons sauté plusieurs des dernières réflexions de Manuel de Diéguez. Les voici :
Religion et civilisation
La laïcité face aux mythes religieux
22 janvier 2016
http ://aline.dedieguez.pagesperso-orange.fr/tstmagi…
L’Europe du naufrage de sa mémoire politique
Europolitique
15 janvier 2016
http ://aline.dedieguez.pagesperso-orange.fr/tstmagi…
Qui attachera un grelot à la queue du chat ?
Les défis de l’Europe
8 janvier 2016
http ://aline.dedieguez.pagesperso-orange.fr/tstmagi…
Crépuscule de l’Histoire
« Quand je lis Finkielkraut ou Zemmour… leur lecture de l’Histoire… je suis effrayé »
Shlomo Sand – L’Humanité.fr – 24 janvier 2016
Entretien réalisé par Pierre Barbancey
Professeur honoraire d’histoire contemporaine à l’université de Tel-Aviv, Shlomo Sand ne cesse d’interroger l’Histoire. C’est la fonction même de cette discipline, qu’il dénonce. Pour lui, l’Histoire a servi à la création d’un récit national, utile aux élites. Un mythe chaud qui n’aurait plus lieu d’être et qui empêche toute avancée ; comme en Israël où il fait croire que Hébron ou Jérusalem sont la patrie des juifs.
Votre dernier ouvrage s’intitule Crépuscule de l’Histoire (1). Un titre qui fait peur. Il s’apparente à la fin de l’Histoire ?
SHLOMO SAND – Je parle du métier. Il y a quelque chose, concernant le métier d’historien, qui est en train de changer. La discipline est en train de changer. Pendant des siècles, dans toutes les civilisations, l’Histoire avait pour tâche de fournir des modèles pour les élites politiques. L’Histoire était toujours écrite à côté de la force. Parce que ce ne sont pas les masses qui ont pu lire l’Histoire à travers les siècles. C’était une sorte de genre littéraire qui a fourni une certaine vision du monde pour les élites. Avec la naissance des États-nations au XIXe siècle, ce métier devient principal dans la pédagogie de l’État. Des écoles à l’université, on commence à apprendre l’Histoire. D’Augustin Thierry à travers Michelet jusqu’aux historiens du XXe siècle, Ernest Lavisse en tête, on a formé l’Histoire comme métier principal parallèlement aux métiers scientifiques. Ma question de départ est : pourquoi apprendre l’Histoire ? Pourquoi pense-t-on que c’est naturel ? J’ai donc analysé les développements de ce métier. L’ossature, les vibrations les plus importantes dans le métier étaient l’histoire nationale. C’est pour cela qu’elle est devenue non seulement une discipline universitaire comme la sociologie mais aussi un métier principal dans l’éducation. L’État-nation a construit des nations. Pour construire des nations, il faut plusieurs paramètres : une langue commune, un ennemi commun, mais aussi il faut une mémoire collective. C’est-à-dire ne pas penser que nous sommes un collectif seulement aujourd’hui, mais que cela a toujours existé. Pour le prouver, l’Histoire a été mise à contribution. On savait que le principe de base de ce métier était de former des nations. Il faut cela pour un passé commun, pour partir en guerre ensemble. Donner l’impression qu’on a toujours eu cette identité collective.
Cela diffère-t-il selon les nations ?
SHLOMO SAND – Le mythe national, tel qu’il existe en France avec par exemple « nos ancêtres les Gaulois », n’est pas un mythe chaud. Il s’est refroidi. S’il ne faut pas tant étudier l’histoire nationale, qu’est-ce qu’il reste ? Faut-il étudier le colonialisme, le siècle des Lumières ? Enseigner plutôt l’histoire culturelle que politique ? Personne n’a la réponse. Le métier d’historien recule. Même Régis Debray a récemment écrit un livre de deuil en ce sens. Moi, je ne suis pas en deuil. Je ne suis pas contre l’Histoire. Je crois que l’Histoire peut jouer un rôle important dans la formation de l’esprit, mais peut-être une autre Histoire. Faut-il continuer à enseigner l’Histoire au lycée ? Oui, mais pas comme aujourd’hui. Il faut armer les élèves avec des métiers qui ne sont pas moins importants que la fonction de l’Histoire dans leur imaginaire et dans leur éducation. Par exemple, est-ce qu’apprendre la communication pour s’armer contre les médias dominants ce n’est pas une tâche principale de l’école et du lycée ? Est-ce qu’apprendre l’économie politique pour créer des salariés qui ont conscience de leurs intérêts n’est pas important ? On apprend le droit seulement à l’université, pourquoi pas à l’école et devenir un citoyen d’un autre type qui sait lutter pour les droits civiques ? Pourquoi l’Histoire est-elle obligatoire et pas l’économie politique ou la communication ? En France, on apprend un peu la philosophie. Mais c’est rare dans le monde. En Israël, par exemple, elle ne fait pas partie d’un corpus d’éducation des élèves. Mais si la philosophie apprend aux gens comment penser, l’Histoire leur enseigne quoi penser. Il faut donc commencer par « comment penser » dans toutes les écoles du monde. Mais je n’ai pas d’illusions. L’école moderne ne peut pas être son propre fossoyeur ! L’Histoire ne doit pas être plus importante. C’était un métier majeur pour la création des nations. Ce n’est plus le cas. Malheureusement la plupart des historiens ne sont pas de mon avis. Il faut enseigner l’Histoire avec le même état d’esprit que le tableau de Magritte où était inscrit « Ceci n’est pas une pipe ». On n’admet pas que la plupart des histoires de l’Histoire sont des mythes. Et pourtant… Ça va continuer. Il y a des mythes nouveaux sur le capitalisme. Quand je lis Finkielkraut ou Zemmour, leur lecture de l’Histoire, je suis effrayé. Avec l’Histoire on peut faire n’importe quoi. Or l’Histoire n’est pas la vérité. Ce ne sera jamais une pipe mais toujours le dessin d’une pipe. Et l’Histoire devrait être enseignée comme ça, de façon critique, en dévoilant le bagage idéologique que chacun possède. Moi, je ne l’ai jamais caché. C’est une partie de mon livre.
Dans vos travaux, vous vous êtes attaqué à la théologie, puis au mythe chaud sioniste. Et cette fois ?
SHLOMO SAND – Je commence à décomposer le mythe d’une Europe qui commencerait avec Athènes et se termine avec Nadine Morano. Je ne rigole pas. Cette vision est fausse. J’ai une méthode qui s’apparente au matérialisme historique. Je montre que les bases du travail en Méditerranée étaient complètement différentes de celles de l’Europe. Le bagage scientifique gréco-romain, par exemple, est passé par les Arabes. Il y a mille ans d’écart entre la fin de la gloire gréco-romaine au Ve siècle et la naissance au XVe siècle de ce qu’on appelle la Renaissance ! Ce n’est qu’avec la conquête de Tolède et de Cordoue qu’on commence à injecter une partie de cette culture gréco-romaine en Europe. Donc il n’y a pas de continuité. Dans le deuxième chapitre, pour la première fois, je développe une critique très sévère en face de mes maîtres de l’École des Annales, qui m’ont permis d’avoir un autre rapport avec l’idéologie, la culture… Avec ce livre, je fais une sorte de bilan, plutôt négatif. Parce que je suis arrivé à la conclusion qu’une partie de la découverte de cette histoire culturelle était basée sur une fuite de la politique. Si presque toute l’Histoire, jusqu’à Voltaire, était histoire politique, de même qu’au XIXe siècle ce n’était pas le cas de l’École des Annales, née dans les années 1920 pour ne pas se confronter à l’histoire politique qui devenait une histoire de masse. Ce périodique qui s’appelait Annales, base de toutes les études historiographies dans les années 1950, 1960, 1970, ne proposait pas une page sur la Première Guerre mondiale. Vous imaginez un tel périodique qui ne se confronte pas avec la Grande Guerre, ni avec le taylorisme, ni avec les grèves de 1936, ni avec la guerre d’Espagne, ni avec l’antisémitisme, ni avec les massacres staliniens ? Je suis arrivé à Paris en 1975, comme étudiant. Quelques mois auparavant étaient publiés les trois grands livres de Jacques Le Goff et Pierre Nora, Faire de l’histoire. C’était le sommet de l’historiographie française. Aucun article sur Vichy, aucun article sur la guerre d’Algérie. Pourtant, pratiquement la même année, Joseph Losey réalise Monsieur Klein, sur la rafle du Vél’d’Hiv. Mais les historiens, eux, ne touchent pas à ça !
Est-ce que cette problématique que vous soulevez touche les milieux des historiens partout dans le monde ? Est-ce qu’un débat existe auquel vous participez avec ce livre ou, au contraire, lancez-vous un débat ?
SHLOMO SAND – Je dis dans mon livre que je suis privilégié. Comme j’ai grandi ici, en Israël, où le mythe est chaud, j’ai eu l’avantage de pouvoir regarder de l’extérieur le mythe qui s’est refroidi en France. Les mythes nationaux ne se sont pas refroidis seulement en France, mais aussi aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne. Il y avait un groupe à la Sorbonne après 1945, composé de personnalités comme Albert Soboul, Georges Lefebvre, occupant une place hégémonique et proche des marxistes, qui se cristallise à cause des conditions de la Libération. À ce moment-là, Lucien Febvre, de l’École des Annales et fondateur de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), a reçu une forte somme de la Fondation Rockefeller. Dans le cadre de la guerre froide, il fallait arrêter le marxisme en Europe. Si les marxistes ou les ex-marxistes en Grande-Bretagne gardent une hégémonie dans l’Histoire, en France, Soboul et ses amis reculent devant la puissance de l’EHESS. Le phénomène des Annales, qui réunit beaucoup de gens intelligents comme Furet, Le Goff… fait l’histoire moins conflictuelle même si très matérialiste. Il y aura ainsi beaucoup de thèses sur la vie des paysans d’autrefois, beaucoup moins sur les luttes sociales. Si les historiens britanniques, à la même époque, publient de plus en plus de livres sur l’apparition de la classe ouvrière au XIXe siècle, il n’y a pas d’équivalent en France de cet élan d’analyses socio-économiques de formation des luttes sociales. Les historiens des Annales, qui deviennent hégémoniques, préfèrent le Moyen Âge et les luttes sociales deviennent mineures. Il n’y a pas non plus, en France, de livre comme celui de Howard Zinn aux États-Unis.
L’Histoire s’écrit en permanence au Proche-Orient peut-être plus qu’ailleurs ? Comment les peuples écrivent cette histoire ici où se trouvent des Israéliens et des Palestiniens ?
SHLOMO SAND Celui qui a traduit le livre Une histoire populaire américaine, de Howard Zinn, en hébreu l’a fait en prison parce qu’il avait refusé de partir à l’armée. Il a rencontré Zinn et lui a demandé s’il pensait qu’un tel livre pourrait être écrit en Israël. Zinn, juif américain, a répondu qu’il ne le pensait pas, parce qu’il n’y a pas de tradition universaliste en Israël. En France cela existe, c’est pour cela que je n’ai pas perdu espoir. L’affrontement entre de Gaulle le conservateur et Sartre l’universaliste a, par exemple, créé une possibilité de se détacher de cette guerre atroce en Algérie. Ici, il n’y a presque pas de tradition universaliste. Ceux qui s’en réclamaient sont partis. Il faut analyser la situation actuelle à partir de la colonisation sioniste qui a commencé au XIXe siècle. La colonisation ne s’est jamais arrêtée. Même entre 1949 et 1967. C’était une colonisation interne. Droite et gauche, sauf les communistes, ont accepté le slogan « Judaïser la Galilée ». C’est pour cela qu’aucun homme politique israélien ne fait une démarche sérieuse pour un compromis avec les Palestiniens. Je ne juge pas chaque phase de la colonisation moralement et politiquement au même niveau. Je reconnais les acquis du sionisme avec la création de l’État d’Israël (et non pas d’un État juif). Mais je reconnais les frontières de 1967. D’un côté il y a cette continuité, de l’autre, il y a mon jugement politique différent. Parce que je suis politiquement modéré. J’ai fait une erreur en soutenant les accords d’Oslo, pensant que c’était une ouverture. Tous mes amis gauchistes m’ont dit que c’était encore un leurre. Je me suis trompé. Parce qu’Oslo n’a pas amené la gauche à décoloniser. Parce que le mythe chaud en Israël fait croire que Hébron, Jérusalem, Jéricho sont la vraie patrie des juifs. Chaque élève en Israël, à partir de 7 ans jusqu’à 18 ans (il y a une matière au bac), apprend la Bible comme on apprend un livre d’Histoire. Pour créer un attachement à la terre mythique d’autrefois. Personne ne peut s’en libérer. Heureusement que j’ai été viré de l’école lorsque j’avais 16 ans. Peut-être que cela a contribué au fait que je puisse penser, parler. Et aussi parce que j’avais un père communiste. Mais aucun facteur n’est, en soi, suffisant. Pendant des années j’ai refusé la campagne Boycott-désinvestissement-sanctions (BDS). Mais aujourd’hui je pense qu’il n’y a aucune force politique capable de changer le cap, de changer cette radicalisation droitière et pseudo-religieuse de la société. J’accepte maintenant chaque pression sur l’État d’Israël, qu’elle soit diplomatique, politique, économique. Sauf la terreur. Si quelqu’un ne soutient pas le BDS aujourd’hui, il doit savoir qu’il aide à la continuation de ce désespoir tragique des Palestiniens qui, sans arme, résistent à ce statu quo.
(1) Crépuscule de l’Histoire. Éditions Flammarion, 320 pages, 23,90 euros.
Déconstruction et peuple juif. Malgré les difficultés, morales et politiques, Shlomo Sand, historien israélien, n’a cessé de poursuivre ses recherches basées sur la déconstruction des mythes historiques. Ses récents ouvrages ont ainsi été retentissants. Une sorte d’iconoclaste qui ne se plierait pas au grand mensonge national. Pas plus en Israël qu’en France où il a étudié. Avec Crépuscule de l’Histoire, il termine une trilogie commencée par Comment le peuple juif fut inventé (Fayard, 2008), suivi de Comment la terre d’Israël fut inventée : De la Terre sainte à la mère patrie (Flammarion, 2012).
Source : http ://www.humanite.fr/shlomo-sand-quand-je-lis-fin…
Shlomo SAND
Crépuscule de l’Histoire
Paris, Flammarion, 2015
308 pages
De Gaulle l’appelait « le Machin ».
C’était peut-être lui faire bien de l’honneur.
Voyons-la au moment où vont s’ouvrir sous son égide les « pourparlers de paix » pour la Syrie.
Quand les historiens qu’appellent de leurs vœux Manuel de Diéguez et Shlomo Sand se mettront enfin à enseigner l’histoire réelle (comme le fait déjà Annie Lacroix Riz), ils ne pourront pas se passer de Thierry Meyssan. De son exil, il leur prépare des fiches où ils n’auront qu’à puiser.
Exclusif
L’Allemagne et l’Onu contre la Syrie
par Thierry Meyssan
Les néo-conservateurs et les faucons libéraux qui ont longuement préparé, depuis 2001, la guerre contre la Syrie, se sont appuyés à partir de 2005 sur plusieurs États de l’Otan et du Conseil de coopération du Golfe. Si l’on connaît le rôle joué par le général David Petraeus pour lancer et poursuivre la guerre jusqu’à aujourd’hui, deux personnalités — Jeffrey Feltman (numéro 2 de l’Onu) et Volker Perthes (directeur du principal think tank allemand) — sont restées dans l’ombre. Ensemble, avec le soutien de Berlin, ils ont utilisé et continuent de manipuler les Nations unies pour détruire la Syrie.
Réseau Voltaire | Damas (Syrie) | 28 janvier 2016
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Depuis 2005, l’universitaire allemand Volker Perthes participe aux côtés de la CIA à la préparation de la guerre contre la Syrie. Il dirige le plus puissant think tank européen, la Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP).
En 2005, lorsque Jeffrey Feltman — alors ambassadeur US à Beyrouth — supervisa l’assassinat de Rafic Hariri, il s’appuya sur l’Allemagne, à la fois pour l’assassinat lui-même (Berlin fournit l’arme) [1] et pour la Commission de l’Onu chargée d’accuser les présidents el-Assad et Lahoud (le procureur Detlev Mehlis, le commissaire de police Gerhard Lehmann et leur équipe). La campagne internationale contre les deux présidents fut notamment animée par le politologue allemand Volker Perthes [2].
Volker Perthes a étudié la Syrie, dans le cadre d’une bourse de recherche allemande, à Damas, en 1986-87. Puis, il a mené une carrière de professeur de sciences politiques en Allemagne, à l’exception de la période 1991-93 au cours de laquelle il a enseigné à l’université américaine de Beyrouth. Depuis 2005, il est le directeur du Stiftung Wissenschaft und Politik (SWP), le principal think tank public allemand, employant plus de 130 spécialistes, dont moitié d’universitaires.
Par contre, lorsque Feltman organisa l’attaque israélienne contre le Liban, en 2006, il n’impliqua que les États-Unis, espérant que le Hezbollah vaincu, la Syrie viendrait au secours de Beyrouth et que cela fournirait un prétexte à une intervention US. En définitive Berlin se contenta d’envoyer sa marine participer à la Force des Nations unies (Finul).
Source : http://www.voltairenet.org/article190041.html
Mis en ligne le 29 janvier 2016