Communiqué de la Campagne BDS France, le 29 octobre 2015
En 2009 et 2010, douze personnes dans un supermarché de Illzach (près de Mulhouse) participent à des actions de sensibilisation en distribuant des tracts appelant au boycott (*) de certains produits pour des raisons politiques, des actions comme il en existe de nombreuses autres du même type en France. Ils tiennent à informer les consommateurs des problèmes éthiques que posent l’achat de produits provenant d’Israël: leur production est indissociable de la situation d’apartheid vécue par le peuple palestinien, de la spoliation de ses terres, du refus du retour des refugiés, en dépit d’un droit reconnu par les Nations Unies, et d’autres violations du droit international commises par l’Etat israélien.
Alors que les actions de boycott de produits représentent un droit des citoyens, et une expression politique comme dans le cas du boycott des produits d’Afrique du Sud ou de Russie, une circulaire écrite par Mme Alliot-Marie, alors ministre de la justice, recommande au Ministère public de poursuivre spécifiquement les personnes qui appellent au boycott d’Israël. Cette circulaire fut médiatiquement justifiée au nom d’un soi-disant antisémitisme de la campagne de boycott des produits israéliens, alors qu’il ne s’agit aucunement de boycotter des produits « cacher », comme elle le prétend, mais d’une position politique appelant à boycotter des produits issus d’une politique coloniale contraire au droit international.
Malgré cette pression ministérielle, le tribunal de Mulhouse déclare ces douze personnes innocentes. Le ministère public fait appel de cette décision, et la cour d’appel de Colmar déclare ces mêmes douze personnes coupables d’appel public à la discrimination basée sur la nationalité.
Appelée à trancher, la Cour de cassation a confirmé la semaine dernière l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar. La Cour de cassation estime que, dans le cas présent, la liberté d’expression invoquée mérite d’être restreinte pour préserver l’ordre public et protéger les droits des producteurs israéliens.
Cette décision marque un triste jour pour la démocratie française, où l’appel au boycott d’un Etat criminel qui viole les droits humains ne va plus de soi. Un triste jour où la liberté d’expression dont se gargarise notre gouvernement est sérieusement limitée en détournant la loi de son esprit dès qu’elle s’attaque à un partenaire politique du pouvoir en place.
La Campagne BDS a été initiée en 2005 par 170 organisations de la société civile palestinienne qui appellent à faire respecter le droit international. Cette campagne progresse dans le monde entier, et l’Etat israélien, qui intensifie ses provocations et ses persécutions contre le peuple palestinien, est de plus en plus isolé dans l’opinion publique. Puisqu’il viole constamment le droit international, c’est l’Etat d’Israël qu’il faut condamner, et non pas les militants de BDS.
La Campagne BDS France, qui demande l’abrogation de la circulaire Alliot-Marie, apporte tout son soutien aux personnes condamnées, et les soutiendra dans toutes les décisions qu’elles seront amenées à prendre prochainement.
La Campagne BDS France appelle toutes les personnes, en France comme partout dans le monde, à continuer de mettre en oeuvre la décision du peuple palestinien: promouvoir une campagne de Boycott-Désinvestissement-Sanctions contre l’Etat d’Israël, jusqu’à ce qu’il respecte le droit international et les principes universels des droits humains.
Pour tout citoyen de conscience, soucieux des droits et de la dignité des peuples, BDS est non seulement un droit, mais aussi un devoir moral !
Twitter : #JeSuisBDS
La Campagne BDS France
www.bdsfrance.org
campagnebdsfrance@yahoo.fr
(*) Eléments juridiques additionnels:
Comment assumer de protéger les droits de producteurs qui vendent des produits qui n’ont été ni cultivés ni fabriqués par eux et encore moins chez eux ?
La campagne BDS souligne que la Cour de Justice européenne dans son arrêt Brita rappelle que les producteurs israéliens «ne peuvent bénéficier ni du régime préférentiel en vertu de l’accord euro‑méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et l’État d’Israël, d’autre part, ni de celui instauré par l’accord d’association euro‑méditerranéen intérimaire relatif aux échanges et à la coopération entre la Communauté européenne, d’une part, et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP)». Dès lors, pourquoi le ministère public et la cour de cassation n’ont ils pas suivi ce jugement qui constitue une jurisprudence ?
Elle rappelle aussi que la Cour internationale de Justice, dans son avis contre la construction unilatérale du mur, affirme que « (….) tous les Etats sont dans l’obligation… de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction(…) ; tous les Etats parties à la IV convention de Genève (…) ont en outre l’obligation dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire(…)». Dès lors, favoriser les producteurs israéliens revient à violer ses obligations internationales.
La Campagne BDS France suit solidairement, l’appel lancé par les organisations palestiniennes visant à sanctionner l’Etat d’Israël qui viole, en toute impunité, les normes impératives du droit international et du droit international humanitaire. Cette campagne s’inscrit dans des actions pacifiques et se conforme à la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme, telle qu’énoncée par l’ONU et s’appuie entre autres sur l’arrêt Brita rendu par la cour de Justice européenne. Dans ce cadre, elle appelle tous les défenseurs des droits humains en France, comme ailleurs, à soutenir la lutte du peuple palestinien pour son droit inaliénable à l’autodétermination et à mener campagne pour l’information des consommateurs sur les produits étiquetés « Israël », alors qu’ils viennent de Palestine. Ces défenseurs sont conscients que l’Etat d’Israêl prive l’ensemble du peuple palestinien de ses droits économiques. Ce vol organisé doit être dénoncé.
Les actions de boycott sur des produits «volés» représentent un droit des citoyens, qui, épris de justice, sont conscients que la paix et la sécurité internationales ne peuvent s’obtenir que si tous les peuples bénéficient de leur droit inaliénable à l’autodétermination et à une souveraineté pleine et entière. Cette arme pacifique a été utilisée, avec succès, contre l’Afrique du sud qui maintenait la grande majorité de sa population dans une situation d’apartheid, violant les piliers de la Charte des Nations unies, la non-discrimination avec son corollaire l’égalité. Aujourd’hui, c’est cette même arme qu’ont utilisée les douze défenseurs des droits de Mulhouse et qu’utilisent tous ceux qui croient en l’égalité entre Etats. Le boycott, dans les cas graves de violations des droits humains, constitue un droit politique de conscience citoyenne.
Photo : Logo de la campagne BDS
Source : Solidarité avec les condamnés: boycotter l’apartheid n’est pas illégal!
Lire aussi :
Déclarations/Analyses contre la criminalisation de la Campagne BDS
L’appel à boycotter Israël déclaré illégal, par Jean-Baptiste Jacquin (Le Monde – 6/11/15)
Contre la « décision de justice » interdisant le boycott de l’Etat raciste, une seule riposte !, par Jean-Paul Cruse