Avouez que discourir de la liberté des journaux et de ceux qui les font en étant nourri par un autocrate, c’est vraiment banqueter dans un monde idéal. A l’UNESCO, nul n’a vu malice dans le fait qu’Al Jazira, la télé haut-parleur du Qatar, offre un repas bien mérité aux confrères, après qu’ils ont transpiré et souffert pour sauver une noble cause : la liberté de la presse. Dans le même esprit, l’UNESCO devrait nous proposer bientôt un symposium de la liberté offert par le camp de Guantanamo, une réunion sur le journalisme libre pistonné par la Turquie, et la liste des oxymores peut être longue.
Parlons de ce Qatar qui aime tant la liberté à Paris pour mieux la combattre à Doha. C’est un pays avec foi –le wahhabisme radical- mais sans lois, en tout cas dignes de ce nom, votées par une assemblée. Un pays sans presse libre, où ce qui est imprimé n’est que la feuille d’avis du palais ; sauf, révérence gardée, quand le livre sur l’islam de notre confrère Edwy Plenel y est diffusé en feuilleton.
Au risque d’être lourd, faut-il rappeler que le poète Mohamed Al Ajami est cloîtré pour quinze années en prison, au prétexte qu’il a souhaité que le « printemps » soit une saison qui n’oublie pas de faire un tour par le Qatar. Le pays d’Al Jazira l’a d’abord condamné à mort avant que la sentence soit généreusement commuée.
Al Jazira synonyme de liberté ! Le mot chaîne lui va si bien. N’est-ce pas sur son écran que l’on peut entendre le cheikh Qaradawi venir souhaiter « qu’Hitler revienne pour finir le travail ». Voilà une télé moderne, une télé qui a révélé son vrai visage lors des « printemps » de Tunisie, d’Egypte et de Libye. C’est alors que cette arme de presse a sorti son droit canons pour imposer dans ces trois pays « libérés » des gouvernements tenus par des frères wahhabites, pas vraiment hostiles au noble combat conduit par Daech et d’Al Nosra en Syrie.
Pour la toute petite histoire, au temps de ce chaos et dans le rêve de l’exporter en Algérie, sachez qu’Al Jazira a tourné en studio de fausses séquences « d’émeutes » censées se dérouler au pays de Boutef… Histoire d’allumer la mèche au pays de l’émir Abdelkader.
Après un bon déjeuner offert par un despote, il est bon de rire et voici donc une blague. Elle se déroule en Egypte après la tempête du « printemps ». Elle décrit une caricature publiée dans la presse du Caire. On voit une mère en colère et qui tire l’oreille de son fils :
– Ali, tu sais où on met les petits menteurs ?
– Oui maman, à Al Jazira.
Jacques-Marie BOURGET
Et voir :
http://www.legrandsoir.info/quand-plantu-recoit-une-dotation-d-une-dic…
Et : « Le vilain petit Qatar » de Jacques-Marie Bourget et Nicolas Beau.