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23 décembre 2024

Uranium appauvri : La guerre nucléaire silencieuse


L’uranium appauvi a été également utilisé en Libye.

Sortir du nucléaire n°29

Décembre 2005

Uranium appauvri

La guerre nucléaire silencieuse

Décembre 2005


Une nouvelle guerre nucléaire a commencé avec la « Guerre du Golfe ». Elle utilise l’uranium dit « appauvri », un déchet nucléaire hautement toxique qui empoisonne l’environnement pour plusieurs milliards d’années et provoque chez les populations agressées une multiplication des cancers, des leucémies, de malformations congénitales monstrueuses et, conséquence la plus grave et irréversible, la modification du patrimoine génétique. Depuis 1991, un crime contre l’humanité se déroule silencieusement, et à une échelle jamais connue.

Une contamination planétaire

L’uranium « appauvri » (UA) est à la fois radiotoxique et chimiotoxique (en tant que métal lourd). C’est un déchet de l’industrie nucléaire dont l’activité s’accroît au fil du temps en raison de la formation rapide de sous-produits à vie courte lors de sa désintégration. L’UA utilisé dans l’armement est d’autant plus dangereux qu’il est mélangé à de l’uranium issu des usines de retraitement pollué par des produits hautement radioactifs, comme le plutonium et l’uranium 236. Ainsi, son activité est quatre mille fois supérieure au seuil réglementaire imposant l’application des règles de radioprotection. Le rêve des responsables du projet Manhattan, qui recommandaient l’usage de gaz radioactifs contre les populations ennemies a été réalisé cinquante ans plus tard : l’oxyde d’uranium est devenu une arme de destruction massive, utilisée par l’armée de terre, de l’air et la marine.

Chaque nouvelle guerre permet une amplification des tests précédents. Alors que les charges contenues dans les obus antichars utilisés en 1991 ne dépassaient pas 5 kg, celles des bombes téléguidées déversées sur l’Irak depuis son invasion en 2003 s’élèvent à plusieurs centaines de tonnes.

L’extrême densité de l’UA et ses propriétés pyrophoriques (lors de l’impact sur sa cible, il s’enflamme spontanément au contact de l’oxygène) confèrent aux armes à l’UA une grande vélocité et une grande capacité de destruction.

La chaleur dégagée (jusqu’à 5 000° C) provoque la « vaporisation » de l’uranium dans l’atmosphère. Les micro-

particules, propagées par les vents et la pluie sur des centaines de kilomètres, contaminent les sols, les fleuves et les nappes phréatiques, la végétation, les animaux et toute la chaîne alimentaire. La pollution due aux guerres radiologiques contre l’Irak, l’ex-Yougoslavie et l’Afghanistan, qui a déjà atteint une vingtaine de pays voisins, est en train de s’étendre à tout l’hémisphère Nord, et contaminera bientôt l’ensemble de la planète.

Des malformations congénitales monstrueuses et une atteinte au génome

« S’ils nous avaient tués une fois, cela serait moins grave… mais… ils vont continuer de nous tuer pendant des générations » (un Afghan cité par le Dr Mohamed Miraki)
Si les armes à l’UA ne déclenchent pas de champignon atomique, elles provoquent au moins autant de dégâts. La contamination interne peut survenir par inhalation, l’ingestion de boissons et d’aliments contaminés, et par lésions cutanées. Des milliers de ces projectiles sont disséminés à des profondeurs variables sur les zones bombardées. La chimiotoxicité concerne en premier lieu le rein, et la radiotoxicité les poumons. Des épidémiologistes ont mis également en évidence des atteintes du cerveau, des organes reproducteurs, de la thyroïde, des muscles, des ganglions lymphatiques et du système neurologique, un collapsus du système immunitaire avec des symptômes analogues à ceux du SIDA, la multiplication des cas de mongolisme, de leucémies et de malformations congénitales.

La fixation de l’UA sur le placenta provoque chez les nouveau-nés d’horribles malformations : hydrocéphalies, absence de tête, de membres ou d’organes, organes à l’extérieur du corps. Chez les bébés irakiens nés en 2002, l’incidence d’anophtalmie (absence d’yeux) a été 250.000 fois plus grande que l’occurrence moyenne. Les premières paroles d’une femme irakienne qui vient d’accoucher ne sont pas : « c’est une fille ou un garçon ? », mais « mon bébé est-il normal ? ». En outre, les anomalies génétiques s’aggravant d’une génération à l’autre, il faudra plusieurs décennies avant de mesurer l’atteinte du génome.

L’Agence Internationale à l’Energie Atomique (AIEA) avait prévu un excès d’un demi-million de morts en Irak dus à la guerre de 1991. La contamination de l’environnement et des populations locales va continuer de s’amplifier. Avant 2003, certaines régions du sud de l’Irak connaissaient déjà une augmentation de 700% des taux de cancer, de 400% du taux de malformations congénitales et de 350% par an de cas de leucémies. La dose de radioactivité délivrée aux enfants de moins de quinze ans représentait 70% de la dose totale reçue par l’ensemble de la population étudiée – les enfants concentrant la radioactivité trois à quatre fois plus que les adultes.

Les pays agressés transformés en décharges radioactives

L’usage militaire de l’UA est un débouché idéal pour l’industrie nucléaire qui se débarrasse ainsi de déchets dont le stockage est très coûteux, d’autant que la demi-vie de l’uranium appauvri est de 4,5 milliards d’années (l’âge de la terre !). Les populations victimes des bombardements sont condamnées à vivre durant toute leur vie dans un environnement de plus en plus radioactif. Et elles sont trop démunies pour se faire traiter ou soulager leurs douleurs.

Depuis mars 2003, ce sont des milliers de tonnes de ce produit mortifère qui sont répandues sur les villes irakiennes les plus peuplées, comme Bagdad (où le taux de radioactivité avait été multiplié par deux mille en 2003). La quantité de radioactivité relâchée sur l’ex-Yougoslavie, l’Afghanistan et l’Irak correspondrait à quatre cent mille fois celle d’Hiroshima, et la pollution serait dix fois plus importante que celle qui est due aux essais nucléaires aériens.

En Europe, toute dispersion d’UA dans l’environnement est illicite. Bien que les tests aient lieu en milieu confiné, on trouve autour de nombreux sites des taux de cancers et de leucémies anormalement élevés. Pourquoi l’uranium « appauvri » devient-il un produit banal lorsqu’il est déversé par centaines de tonnes sur les pays agressés ?
L’OMS est complice de « crimes contre l’humanité »

Les armes à l’UA, classées « conventionnelles » sont aujourd’hui fabriquées par un nombre grandissant de pays, dont Israël, la Turquie, la Russie et la France. Les armées de près de cinquante pays, et tous les types de munitions de la panoplie des armes américaines en seraient équipés aujourd’hui – des simples balles aux bombes « intelligentes » guidées par satellites, en passant par les obus et les missiles.

Ce véritable « crime contre l’humanité » se poursuit avec la complicité de l’organisation des Nations Unies. Un Accord que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a signé en 1959 lui interdit de traiter des conséquences des radiations sur la santé

publique sans l’aval de l’AIEA. C’est ainsi que l’OMS bloque depuis 2001 la publication d’un rapport explosif sur les effets de l’UA.

Intensifier la campagne d’information internationale en vue de l’interdiction totale de ces armes, afin de “sauvegarder l’avenir de l’humanité” (Ramsey Clark)

Les gouvernements coupables de ces atrocités maintiennent une chape de plomb sur les conséquences de l’utilisation de ces armes nucléaires dont l’utilisation était restée tabou jusqu’en 1991. Un rapport de l’OTAN de 1990 avait préconisé « des campagnes de relations publiques… étant donnée la perception (négative) de la radioactivité par le public ».

Selon le droit international, ces armes sont illégales parce qu’elles infligent des maux superflus et des souffrances inutiles, qu’elles sont non discriminantes, qu’elles causent des atteintes graves et durables à l’environnement et demeurent meurtrières bien après la fin des conflits. Leur utilisation a été condamnée par une résolution des Nations Unies de 1996. De son côté, le Parlement européen a voté en 2001 un moratoire sur leur utilisation.

De nombreux spécialistes de renommée internationale, comme Rosalie Bertell, épidémiologiste, et Ramsey Clark, ancien ministre de la Justice, et de très nombreuses associations aux Etats-Unis comme en Europe, tentent d’alerter l’opinion

internationale pour obtenir « l’interdiction internationale inconditionnelle de la recherche, la

production, les essais, les transports, la détention et l’utilisation de l’uranium appauvri à des fins militaires. ». Elles demandent « que toutes ces armes et tous les déchets radioactifs soient immédiatement isolés et stockés, que l’uranium

appauvri soit classée « substance radioactive

dangereuse », que les zones contaminées soient nettoyées et que tous ceux qui ont été exposés puissent recevoir des soins médicaux appropriés ».
Si ces appels ne sont pas entendus, de plus en plus de régions de notre planète seront rayées de la carte, transformées en poubelles radioactives pour l’éternité, leurs populations condamnées à une mort lente et atroce et, finalement, la planète entière sera contaminée.

Joëlle Pénochet
Bilbliographie succinte :

– Uranium appauvri, la guerre invisible (M. MEISSONIER, et F. LOORE), Ed. Robert Laffont, 2001.

Livre de 408 pages, 24 €, port compris, à commander au Réseau “Sortir du nucléaire”

9 rue Dumenge 69317 Lyon Cedex 04.

(Chèque à l’ordre de “Sortir du nucléaire”)

– Guerre du Golfe, la sale guerre propre (Christine ABDELKRIM-DELANNE), Paris, Le Cherche midi éditeur, 2001.

– Les armes à uranium appauvri, jalons pour une interdiction (Bruno BARRILLOT), GRIP-éditions Complexe, Paris, 2001.

Bibliographie exhaustive à la suite de l’article « D’Hiroshima à Bagdad » (2005), publié sur www.planetenonviolence.org, et sur le site http://bienprofond.free.fr

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