État d’urgence dans le droit commun : aux oubliettes nos libertés ! Personnes
18 juin 2017
État d’urgence dans le droit commun : aux oubliettes nos libertés !
Nicolas Bourgoin
Bourgoin Blog
2017-06-11 10:04:00Commentaire: L’État d’urgence, c’est un peu comme la métaphore de la grenouille qui nage dans une marmite sur le feu : eau froide d’abord, agréable, eau tiède, qui passe encore, eau chaude, désagréable, eau brûlante, douloureuse et dangereuse, eau bouillante, cuisante. Un changement si lent et progressif que lorsqu’il est temps de réagir, le batracien, nous, en l’occurrence, n’en n’a plus la force… ou l’envie. L’État d’urgence renouvelé pour la énième fois suscite de moins en moins de réaction et d’opposition. C’est normal : pour une majorité de français, autres que ceux qui se prennent matraques, bottes et menottes sur le crâne et autour des poignets, rien ne change vraiment, au quotidien. La question est donc : à quel stade de la cuisson sommes-nous ?
A un stade avancé, c’est certain :
L’état d’urgence est un dispositif d’exception visant à réduire les libertés publiques fondamentales, notamment celles de réunion et de manifestation. Réactivé après les attentats du 13 novembre 2015, il est censé en théorie répondre à la menace terroriste. Dans les faits, il s’applique à ce qu’on appelle les « troubles à l’ordre public » : depuis sa dernière mise en oeuvre, il a permis d’interdire des centaines de manifestations, notamment les mobilisations contre la loi travail, d’ordonner des interdictions individuelles de manifester (près d’un millier), de réaliser des milliers de perquisitions administratives et des centaines d’assignations à résidence hors de tout cadre judiciaire dont seules une extrême minorité ont donné lieu à des mises en examen pour des faits associés au terrorisme.
Pas de djihadistes, donc, mais des militants écologistes, des restaurateurs, des personnes figurant comme « mis en cause » dans le Traitement des Antécédents Judiciaires (qui regroupe près d’un Français sur cinq…), des fidèles d’une mosquée, des maraîchers bio ou de simples manifestants dont l’indocilité pouvait perturber la bonne marche de l’exercice du pouvoir, notamment lors de la tenue de la COP21 ou du passage en force de la loi travail. Amnesty International note à propos de l’état d’urgence dans l’un de ses rapports : « des stratégies de maintien de l’ordre sont mises en place qui impactent fortement des droits fondamentaux dans l’objectif de prévenir des risques qui pourraient avoir lieu, sans aucune preuve concrète et solide que des événements dangereux pour la nation vont en effet arriver et que la seule solution pour y faire face est la restriction d’un ou de plusieurs droits fondamentaux ».