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22 novembre 2024

La dénonciation de l’esclavage de migrants en Libye continue


La dénonciation de l’esclavage de migrants en Libye continue

Par Blandine Le Cain Mis à jour le 24/11/2017

VIDÉO – La diffusion, par CNN, d’images montrant des migrants africains vendus aux enchères en Libye a déclenché une indignation générale et l’ouverture d’une enquête. Emmanuel Macron a dénoncé un «crime contre l’humanité». L’indignation ne diminue pas.

Après des mois de mise en garde par les ONG, c’est un reportage de CNN, diffusé le 13 novembre, qui a attiré l’attention de l’opinion publique sur la situation dramatique des migrants en Libye. Entassés dans des centres de détention, battus et humiliés, ils sont également vendus comme esclaves, comme le montrent des images obtenues par la chaîne américaine. Cette vidéo a déclenché l’indignation et l’ouverture d’une enquête. Le président Emmanuel Macron souhaite que le sujet soit abordé au sein du Conseil de sécurité de l’ONU.

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• Un reportage de CNN montrant une vente d’esclaves

Les images ont été diffusées lundi 13 novembre par la chaîne de télévision américaine. Dans un reportage sur le parcours et les conditions de vie des migrants africains arrivés en Libye, CNN dévoile une vidéo filmée avec un téléphone et montrant un homme en train d’appeler au plus offrant en échange de «garçons grands et forts pour le travail de ferme». «400», «700», clame-t-il au gré des offres de ceux qui entendent acheter les jeunes hommes qui leur sont présentés, pour quelques centaines de dollars.

«L’un des hommes en train d’être vendu est Nigérian», explique la chaîne dans un article publié le 14 novembre pour accompagner le reportage. Après avoir reçu ces images, des journalistes de CNN se sont rendus en Libye pour vérifier leur authenticité et rendre compte de la situation dans le pays. «Nous avons vu une douzaine de personnes finir “sous le marteau” en l’espace de six à sept minutes», affirme la chaîne.
• Enquête ouverte en Libye

CNN a indiqué avoir transmis ses images aux autorités libyennes et que celle-ci s’étaient engagées à enquêter. Dimanche 26 novembre, le vice-premier ministre du gouvernement libyen d’union nationale a confirmé l’ouverture d’une enquête sur ces cas «inhumains». «Si ces allégations sont confirmées, toutes les personnes impliquées dans ces crimes seront punies», a promis le ministère des Affaires étrangères.
• «Crime contre l’humanité» pour Macron, qui souhaite une réunion de l’ONU
Emmanuel Macron et le président de la Guinée et de l’Union africaine, Alpha Condé, après leur rencontre à l’Élysée, mercredi.

Emmanuel Macron a fermement réagi, mercredi, après une rencontre avec le président de l’Union africaine. Selon lui, «ce qui a été révélé» par CNN «relève bien de la traite des êtres humains. C’est un crime contre l’Humanité». «Ce qui s’est passé» est scandaleux» et «inacceptable». «La dénonciation par la France est sans appel», a-t-il martelé. Le chef de l’État a confirmé l’annonce, faite par le chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian un peu plus tôt, que la France prenait «l’initiative au Conseil de sécurité» de l’ONU en demandant une réunion sur ce sujet.
Des manifestants ont défilé à Paris, samedi 18 novembre.

Autre conséquence concrète en France: un Collectif contre l’esclavage et les camps de concentration en Libye s’est créé. Il a appelé, avec plusieurs associations, à une manifestation à Paris contre ces cas d’esclavage, organisée samedi 18 novembre. Un millier de personnes y ont participé. Lundi 20 novembre, une pétition a également été initiée par plusieurs personnalités, descendants d’Africains et antillais, a également été lancée.

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• Indignation générale
Des manifestants se sont rassemblés devant l’ambassade du Liban au Maroc, jeudi 23 novembre, pour protester contre l’esclavage de migrants.

Avant les déclarations d’Emmanuel Macron et la manifestation, les images de CNN avaient déjà suscité de vives réactions. Le président de l’Union africaine Alpha Condé a exprimé «son indignation» devant ce «commerce abject», invitant à une enquête. Le président nigérien a demandé que le sujet soit mis à l’ordre du jour du sommet Union Africaine-Union européenne des 29 et 30 novembre.

Le 14 novembre, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme Zeid Ra’ad Al Hussein, qui ne réagissait pas directement au reportage de CNN, a dénoncé cet «esclavage des temps modernes», ajoutant que la communauté internationale ne peut plus «prétendre que la situation ne peut être réglée qu’en améliorant les conditions de détention». Le haut-commissaire a notamment dénoncé les conditions de l’aide de l’UE, et en particulier de l’Italie, aux garde-côtes libyens.

Jeudi 23 novembre, le commissaire européen chargé des migrations a évoqué la situation «épouvantable» des migrants en Libye, estimant que «cela ne peut durer». Le même jour, une manifestation a eu lieu devant l’ambassade de Libye au Maroc. Plusieurs manifestants s’étaient enchaîné les poignets.
• Une situation dénoncée par les ONG depuis des mois

«On en parle depuis longtemps»

Alioune Tine, responsable au sein d’Amnesty

Si l’ampleur des réactions est inédite, les révélations sur la maltraitance et le trafic visant les migrants en Libye ne le sont pas. «Les prises d’otages, les violences, la torture, les viols, sont monnaie courante en Libye, et l’esclavage, on en parle depuis longtemps», fait ainsi valoir à l’AFP Alioune Tine, responsable Afrique de l’ouest et du centre au sein d’Amnesty.

En avril, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) alertait sur des «marchés aux esclaves» découverts sur la route qu’empruntent les migrants, y compris en Libye. Deux mois plus tard, l’OIM informait les Nations unies de cas de torture commis dans le pays sur des migrants séquestrés, pour soutirer de l’argent aux familles. En octobre, le Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) évoquait des cas de «travail forcé» et d’«exploitation sexuelle», des coups à répétition et des privations de nourriture. La violence des garde-côtes libyens lors des interceptions d’embarcation a également été mise en cause à plusieurs reprises.

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En juillet dernier, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne se sont accordés sur une coopération renforcée entre l’Europe et la Libye – déjà à l’œuvre depuis mars -. Quelques semaines plus tard, Emmanuel Macron apportait son soutien à la mise en place de centres d’examen de demandes d’asile en Libye afin de limiter les départs. Une solution finalement abandonnée fin août, face à l’insécurité dans le pays.

Déjà à cette période, les ONG mettaient en garde sur les risques d’un accord renforcé avec la Libye. «Si l’Union européenne veut coopérer avec la Libye, il faut qu’il y ait des conditions fixées», notamment «exiger que les textes internationaux protégeant les réfugiés soient signés», faisait alors valoir au Figaro Jean-François Dubost, responsable du programme Protection des populations au sein d’Amnesty International.

Le reportage de CNN constitue néanmoins la première preuve visuelle de ventes de migrants comme esclaves sur le sol libyen.
• Des mesures déjà lancées

Face aux alertes sur cette situation, une procédure nouvelle d’évacuation de certains réfugiés vers la France a été organisée depuis plusieurs semaines. Le HCR a rencontré des migrants détenus en Libye et en a identifié plusieurs en situation d’extrême vulnérabilité pouvant prétendre au statut de réfugiés. Cette démarche est directement liée à l’engagement pris par Emmanuel Macron, au début du mois d’octobre, d’accueillir 10.000 réfugiés d’ici à 2019, dont 3000 issus des «missions de protection avancées» de l’Office français de protection de réfugiés et apatrides au Niger et au Tchad.

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Un premier groupe de 25 réfugiés – 15 femmes, six hommes et quatre enfants – a ainsi été évacué vers le Niger, le 11 novembre dernier. Ce lundi, le directeur général de l’Ofpra a confirmé qu’ils seraient accueillis en France, «au plus tard en janvier». «L’enjeu maintenant est que d’autres pays, Européens, Américains, Canadiens, se joignent à cette démarche», a-t-il ajouté.

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