Lettre à Monsieur Macron
CC/ Son Excellence Mr Olivier Poivre D’Arvor, Ambassadeur de France à Tunis.
Objet : Votre récente visite d’Etat en Tunisie.
Excellence,
Tout d’abord, je tiens à vous rappeler que je suis citoyen tunisien, donc étranger à votre Etat, mais plus proche que certains de vos concitoyens, de la langue et de la Culture françaises et des valeurs sur lesquelles l’élite française n’a jamais lésiné…jusqu’à ce jour.
Donc, vous le devinez déjà, il ne s’agira pas, dans ces quelques modestes lignes, de donner les résultats de votre visite d’Etat au jugement politique du jeune retraité que je suis.
Je m’adresse à vous en tant que premier Président français jeune et philosophe.
Excellence,
Vous me permettrez donc de vous questionner à ces deux titres, sur trois points sur lesquels vous vous n’êtes jamais appesantis, nonobstant leur importance culturelle, pour reprendre les termes sur lesquels vous avez articulé toutes vos allocutions et discours à Carthage, au Bardo et à la Médina.
Le premier point concerne plus et mieux le peuple français qui, désormais fait face à une élite française complètement aliénée, et incapable, de par ses facultés et/ou ses options réfléchies, de rétro-inspecter ses positions à l’égard de l’Histoire. Elle voit toujours cela comme étant du révisionnisme. Je vois que chez vous, il y a une tendance, largement partagée dans vos médias mais pas dans la rue française, de complaire avec cette pensée et cette littérature qui se plait à sacrifier une tranche de la vie de Céline à toute la vie de quelqu’un comme M.Fienckelkraut. C’est tout simplement indigne dans un pays où Henri Bergson a donné son dernier souffle sans décliner son identité religieuse ou confessionnelle. Je m’arrête là…par simple souci protocolaire, car, je ne veux pas abuser du temps d’un Président de la République, fût-il étranger.
Le deuxième point concerne le bunker qu’est devenu le bâtiment chargé d’histoire qu’est votre ambassade « chez nous ». Histoire de Tunisie ou de France ? Ce n’est pas un argument, car le bassin minier contient à chaque détour, à chaque millimètre, les traces de la France coloniale. Je tiens pour témoin M. Paul Vigné d’Octon. L’alibi semble ne pas résister à la teneur et la quintessence des allocutions et discours que vous avez développés à Tunis. Cela parait un peu cru, mais c’est comme ça! Nous sommes Tunisiens, et, quand il s’agit de déballer la vérité et rien que la vérité, nous n’avons pas peur de notre patte blanche. Puisqu’elle est déjà blanche.
Si vous ne trouvez pas où « mettre » votre ambassade, je suis prêt à vous céder, gratuitement, cinq hectares de mon terrain sis à Ain Jemmala, Téboursouk, pour vous mettre à l’aise dans une localité qui culmine avec un Puy idéal pour toute sorte d’antennes. Aux berges d’un lac collinaire que l’intelligence tunisienne commence à peine à concrétiser. Ce serait de ma part un geste de gratitude pour Roland Barthes, Auguste Comte, Deleuze, Foucault, Flaubert, et tout ce beau monde-là. Ce serait de la vôtre, un hommage à l’effort de décentralisation qui crispe la Tunisie au plus haut niveau.
Le troisième point porte sur une question dans laquelle la France est en passe de devenir la star mondiale : L’acharnement judiciaire. Il s’agit, comme vous devez le savoir du cas Georges Ibrahim Abdallah.
La présence de ce dernier dans votre visite à la Médina, et que les médias ont fait passer comme une anecdote « people » de votre visite, est en fait la pierre angulaire non pas de votre crédibilité personnelle, mais de celle de tout le système politico judiciaire de la France. On condamne quelqu’un en appel à la peine extrême. Il l’assume, et puis à son terme, des charlatans lui bricolent un séjour équivalent, sans aucun fondement juridique conforme au principe universel du droit, selon lequel il ne peut y avoir deux sanctions pour le même forfait.
Maintenant, nous nous trouvons avec un bazar carcéral français où cohabitent ceux qui luttent pour les hautes valeurs de l’humanité, telles que la liberté et l’autodétermination, avec ceux qui ont été « montés de toutes pièces » pour mettre en brèche ces valeurs.
Ceci dit, je n’oublie pas que le dernier condamné à mort, exécuté chez vous en France, était un Tunisien « qui avait tous ses papiers ».
Monsieur le président,
Monsieur le philosophe,
Je ne m’inclinerai pas pour vous supplier de faire un geste trahissant votre volonté de résoudre ces malencontreuses contradictions françaises. Car je le sais, elles rejaillissent déjà sur nous. Sinon, nous sommes condamnés à disparaître tous.
Ce qui me réconforte sarcastiquement, c’est que vous, français de tous horizons, disparaitrez quelques jours ou quelques minutes avant nous. Puisque nous sommes un peuple non nucléaire.
Permettez-moi, Excellences, Monsieur le président et Monsieur l’ambassadeur, de mettre en facteur, mais respectivement, pour vous deux, l’expression de ma très haute estime.
Jameleddine El Hajji
Jeune retraité tunisien