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23 décembre 2024

Turquie: Le nouvel ordre mondial après le coronavirus (étude)


Publié par Gilles Munier sur 21 Avril 2020, 08:06am

Par  le Dr. Murat Yesiltas (revue de presse : TRT en français – 18/4/20)*

Il est possible de dire que la pandémie de coronavirus est le plus important développement du 21e siècle. Cette pandémie pourrait engendrer une transformation à l’échelle mondiale selon diverses opinions, dont notamment un changement de l’ordre mondial. Nombre d’experts pensent que l’ordre mondial actuel sera confronté à une pression de changement et qu’un nouvel ordre apparaîtra. Nul doute, nous allons entrer dans une nouvelle ère à l’échelle mondiale. Cependant, nous ne pourrons dire que l’ordre mondial changera de façon radicale et irréversible après la pandémie de coronavirus. Cette approche est plus le fruit de l’état d’esprit causé par la pandémie. Pourquoi le coronavirus n’est-il pas un changeur de jeu structurel à l’échelle mondiale ? Pour répondre à cela, nous devons étudier la notion d’ordre mondial et son évolution.

En étudiant la politique des 5 derniers siècles par la perspective des ordres mondiaux, nous voyons 5 notions fondamentales : l’équilibre des puissances, l’économie politique et les normes/règles internationales. Alors que l’équilibre des puissances définit le cours fondamental de la concurrence entre les (grandes) puissances, l’économie politique détermine les règles de fonctionnement. Quant aux normes internationales, elles définissent directement les processus de socialisation internationale. Par exemple, dans un système où les puissances sont partagées entre plus de 3 Etats, il est question d’un ordre mondial multipolaire. Quand c’est entre deux Etats, c’est un ordre bipolaire et quand c’est un seul Etat, un ordre unipolaire. La principale dynamique qui permet le passage d’un ordre mondial à un autre est la guerre.

Toutes les grandes guerres ont engendré un nouvel équilibre dans le partage des puissances courantes. Après chaque guerre, l’ordre mondial se forme sur un nouveau paradigme. Le système économique et les normes qui constituent le centre de ce paradigme, déterminent à l’échelle mondiale la position, le rôle et les comportements des autres acteurs dans le système. Soit les Etats s’adaptent au système, soit ils s’y opposent, soit ils déploient des efforts pour l’intégrer.

Pour qu’un nouvel ordre mondial apparaisse après le coronavirus, il faut que la pandémie engendre un changement dans l’équilibre actuelle des puissances, et qu’en parallèle, la structure économique, ainsi que le ou les acteurs qui contrôle cette structure, réalisent des aménagements structurels pouvant causer un changement dans les mécanismes de fonctionnement du système et forment de nouveaux régimes mondiaux sur l’axe de nouvelles normes.

L’ordre mondial actuel est basé sur la supériorité américaine du point de vue de l’équilibre des puissances, cependant il n’est pas unipolaire. Il n’y a pas eu de changements radicaux dans l’équilibre des pouvoirs ces dernières années. Par exemple, aucun acteur que l’on pouvait catégoriser en tant que « puissance moyenne » n’a accédé au rang de « puissance mondiale ». Ou bien les grandes puissances n’ont pas accru leurs forces au point de devenir des « supers puissances ». Le plus important, c’est que d’une part, les Etats-Unis qui sont une super puissance n’ont pas changé de statut et de l’autre, les acteurs comme la Chine ne sont toujours pas devenus des supers puissances. Evidemment, nous ne pouvons dire que les changements plus ou moins grands dans le statut des acteurs mondiaux ont une nature statique. Toutefois, il n’y a pas eu de grands changements structurels dans le système mondial, y compris dans les sous-systèmes régionaux.

Les données que nous détenons actuellement concernant les paramètres des puissances  sont suffisantes pour affirmer qu’il va y a voir un grand changement dans l’équilibre des puissances mondiales et régionales après le coronavirus. Comme il est peu probable qu’il y ait un changement dans l’équilibre des puissances en raison du coronavirus, les 1e et 2e colonnes de l’ordre mondial ne changeront pas. Dans ce cas, nous devons tenir compte des économies et normes mondiales de second et troisième degrés. En fait, il est possible d’adopter une approche similaire en économie, car ce domaine est l’un des plus importants paramètres du calcul des puissances.

Les données économiques actuelles montrent qu’il n’y a pas de changement radical dans l’équilibre des puissances mondiales. Si le pire scénario se réalise, les dommages dans l’économie mondiale post-coronavirus représenteront 5% de l’économie mondiale. Par conséquent, si aucun développement inattendu n’a lieu dans l’économie, il n’y aura pas de changements radicaux dans l’économie mondiale actuelle. D’autre part, nous ne pouvons dire que les normes mondiales telles que les normes économiques et politiques, ne prendront pas fin avec le coronavirus.

Ainsi, s’il n’est pas question d’un changement dans l’équilibre des puissances, est-il possible qu’un nouvel ordre mondial apparaisse ? Nous ne pouvons répondre par l’affirmatif. Cependant, nous avons plusieurs raisons de dire qu’il y aura des changements à l’échelle mondiale. Ce changement aura lieu aussi bien dans la vie quotidienne que dans le processus de socialisation, dans les fonctions publiques mais aussi dans de nombreux domaines tels que la liberté, la démocratie et le nationalisme.

Le Dr. Murat Yesiltas est directeur des Études sécuritaires à SETA (Fondation turque pour les Recherches politiques, économiques et sociales), un think tank proche de l’AKP.

*Source : TRT en français

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