En France, les violences policières contre toute forme d’opposition sont devenues la règle, dans le cadre de ce qu’il faut bien qualifier d’ « Etat policier » – Photo : archives
Par Ramzy Baroud (revue de presse : Chronique de Palestine – 9 juillet 2023)*
La profanation, puis la destruction par le feu du Saint Coran en Suède ont, une fois de plus, soulevé une tempête politique de condamnation, mais aussi de justification, voire d’approbation pure et simple.
De tels actes sont protégés par la loi, ont déclaré des officiels suédois et européens.
Mais pourquoi les droits de ceux qui s’opposent aux projets occidentaux, au colonialisme, à l’impérialisme, au sionisme et aux interventions militaires ne sont-ils pas également protégés par la loi ?
Le mouvement de boycott de la Palestine, BDS, par exemple, se bat constamment dans les sociétés et les institutions occidentales pour obtenir le droit d’utiliser un certain type de discours ou de simplement contester, bien que de manière non violente, l’occupation et l’apartheid israéliens.
Les bureaux des médias iraniens ont été fermés dans certains pays occidentaux et plusieurs satellites occidentaux ont supprimé de leur programmation Press TV iranienne, Al-Manar TV du Liban et d’autres médias hostiles à l’occupation israélienne.
Des milliers de militants palestiniens ont été interdits ou censurés sur les plateformes de médias sociaux occidentaux pour avoir osé critiquer les crimes de guerre israéliens en Palestine. L’auteur de cet article est l’un des nombreux autres.
En savoir plus. Dès le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les gouvernements occidentaux ont été invités à empêcher complètement Russia Today et d’autres chaînes de médias russes d’opérer dans les capitales occidentales, ce qui a entraîné la fermeture de bureaux, de chaînes de médias sociaux, le retrait de YouTube, de Google et d’autres moteurs de recherche.
En février 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré : « Nous interdirons la machine médiatique du Kremlin dans l’UE ».
Pour une raison étrange, toute cette censure est, d’une manière ou d’une autre, moralement et légalement défendable du point de vue de l’Occident. Mais pourquoi le droit d’insulter les musulmans est-il si cher, si sacré aux yeux des gouvernements et des lois en Occident ? Et pourquoi brûler le Coran maintenant ?
Ce droit de profanation est « sacré » tout simplement parce que l’islamophobie existe aux plus hauts niveaux des gouvernements occidentaux.
Les législateurs et les hommes politiques occidentaux peuvent affirmer que la loi protège le droit des individus à brûler le Coran, mais, au fond, et parfois même en surface, les élites dirigeantes européennes partagent l’opinion de ceux qui brûlent le Coran ou profanent les symboles islamiques.
Cette haine est souvent imputée à l’extrême droite par nombre d’entre nous, mais ce n’est qu’une partie de la réalité.
Comme on pouvait s’y attendre, une fois de plus, les musulmans réagissent en protestant en masse, en manifestant devant les ambassades occidentales et en brûlant les drapeaux de ces mêmes pays.
Et lorsque cela se produit, les mêmes cercles politiques et intellectuels occidentaux qui ont les premiers à permettre ou encourager les discours de haine, entrent en scène, juxtaposant, avec un délectation indubitable, la démocratie et la tolérance de l’Occident à l’intolérance et à l’autoritarisme de l’Islam.
Pourquoi maintenant ?
Remarquez bien que le Coran est souvent brûlé, l’islam insulté ou les symboles islamiques profanés lorsque l’Occident traverse une crise et cherche désespérément à déclencher une frénésie antimusulmane ou à détourner l’attention de ses propres échecs.
Cela s’est produit à de nombreuses reprises au cours de l’histoire, ancienne et moderne.
Autrefois, lorsque la chrétienté sombrait dans le chaos, les guerres civiles et les révolutions, les despotes européens, avec le soutien de l’Église, organisaient une croisade après l’autre au nom de la « libération de la Terre sainte captive des hordes de païens et de mahométans ».
Plus récemment, lorsque les États-Unis ont envahi l’Irak, ou lorsqu’ils ont voulu détourner l’attention de leurs incontestables échecs en Irak, en Afghanistan et partout ailleurs dans le monde musulman, les provocateurs occidentaux se sont précipités dans les rues pour brûler le Coran ou ont insulté et ridiculisé le prophète Mohammad dans leurs journaux et leurs magazines.
Mais de quelle crise l’Occident essaie-t-il maintenant de se dépétrer ? L’Ukraine et le changement de paradigme mondial en cours…
L’OTAN ne parvient pas à repousser ni même à affaiblir la Russie. La contre-offensive ukrainienne tant vantée, avec les armes les plus modernes que l’Occident a à offrir, est au mieux un flop, au pire un désastre complet.
En outre, les fissures de la division entre l’OTAN et les pays occidentaux sont plus importantes que jamais et s’élargissent de jour en jour.
La mutinerie Wagner de Rostov, qui a suscité l’espoir des gouvernements et des élites occidentaux que le président russe, Vladmir Poutine, puisse être renversé de l’intérieur, a complètement échoué. En fait, elle s’est retournée contre elle puisque le groupe de mercenaires a été exilé en Biélorussie et qu’il est maintenant stationné aux portes de l’OTAN.
Pire encore, les Arabes, les musulmans et les pays du Sud se rapprochent encore plus de Moscou et de Pékin. L’Algérie a récemment signé un accord de coopération majeur avec la Russie – renforçant ainsi leur influence sur les marchés du gaz – et une multitude de nations font la queue pour rejoindre les BRICS.
Face à cet échec stratégique et à l’effondrement moral, politique et militaire complet de l’Occident, un supposé malade mental apparaît devant une mosquée de Stockholm, avec la mission prétendument altruiste de brûler le livre saint de 1,8 milliard de musulmans.
Une fanfare médiatique occidentale s’ensuit immédiatement.
Mais cet individu, et d’autres comme lui, ne s’intéresse guère à la défense de la liberté d’expression. Il s’agit d’une stratégie de diversion et, à un certain niveau, les véritables orchestrateurs ne sont pas des fous, mais des hommes très avisés, avec des emplois bien rémunérés et des programmes politiques souvent inavoués.
En effet, ces actes blasphématoires font partie intégrante d’un programme occidental plus vaste, dont l’essentiel est que l’Occident serait « démocratique, tolérant et bon par essance », et que les autres sont antidémocratiques, barbares et fondamentalement mauvais.
Ce mantra n’est qu’une nouvelle version de la déclaration du chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, qui affirmait en novembre dernier que « l’Europe est un jardin », tandis que «la majeure partie du reste du monde est une jungle ».
Le fait que la Russie a récemment adopté une législation criminalisant le fait de brûler le Coran indique que Moscou, comme d’autres, comprend que la question est purement politique – parce qu’elle l’est.
Dr Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle.
Il est l’auteur de six ouvrages. Son dernier livre, coédité avec Ilan Pappé, s’intitule « Our Vision for Liberation : Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals Speak out ». Parmi ses autres livres figurent « These Chains Will Be Broken: Palestinian Stories of Struggle and Defiance in Israeli Prisons », « My Father was a Freedom Fighter » (version française), « The Last Earth » et « The Second Palestinian Intifada » (version française)
Dr Ramzy Baroud est chercheur principal non résident au Centre for Islam and Global Affairs (CIGA). Son site web.
*Source et Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah
Version originale : 5 juillet 2023 – Middle East Monitor
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