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22 novembre 2024

Guerre à Gaza : La gauche palestinienne à l’offensive


Publié par Gilles Munier sur 2 Janvier 2024, 08:55am

Catégories : #Gaza, #OLP, #Cisjordanie

Les Palestiniens se rassemblent pour commémorer le 19e anniversaire de la mort de Yasser Arafat, ancien président palestinien et chef de l’Organisation de libération de la Palestine, à Ramallah, en Cisjordanie, le 11 novembre 2023. (Photo by Issam Rimawi / ANADOLU / Anadolu via AFP)

Par Pierre Barbancey (revue de presse : Assawra – 29 décembre 2023)*

Au sein de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), la gauche se bat pour réaliser l’unité du mouvement national, y compris avec le Hamas, engager une nouvelle stratégie en dehors des accords d’Oslo et obtenir un cessez-le-feu à Gaza.

Le quartier général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) se dresse derrière le siège de l’Autorité palestinienne, à quelques mètres à peine du mausolée érigé à la mémoire du leader historique Yasser Arafat. Mais celui-ci doit certainement se retourner dans sa tombe en constatant combien l’OLP est aphone et sans réaction face au massacre en cours dans la bande de Gaza. L’attaque perpétrée, notamment par le Hamas, en territoire israélien le 7 octobre, a rebattu les cartes. « Cette opération a ouvert les yeux du monde sur la situation des Palestiniens », fait remarquer Bassam Saleh, secrétaire général du Parti du peuple palestinien (PPP, communiste).

Hani Al Masri, directeur de Masarat, le Centre palestinien pour la recherche sur les politiques et les études stratégiques, souligne, lui aussi, que « l’attaque du 7 octobre a mis un coup d’arrêt, d’une part, à la création d’un nouveau Moyen-Orient sous l’égide des États-Unis dans lequel Israël occuperait une position centrale, d’autre part, à la normalisation des relations entre Israël et l’Arabie saoudite. Un nouveau Moyen-Orient marqué par la marginalisation de la question palestinienne et la poursuite de l’occupation israélienne ». Même Mohammed ben Salman (MBS), prince héritier saoudien, a dû reconnaître que ce qui s’est passé est « le résultat de la poursuite de l’occupation et de la privation du peuple palestinien de ses droits légitimes ».

Des spéculations au sein de l’OLP

Ces derniers mois, au sein de l’OLP (1), les seules discussions officieuses ne concernaient que le remplacement de Mahmoud Abbas, le président, âgé de 88 ans, concentrant l’essentiel des pouvoirs dans ses mains tant au sein de l’Autorité palestinienne (AP) qu’à la direction de l’OLP. Certes, sa succession est toujours à l’ordre du jour et les noms de Marwan Barghouti, Mohammed Dahlan, Nasser Al Kidwa et d’autres continuent de circuler dans les cercles politiques. Mais la question centrale, désormais posée par les organisations de gauche au sein du comité exécutif (CE) de l’OLP, est celle de la stratégie à appliquer après des années de silence et d’inaction.

« Ce n’est pas seulement le Hamas qui est attaqué mais tous les Palestiniens, souligne Ramzi Rabah, représentant du Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP). Parce qu’Israël veut en finir avec l’autodétermination du peuple palestinien et la création d’un État. » Et parce qu’il importe maintenant de « stopper l’agression israélienne à Gaza mais aussi en Cisjordanie, il faut passer à l’initiative », soutient Saleh Rafat, de l’Union démocratique palestinienne (Fida), qui a récemment demandé que l’OLP coupe tout lien avec les États-Unis. Mustafa Barghouti de l’Initiative nationale palestinienne, personnalité connue et respectée, assure que « Netanyahou a un plan, celui d’un nettoyage ethnique de la Cisjordanie et de Gaza ».

Ces dirigeants de la gauche palestinienne estiment que, « maintenant, toutes les organisations palestiniennes doivent être unies pour mettre fin à l’occupation ». Pour Bassam Saleh, du PPP, en novembre 2012, lorsque l’État de Palestine obtient le statut d’État non-membre observateur auprès de l’ONU, il aurait fallu « ne plus construire des institutions mais construire la résistance et cesser de reconnaître Israël. Mais l’OLP n’a pas suivi ». Selon lui, il faut « reconstruire l’unité nationale y compris avec le Hamas sur la base d’un programme accepté par tous et revenir au rôle historique de l’OLP ». L’idée principale est que, désormais, aucune discussion n’ait lieu avec Israël tant que l’occupation se poursuit et que les colonies ne sont pas démantelées. « On a voulu nous faire croire qu’on était indépendants alors que nous ne contrôlons rien et que l’occupation s’aggrave. Ce modèle a échoué. Si nous voulons un État indépendant, il faut la fin de l’occupation et donc résister. » Ce que la gauche palestinienne résume dans un slogan : « Pas de libération sans fin de l’occupation ».

Hani Al Masri, de Masarat, regrette que « Mahmoud Abbas persévère dans son approche. Il doit reconnaître l’échec d’Oslo et changer sa politique attentiste qui ne permet pas de changer les choses ». Au sein du comité exécutif de l’OLP, selon nos renseignements, la gauche s’est trouvée isolée face au tout-puissant Fatah. Celui-ci est pourtant divisé. Certains ministres de l’AP partagent les critiques de la gauche et la nécessaire unité. C’est le cas des partisans de Marwan Barghouti, toujours incarcéré, initiateur du « Document des prisonniers », en mai 2006, et cosigné par le Fatah, le Djihad islamique, le Hamas, le FPLP et le FDLP, dans lequel ils proposent une plateforme d’unité nationale en dix-huit points. Dans les grandes villes palestiniennes également, sur le terrain, l’unité est de mise entre les différentes organisations. « Au sein de la direction de l’OLP, certains dorment encore sur leur paradigme, ils sont encore liés aux accords d’Oslo et ne se rendent pas compte que le danger est le même pour tous. Tous les partis doivent être dans l’OLP », prévient Mustafa Barghouti.

Marwan Barghouti, un avenir pour la Palestine ?

Mahmoud Al Aloul, vice-président du Fatah, paraît d’accord. Il dénonce « la communauté internationale qui s’est réveillée le 7 octobre sans tenir compte de ce qui nous arrivait avant : expansion des colonies, provocations à Jérusalem sur les lieux saints, assassinats ciblés. Tout ça a poussé à l’explosion, conformément à nos mises en garde. Et un de ceux qui n’ont pas voulu voir, c’est Macron ». Al Aloul se dit d’accord pour l’unité nationale mais les multiples discussions, tant au Caire qu’à Tunis, ces dernières années, n’ont jamais abouti. En cause, selon des participants, la volonté hégémonique tant du Fatah que du Hamas qui ont rendu impossible tout accord. Et les actions du Fatah ne plaident pas en sa faveur : aucune initiative politique, pas de lutte contre la corruption et un alignement sur l’AP.

C’est dans ce contexte que la libération de Marwan Barghouti, Ahmad Saadat et d’autres dirigeants enfermés représente un enjeu majeur pour les Palestiniens. C’est aussi ce qui rend leur sortie de prison plus difficile : Israël ne tient pas à ce que le mouvement national palestinien retrouve son unité politique et géographique et donc un nouveau souffle contre l’occupation. Pour l’heure, toutes les factions palestiniennes se retrouvent sur un point : il faut obtenir un cessez-le-feu et faire cesser le génocide en cours dans la bande de Gaza.

(1) Le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) a suspendu sa participation à l’OLP.

*Source : Assawra via Commun Commune – article paru dans L’Humanité du 28 décembre 2023

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