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18 novembre 2024

Les accusations du CNT contre l’Algérie par Gilles Munier


« Les accusations du CNT contre l’Algérie
lui ont été soufflées dans l’oreille… »
Entretien avec Gilles Munier (Le Courrier d’Algérie – 22 août 2011)

Sur France-Irak Actualité :
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Mercredi 31 août 2011
« Les accusations du CNT contre l’Algérie lui ont été soufflées dans l’oreille… »

Entretien avec Gilles Munier (Le Courrier d’Algérie – 22 août 2011)

En Libye, la manipulation française des berbères du Djebel Nefoussa vise-t-elle, par ricochet, l’Algérie ?

Pas directement, mais ceux qui sont à l’origine des parachutages d’armes et de conseillers militaires dans le Djebel Nefoussa, savaient très bien que l’opération allait avoir des répercussions en Kabylie, dans l’immigration berbère en général, dans le Rif marocain et au sud de la Tunisie. Le respect des langues et des cultures minoritaires est une chose, l’autonomisme en est une autre, car pour certains dirigeants de groupuscules minoritaires recherchant des soutiens politiques et financiers à l’étranger, il s’agit en fait d’indépendantisme. C’est le cas, par exemple, de Ferhat Mehenni, chef du caricatural « gouvernement kabyle en exil » : il a ses entrées dans les « cabinets noirs » en France, au Maroc, en Israël et aux Etats-Unis. Il doit se dire que ce qui a été possible en Libye le sera demain en Algérie. Je crois que les pays de l’Otan et Israël y pensent depuis longtemps. Ils agissent en sous-main. En tout cas, ils ne découragent pas Mehenni, mais ne peuvent pas sortir la grosse artillerie médiatico-militaire partout à la fois.

Autre agitateur: Fethi Benkhelifa, berbériste bien connu aux Pays-Bas où il dirigeait un groupe d’opposition libyen soutenu par l’OTAN. Il est aujourd’hui un des conseillers politiques du Conseil national de transition libyen (CNT), et à l’initiative des diatribes anti-Kadhafi diffusées en tamazigh, la langue berbère, sur Libya TV, une chaîne basée au Qatar. En mai dernier, au « Congrès Mondial Amazigh » à Bruxelles, il a accusé l’Algérie d’envoyer des mercenaires en Libye. En juin, Benkhelifa et Mehenni ont participé à une réunion à Montreuil, dans la banlieue parisienne, pour discuter des perspectives offertes par l’officialisation du berbère au Maroc… et sans doute de sujets plus sensibles. Bernard-Henry Lévy et consorts ne devaient pas être loin. Je crains que tout cela ne débouche un jour, comme en Libye, sur une alliance tactique avec les réseaux d’Al-Qaïda implantés en Kabylie.

Nicolas Sarkozy veut renverser le colonel Kadhafi, coûte que coûte. Pourquoi un tel acharnement ?

D’abord, pour la petite histoire, parce que le Guide libyen n’a pas acheté français ! Il n’a pas voulu des chasseurs Rafales, des réacteurs nucléaires, de l’usine de dessalement de l’eau de mer, il a refusé de débourser les 10 milliards d’euros qui auraient fait de Sarkozy, selon les propres termes de ce dernier, un président qui va chercher « les contrats avec les dents » ! Plus prosaïquement, ces milliards auraient généré des commissions colossales pour les « copains et les coquins », comme disait Michel Poniatowski, ministre de l’Intérieur de Giscard d’Estaing. On m’a dit à Tripoli qu’en 2007, à son départ de Libye, le président français était visiblement déçu et furieux contre son « ami » Kadhafi qui n’avait confirmé que deux malheureux milliards d’euros de contrats.

L’occasion de se venger de cet « affront » s’est présentée en octobre 2010, lorsque Nouri el-Mismari, chef du protocole de Kadhafi, a demandé l’asile politique en France et a convaincu ses interlocuteurs que le pouvoir du Guide ne tenait qu’à un fil… En novembre, un exercice militaire franco-britannique a été programmé avec pour scénario, je cite de mémoire : répondre à l’attaque lancée contre les intérêts stratégiques français par « Southland », nom de code d’un pays fictif dont le dictateur s’était retiré et avait laissé le pouvoir à son fils. L’exercice devait se dérouler… entre le 21 et le 25 mars 2011. A moins d’être aveugle, il semble bien qu’il s’agissait d’un plan d’attaque de la Libye, timing compris.

N’y était-il pas question que le colonel Kadhafi cède une partie de ses pouvoirs à son fils Seïf al-islam ? Le déclenchement des « printemps arabes » en Tunisie et en Egypte est tombé à pic pour faire passer un acte d’agression pur et simple pour un soutien désintéressé à un peuple en lutte. On connaît la suite : l’entrée en lice de Bernard-Henry Lévy et la création du CNT. Cinq mois plus tard, le dictateur de « Southland » n’est toujours pas renversé.

La guerre-éclair s’est transformée en bourbier. L’OTAN tue les civils qu’elle est censée protéger. Les habitants de Benghazi sont rançonnés par des bandes armées. Et, pour être bref : le CNT n’est pas prêt à acheter français !

Comment expliquez-vous que la révolution de Tripoli, menée par les islamistes, les royalistes et les caciques du régime, sous le couvert aérien des avions de l’Otan, n’arrivent pas à s’imposer ?

Les rebelles n’arrivent pas à s’imposer parce que la majorité des tribus libyennes leur sont hostiles. De plus, la plupart des combattants du CNT attend que l’OTAN et les mercenaires de sociétés militaires privées occidentales nettoient le terrain devant eux et leur livrent les positions de leur adversaire sur un plateau. Après, il s’agit de les tenir. Bien qu’ils ne manquent pas d’armes, ils y parviennent rarement quand l’armée libyenne contre-attaque car, mis à part les djihadistes et les berbéristes, ils sont peu motivés et surtout désunis. L’assassinat du général Abdel Fatah Younès, chef de l’armée rebelle, avec la complicité de membres du CNT et de djihadistes dissidents, a envenimé les relations entre opposants. Aux dernières nouvelles, le général Khalifa Hifter qui ambitionnait de remplacer Younès aurait été enlevé. Cet opposant dirigeait, pour le compte de la CIA, une milice formée aux Etats-Unis, comme l’étaient les « contras » anti- sandinistes au Nicaragua en 1985. Si la crise en Libye ne se termine pas autour d’une table de négociation avec des opposants véritables et responsables, la situation sera de plus en plus chaotique. Les « chouyoukh » de l’AQMI pourront dire : «Merci Sarkozy » s’ils parviennent à s’implanter durablement sur les bords de la Méditerranée.

Les rebelles s’entêtent à couvrir leur humiliante paralysie face à Kadhafi par des accusations gratuites contre l’Algérie, qui, dès le début, ne les a pas tenu en haute estime…

Qui peut avoir de l’estime pour des révolutionnaires en peau de lapin ? Mustapha Abdeljalil, président du CNT, est du même acabit que les chefs des faux maquis créés par les services spéciaux français pendant la guerre d’Algérie. En avril dernier, les accusations qu’il a portées contre l’Algérie – transport de mercenaires africains en Libye, livraison de matériel militaire et de munitions – lui ont été soufflées par ses maîtres français et qataris. Qu’Abdeljalil balaye devant sa porte ! La Cyrénaïque est, avec l’Irak et l’Afghanistan, le paradis des sociétés militaires privées occidentales.

Source : Le Courrier d’Algérie (22/8/11) – p.2.

Note d’actualisation (AFI-Flash) : Depuis la publication de cet entretien, réalisé le 19/8/11, l’OTAN a pris le contrôle de la majeure partie de la Libye. L’offensive surprise sur Tripoli n’aurait pas été possible sans les hélicoptères Tigre, les commandos de forces spéciales et les contractors français (mercenaires), qui ont ouvert la voie à des troupes du CNT entraînées au Qatar. La nomination de Abdelhakim Belhaj gouverneur militaire de Tripoli, a confirmé le poids du Groupe islamique de combat libyen (GIC) et de l’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) au sein des rebelles, et les liens entretenus par les djihadistes avec les berbéristes du Djebel Nefoussa. Belhaj y dirigeait un camp d’entraînement. Selon le quotidien Libération (26/8/11), deux autres membres du GIC : Ismaïl as-Salabi et Abdelhakim al-Assadi occupent des postes militaires de premier plan respectivement à Benghazi et à Derna. Ali Salabi représente leur organisation au CNT.

L’Algérie, qui a accordé l’asile à l’épouse du Colonel Kadhafi, a fermé sa frontière avec la Libye pour empêcher les infiltrations d’éléments de l’AQMI et la contrebande d’armes. A Paris, BHL et Nicolas Sarkozy crient victoire et échafaudent peut-être de nouveaux plans. Après la Syrie, s’en prendront-ils à l’Algérie ?

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