Pour les expatriés indiens de retour de Libye, « Kadhafi is a good man »par Marie Kotz (CFJ)
25 octobre 2011
Pour les expatriés indiens de retour de Libye, « Kadhafi is a good man »
publié le 11/03/2011
Devant la Kerala House de New-Delhi, où sont hébergés les « rapatriés de Libye ». Le bus est prêt à partir vers l’aéroport…
Marie Kostrz (CFJ)
Les 21 000 ressortissants Indiens installés en Libye fuient les affrontements et sont rapatriés par leur gouvernement. Avec une seule idée en tête: repartir. Reportage à New-Delhi.
Dans la vaste salle de réunion de la Kerala House, trois enfants se courent après. Ils ont l’air heureux. Leurs parents, qui sont allongés sur des matelas disposés à même le sol, ne partagent pas cette insouciance.
Le 10 mars, ils ont brusquement quitté la Libye, où ils vivaient pour certains depuis plus de 30 ans, rapatriés par les autorités indiennes qui les hébergent maintenant dans ce bâtiment de New-Delhi. Ils attendent leur vol pour le Kerala, Etat du sud de l’Inde dont ils sont originaires.
Attirés par des salaires bien plus élevés que chez eux, des milliers d’Indiens ont fait le choix de travailler en Libye, gourmande en main d’oeuvre étrangère bon marché. « Nous étions 21 000 avant le début de la révolte », précise un responsable de l’ambassade indienne en Libye, lui-même rapatrié la nuit précédente. 19 000 d’entre eux sont de retour en Inde.
Selon le diplomate, beaucoup d’infirmières indiennes travaillant en Lybie ont refusé d’être évacuées. Elles ont en général emprunté une somme d’argent importante afin de payer l’agence qui a organisé leur exil. « Elles savent que le salaire indien ne leur permettra pas de rembourser ce prêt », ajoute Santhosh, employé de la Kerala House.
La plupart des Indiens ont attendu le dernier moment pour plier bagage. « Depuis quelques jours, une rumeur a circulé, selon laquelle les opposants au régime allaient nous attaquer, raconte Binu Joseph, professeur à l’université de Syrte, ville natale de Kadhafi. Pour ma famille, j’ai donc accepté de quitter le pays. »
« Kadhafi a fait beaucoup pour son peuple »
Mais ils sont rentrés à contre-coeur. Ces Indiens gardent une très bonne image de la Libye et de… son président. « C’est un homme bon. Il a fait beaucoup pour son peuple, il donne 100$ par mois (80 euros) à chaque famille libyenne et les infrastructures sont bien meilleures qu’en Inde, s’exclame Nair, professeur d’anglais à Tripoli jusqu’à cette semaine.
Et les occidentaux parlent toujours de Kadhafi en mal, alors qu’il accueille très bien les étrangers. »
Après onze ans passées en Libye, Sadiq a lui aussi une haute opinion du raïs: « Je ne sais pas comment Kadhafi était avec les Libyens mais, avec les étrangers, il se comportait très bien. » Cet agent de sécurité craint que l’idylle ne se fane avec la chute du régime.
Contrairement à leurs compatriotes employés dans le Golfe, les Indiens de Libye sont essentiellement des travailleurs qualifiés. Aucun ne se plaint d’avoir été victime de mauvais traitements, comme c’est souvent le cas dans les pays de la péninsule arabique. Assis sur un matelas à côté de son unique valise, Vidhyadharan Gurudas l’assure: il a « travaillé au Koweït, à Dubaï et à Abu Dhabi: rien n’est aussi bien que la Libye. »
Des bombes « pour effrayer les gens »
Quelques-uns d’entre eux habitaient des zones d’affrontements, mais les Indiens de la Kerala House n’ont rien vu des violences perpétrées par les partisans de Kadhafi. A l’instar de Nair, ils vont même jusqu’à les relativiser: « La nuit précédant notre évacuation, nous avions très peur, car des bombardements ont eu lieu près de notre habitation. Mais le lendemain, en ouvrant les volets, nous avons vu que rien n’avait été détruit. C’est fait pour effrayer les gens, voilà tout. »
Un expatrié indien de Libye, de retour à New Delhi.
Marie Kostrz
Dans le dortoir improvisé, quelques valises, entassées de part et d’autres. Moidu APM vivait depuis en Libye depuis 30 ans. Comme les autres, il a abandonné dans la précipitation sa maison et tous les biens accumulés au fil des ans. Ce quinquagénaire espère pouvoir repartir rapidement. « J’ai de l’argent sur un compte en banque là-bas et l’entreprise pour laquelle je travaille me doit encore une partie de mon salaire. Je ne sais pas si je vais être remboursé », redoute-t-il.
Les rapatriés partagent le même voeu: ne pas rester trop longtemps au Kerala. « Les salaires indiens ne nous permettent pas de faire vivre notre famille, déplore Joseph Binu. Si je ne peux retourner en Libye, j’irai dans un autre pays arabe. » Nair, qui a confié tous ses biens à son voisin libyen, se veut optimiste. L’Université lui a promis de le rappeler dès que la situation sera stabilisée. Pour lui, « c’est sûr », ils repartiront.
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