Aller à…
RSS Feed

25 avril 2024

Vous avez dit révolution ?


 

LNR

Quotidien d’information indépendant – n° 4557 – Jeudi 14 Février 2013

Vous avez dit révolution ?

Quand j’entends dire que le Qatar a financé des révoltes qui sont devenues, par un miracle wahhabite, des «révolutions», que ce soit en Tunisie, en Egypte, en Libye ou en Syrie, j’en ai la chair de poule, tellement ce concept est biaisé et vidé de sa substance. On assiste à un véritable délabrement, un reniement contre-révolutionnaire permanent. Aujourd’hui, on pleurniche ce qu’hier on a applaudi. La gauche et les mouvements progressistes dans le monde arabe ont cautionné les islamistes installés au pouvoir par les Américains, les Français et Israël, avec la bienveillance du prince bouffi du Qatar et sa chère épouse cheikha Moza.

De nos jours, tout le monde arabe s’offusque et lance des cris d’orfraie à travers ses «médias ablutions» à propos des évènements qui se déroulent sur son sol. Partout, on brandit le mot «révolution» à tort et à travers. Pour moi, modeste citoyen algérien, je me réfère à ma défunte grand-mère, Amimour Cherifa, qui a été suspendue et torturée par les paras français et les harkis chéris par la France de Fafa, pendant que les mêmes martyrisaient et abattaient son époux. Ma grand-mère donc pourrait donner des leçons de révolution à vos Mouncef Marzouki, devenu par hasard président d’un pays dont il détient peut-être les clés du palais présidentiel en demandant néanmoins l’autorisation de les utiliser à son maître Ghannouchi d’Ennahda, qui vient de liquider un de ses opposants au vu et au su de toute la planète.

Monsieur Ghannouchi, qui a bénéficié de la protection inconditionnelle des Anglais et de leur appareil de renseignement MI 6, ne voudra bien sûr jamais nous révéler ce qu’il a négocié avec les différentes officines britannique et américaine. Le pantin du Caire, quant à lui, venu en ligne directe de la côte ouest californienne, sans jamais avoir écouté un tube des Eagles, s’est installé à la tête du pays des Pharaons.

Peut-on dire que les islamistes sont devenus «fun», au moment où les balles commencent à résonner dans ce monde arabe qui ressemble de plus en plus à un chantier en déconstruction permanente dont le contremaître se serait cassé avec la paie des ouvriers ? Devinez la suite. On nous a cocufiés avec brio ! Est-ce qu’une révolution se fait avec un Mac do et des frites à la sauce ketchup ? La révolution, c’est quand un peuple donne ses enfants en offrande pour la liberté. La révolution est un projet, elle n’est pas une discussion quelconque avec un Bernard-Henri Lévy. La révolution, c’est combattre le tout avec rien, c’est quand un peuple affronte l’oppression de l’Otan et les mensonges des médias dominants. Ses chefs ne sont pas quelques blogueurs planqués à Paris, à Londres, à New York ou à Doha, avec la bénédiction et les pétrodollars de la cheikha Moza et son goinfre d’émir.

La chair de la révolution, c’est un peuple qui croit à un changement radical dans son vécu, qu’il soit social, économique ou culturel. Le sang de cette révolution n’est autre que celui de ce même peuple qui écrit l’histoire en rouge et non avec une encre «sympathique» qui s’effacera à la première intempérie, aux premiers aléas des éléments. Que constatons-nous dans ce monde arabe sans repère, sans projet ? L’opposition s’est fait engrosser par le pouvoir qui lui-même a été ensemencé par les puissances étrangères pour donner naissance à une sorte de bébé Frankenstein qu’on surnomme couramment printemps arabesque.

Ce projet conçu dans le cadre du discours du Caire de Monsieur Obama constitue une nouvelle étape où l’Amérique a opté pour l’islamisme qui lui rend bien service dans la mesure où dans ce cas de figure, il n’y a ni lutte syndicale ni sociale. Le pouvoir islamiste, c’est l’annulation de tout mouvement politique ! Les Américains ont pensé remodeler le Moyen Orient et le monde arabe en général à moindre coût en ramenant des forces politiques existantes, organisées, pour provoquer l’anarchie. Le chaos engendré profite en premier à ces forces organisées qui peuvent ensuite impliquer la gauche bobo qui a du mal à se réveiller de ses cuites chroniques de Paris et de Londres et qui se voit dans l’obligation de négocier avec ces islamistes, ce qui aboutit à un couple qu’on peut, pour le moins, trouver contre nature. Est-ce que ce mariage pour tous n’est pas un projet de la pédérastie américaine qui est en train de jouer avec la stabilité de la planète ? La politique est devenue une forme de jeu pervers et de liaisons dangereuses à faire frémir le Marquis de Sade.

Alors, moi, épris d’une révolution qui me vient de mes ancêtres de Fedj M’sala aux Almohades, je contemple ce grand néant qui va compter ses morts en pleurant et qui comptabilisera ses pertes et profits sans fin, parce que la révolution n’a rien à voir avec un jeu de gamin ou avec les rêves d’un journaleux qui a du mal à cuver son vin.

La révolution, c’est quand le napalm rime avec zones interdites, avec camps de regroupement, véritables camps de concentration où les Algériens mouraient par milliers, avec l’Internationale et avec Kassaman. La révolution, ce sont les guillotines qui chantent des symphonies d’amour et de gloire au petit matin, ce sont les cris des suppliciés qui se conjuguent aux symphonies de Bach, ce sont les prisons qui deviennent des facultés pour formation politique, c’est la prison rouge Al-habs l’hmar de ma ville qui résonne des hurlements à bouleverser l’Olympe. La révolution, c’est quand on torture à mort un Ben M’hidi, dont la France, en 2013, n’a toujours pas révélé les circonstances du décès. C’est la disparition d’un Maurice Audin, dont la veuve cherche toujours la dépouille. C’est l’éparpillement dans la Casbah des corps d’Ali La Pointe, de Mahmoud Bouhamidi, de Hassiba Ben Bouali et du petit Omar.

La révolution algérienne n’a pu aboutir qu’après un long processus de lutte du mouvement national algérien, lui-même issu d’une longue histoire de résistance face au colonialisme assassin. C’est un mouvement qui a duré plus d’un siècle et dont l’accomplissement est la glorieuse révolution du 1er novembre 1954 qui a brisé les chaînes de mon peuple, triomphant de la France et ses alliés de l’Otan en les humiliant. On peut citer aussi l’exemple des révolutions russe, mexicaine et chinoise qui ont mis de longues années pour aboutir à un résultat concret, après des millions de morts et des sacrifices immenses. Alors, quand on voit des révolutions du genre «Pizza hut», on est pour le moins surpris, voir même abattu, car ces fausses révoltes aboutissent à l’installation des alliés incontestés et soumis de l’Occident. Les chiens de garde peuvent se reposer, les peuples se sont lassés des luttes.

Par ailleurs, quand notre élite algérienne progressiste s’est fait «saigner»à blanc, nos journalistes, savants, chercheurs, syndicalistes, artistes, militaires, policiers et gendarmes assassinés lors de notre tragédie nationale, personne dans le monde arabe ne nous a offert une prose ni une larme. Nous étions des réfugiés de la conscience politique, nous étions des martyrs de la militance ; ils ont volé ma jeunesse, comme à la plupart des jeunes Algériens des années 1990. A ce moment-là, tout le monde arabe nous a fermé la porte. Pire, les Occidentaux nous ont accusés de tous les maux de la terre. Et aujourd’hui chacun lance des cris de vierge effarouchée face à ce qui se passe en terre arabe. Alors, à tout ce joli monde, nous rétorquons par le sang de nos martyrs, en leur disant que nous n’avons jamais oublié et qu’ils peuvent jouer là où ils veulent, nos cibles n’ont pas changé et nos ennemis d’hier sont les mêmes qu’aujourd’hui. Que savez-vous de la révolution ? Est-elle représentée par un Cohn Bendit de ’68, ce soixante-huitard attardé qui fait des attouchements sur des gamins et dont l’idéal de lutte s’appelle Marc Dutroux ? A moins que ce ne soit une Caroline Fourest, militante «mutante» des lesbiennes et gays, qui passe son temps à diaboliser les musulmans tout en travaillant sur commande pour les médias dominants qui combattent tous ceux qui dénoncent l’accaparement de la richesse du monde arabe et du tiers monde par le capital ? Alors, Messieurs, trêve de plaisanterie et arrêtez de nous couillonner en permanence, parce qu’il y a des limites à ne pas franchir surtout en ce qui concerne le sang de nos martyrs et de notre honneur. Je sais que ces mots-là échappent à la conception de l’intelligentsia au rabais qui ressemble à une femme offerte à son maquereau, le capital.

On vous a pourtant dit dès le début qu’il ne fallait rien attendre de ces pseudo-révolutions mutantes qui n’augurent rien de bon pour le monde arabe tant les questions fondamentales y sont occultées, c’est-à-dire un projet de société politique qui tient la route. Mais vous n’avez écouté que vos élucubrations et vos émotions. Or, on ne peut pas bâtir des nations sur les sentiments et les divagations fiévreuses d’une élite stérile qui s’est fait féconder par le capital pour donner naissance à des Morsi en Egypte, des Marzouki dit le Myope en Tunisie, et en ce qui concerne la Libye, 200 000 miliciens armés y font la loi. Quant à la Syrie, le pays a été détruit. De ce désastre, il ne s’agit pas d’un complot, dixit la dédaigneuse Caroline Fourest et son association mondiale d’homos et lesbiennes, qui sont habitués à ce qui est contre nature dans l’humain. Les planqués de Paris qui aboient constamment qu’il fallait soutenir ces peuples à brûler et à détruire leurs pays sont aujourd’hui désemparés devant les attentats qui ne peuvent que s’accentuer dans le monde arabe. Ils vont encore nous servir le «qui tue qui» et nous offrir leurs communiqués d’outremer, à l’intention des mères, des femmes, et des enfants, dont les familles se feront massacrer par une horde de malfrats assassins liés aux intérêts occidentaux sponsorisés par le Qatar aujourd’hui, et l’Arabie Saoudite hier. Qu’est-ce que la révolution ? Elle est une avancée et non pas un recul. La révolution n’est pas un jeu de poker, ni un rami ni un jeu de dames, elle naît des peuples qui se soulèvent, et non pas spontanément comme c’est le cas dans ces fausses-couches arabes, où l’on a assisté à la mainmise du pouvoir par des «messies» venus de Washington et de Paris et qui n’ont rien à voir avec notre religion ni avec notre culture, des mercenaires qui tentent de travestir notre religion et celle de notre prophète Mohamed (QSSL). Est-ce que la CIA, le MI 6, la DGSE, et le Mossad peuvent nous ramener ou nous produire des révolutions ? La question est : comment sortir du tourbillon meurtrier dans lequel se noie le monde arabe ? Ceux qui spolient nos richesses et qui ont bombardé nos populations peuvent-ils aujourd’hui prétendre nous offrir un paradis terrestre dirigé par de faux prophètes islamistes, leurs alliés de toujours ? Retenons les leçons du passé, nous, peuples arabes amnésiques, qui avons oublié les massacres perpétrés par les Occidentaux auxquels nous avons livrés nos cous comme des brebis ! Avons-nous tiré un enseignement de ce que font ces gens ? La réponse est cinglante : non ! Pourquoi le mot révolution a-t-il été vidé de toute sa substance si ce n’est dans le calcul prémédité d’aboutir au néant idéologique, économique et social ? N’est-ce pas un programme bien établi pour contrer tout ce qui est progressiste chez nous ? Quand nous réveillerons-nous de ce cauchemar perpétuel que nous offrent toutes ces chaînes satellitaires travesties et cette toile d’araignée du web qui ont mis à genoux des pays et des peuples sous motif d’une fausse démocratie qui n’a jamais existé, ni en Occident ni ailleurs ? Qui a intérêt à ce qu’il y ait une confusion en semant le doute et en agressant la terminologie par rapport au mot révolution ? Il s’agit d’une agression sémantique qualifiée dont les coupables sont bien à l’abri dans des palais luxueux ! Aujourd’hui, si un cuisinier trouve une nouvelle recette, il annonce une «révolution» culinaire ! Si un vendeur de slips crée un string nouveau genre, il nous signale qu’il a «révolutionné» le monde de la lingerie, et on trouve ce mot cité partout dans ce capital déclinant qui n’offre que la misère à ses esclaves dominés. La transgression aujourd’hui, c’est de pouvoir dire Basta ! Merde ! Que ces petits bloggeurs de Tunis, du Caire ou de Damas arrêtent d’agresser la Révolution ! Regardons la vérité en face ! La révolution n’est pas un chahut de gamin. Elle arrache, elle démolit, elle ensanglante ! Donc, cette plaisanterie a assez duré. L’hirondelle n’a qu’à rentrer chez elle, il n’y aura pas de printemps tant que les questions fondamentales seront occultées dans le monde arabe. Sans projet, sans programme, il n’y aura pas d’élite capable de porter le changement. Tout simplement, il n’y aura pas de révolution ! «La révolution n’est pas un dîner de gala ; elle ne se fait pas comme une œuvre littéraire, un dessin ou une broderie […]. C’est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre. » Mao Zedong.

Mohsen Abdelmoumen

Partager

Plus d’histoires deLibye