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11 octobre 2024

La Négrophobie en Belgique et en Europe, un racisme banalisé.


 

 

AUJOURD’HUI j’ai appris par RTL radio que c’est la journée mondiale de la poésie. J’avoue mon ignorance. Je pensais que 21 mars, nous commémorons les victimes de l’Apartheid en 1960….
Bonne lecture……. et n’hésitez pas à échanger avec nous pour qu’ensemble nous améliorions le mieux vivre ensemble…. M Emagna
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La Négrophobie en Belgique et en Europe, un racisme banalisé.
Lettre ouverte à M. Elio Di Rupo, Premier Ministre, aux Ministres-Présidents des Régions et des communautés linguistiques et aux Présidents des partis politiques démocratiques de Belgique,
sur la réalité de la négrophobie en Belgique et en Europe et la nécessité urgente de tirer la sonnette d’alarme et d’agir efficacement.
 
Par Maximin EMAGNA, Docteur en science politique de l’Université de Picardie Jules Verne (Amiens, France) et PostDoc de l’Université de Pittsburgh (USA)
Fondateur d’Europe Belgium Diversity (EBD)
 
(maximinemagna@gmail.com)
 
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Ministres Présidents,
Madame et Messieurs les Présidents de partis politiques,
Une importante Résolution commune du Parlement européen sur l’intensification de la lutte contre le racisme, la xénophobie et les crimes inspirés par la haine vient d’être adoptée le 14 mars 2013 (2013/2543(RSP)). Elle souligne que « l’intolérance et la discrimination, quelle qu’en soit la forme, ne sauraient en aucun cas être tolérées dans l’Union européenne », demande à la Commission, au Conseil et aux États membres de « renforcer la lutte contre les crimes inspirés par la haine ainsi que contre les attitudes et les comportements discriminatoires », et  plaide pour « une stratégie globale de lutte contre les crimes haineux, la discrimination et la violence reposant sur les préjugés ».
A l’approche de la célébration de « la journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale » (journée  mondiale contre le racisme) le 21 mars prochain, qu’il nous soit donné l’occasion d’attirer votre honorable attention sur le sentiment de mépris des institutions à l’égard des faits, actes et crimes négrophobes.
Qu’il soit permis de rappeler que l’origine de la journée mondiale que nous célébrons chaque 21 mars commémore ce jour de 1960 où, à Sharpeville (Afrique du Sud), la police raciste a ouvert le feu et tué 69 personnes lors d’une manifestation pacifique contre les lois relatives aux laissez-passer imposées par l’apartheid. En proclamant la Journée internationale en 1966, l’Assemblée des Nations Unies engage la communauté internationale à redoubler d’efforts pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale. Quel bilan de l’anti-racisme post apartheid en 2013 ?
 
La négrophobie n’est pas un néologisme. L’étymologie vient de « nègre » avec le suffixe –phobie. Certains ont illustré l’origine biblique de ce racisme anti-noir (Doumbi Fakoly, 2005 : 59) qui s’est développé durant les périodes esclavagistes et coloniales. C’est la répulsion envers les Noirs. En réalité, il s’agit d’un racisme lié à l’origine (Afrique subsaharienne), à la couleur de la peau, en particulier peau noire ou qui s’y rapproche, et à la religion (lorsque la personne discriminée est, ou est supposé être de confession musulmane); c’est un racisme anti noir, qui englobe les Européens Noirs et les personnes de descendance africaine (noire) vivant en Europe, Afrophobia comme on dit chez les anglo-saxons.
Nous ne faisons en réalité ici que rappeler des conclusions de l’impressionnant réseau européen de lutte contre le racisme, ENAR (700 ONG), dont on ne peut contester l’indépendance. Le Rapport 2011 d’ENAR rendu public en mars 2012 constate : « Incontestablement, l’état du racisme reste inquiétant en Belgique. Les chiffres officiels pour 2010 montrent que de toutes les formes de discriminations, celles fondées sur les critères « raciaux » (45%) occupent la première place. Avec celles fondées sur les convictions philosophiques ou religieuses (16%), le champ du racisme (61%) dépasse ainsi largement la moitié de l’ensemble des dossiers (handicap ; orientation sexuelle ; âge ; situation économique; état de santé ; etc.) de discriminations présumés.
 
En Belgique, les communautés particulièrement vulnérables au racisme et à la discrimination sont notamment : les populations noires ; les populations musulmanes ; les gens du voyage. Les secteurs les plus générateurs de faits présumés de discriminations sont : l’emploi, l’enseignement, le logement, les médias (principalement l’internet) ». La conclusion d’ENAR est implacable : « Dans un pays comme la Belgique, qui a pratiqué le colonialisme à l’encontre de divers peuples et qui a collaboré à la perpétration de génocides, le racisme est une réalité structurelle qui touche particulièrement la population noire ». En août 2012, dans le Communiqué de presse d’ENAR, son Président Chibo Onyeji martèle “il est inacceptable qu’une population estimée à 7 millions de personnes descendants d’Afrique vivant en Europe, continue d’être traitée en citoyens de seconde classe dans leur vie quotidienne du fait de la couleur de leur peau. Les décideurs politiques Européens et nationaux devraient envisager des mesures adéquates pour mettre un terme à cette discrimination systématique à l’endroit des Noirs en Europe ».
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Ministres Présidents,
Madame et Messieurs les Présidents de partis politiques,
 
Il est vrai que partout en Europe, la banalisation de discours et à la pression des partis d’extrême-droite et le développement « décomplexé » de la théorie de la « suprématie/pureté de la race blanche » trouve un maillon faible et un « bouc émissaire » dans ce racisme spécifique, anti-Noir, Noir couleur pourtant la plus visible, mais quasi invisible du point de vue politique et statistique. Or le racisme anti-noir est une tendance lourde des statistiques raciales sérieuses, si on met en perspective les pics d’actes racistes liés aux événements internationaux, notamment ceux du Proche et Moyen-Orient, et attentats terroristes.
Ces actes ignobles vont des insultes, mépris, humiliations, harcèlements moral et médiatique, menaces verbales et physiques, diffamations et provocations raciales, contrôles au faciès (Racial Profiling), racisme et discriminations de toutes sortes (emploi, logement, enseignement, santé, médias, services publics…), aux agressions et tueries policières et incendies racistes d’immeubles occupés par des personnes d’origine étrangère et complaisance de la police et de la justice.
Ainsi on peut citer, sans être exhaustif. Au Luxembourg, le 5 octobre 2004, l’immolation par le feu d’une jeune femme belge de quarante ans, d’origine africaine, Maggy Delvaux Mufu, mère de trois enfants métis, en plein centre du Luxembourg (Place d’Armes) devant une centaines de personnes pour protester contre le racisme dont son mari (entrepreneur belge) et elle se disaient victimes : depuis la situation est « confuse », un Loi antiracisme de 2006 qui ne tient pas compte de la nationalité, la langue et les couleurs comme critère de discrimination (dans un pays ou 40 pc de la population est étrangère), le Centre pour l’égalité de traitement créé en 2008 ne peut agir en justice, et les chiffres sur les actes racistes qui ne cessent d’être minorés (selon les chiffres d’un rapport d’ECRI-Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), seules onze plaintes pour violences racistes ont été déposées à la police entre octobre 2009 et juin 2010, et le Centre pour l’égalité de traitement créé en 2008 n’a reçu que seize plaintes pour actes racistes entre début 2010 et juin 2011). En Russie, les agressions dans la rue, les bus, métros jusqu’aux massacres de Noirs à St Petersbourg ou avec une quarantaine de morts et plusieurs blessés (I80 hospitalises) parmi des Noirs et des Asiatiques, suite à un incendie que les étudiants disent « criminel » à l’Université russe pour l’Amitié entre les peuples de Moscou en novembre 2003 ; vous noterez au passage que l’Université a été débaptisée en 1992 puisqu’elle se dénommait Université« Patrice Lumumba » pour l’amitié entre les peuples ; les semaines précédentes, les étudiants avaient fait face à des fausses alertes de bombe, obligeant à des pénibles évacuations de nuit et en plein froid ; d’autres victimes surprenantes de ce racisme avaient été les employés des ambassades africaines et asiatiques entre 2000 et 2001, ce jusqu’aux protestations officielles de la communauté diplomatique auprès du ministère russe des affaires étrangères, qui finira par ouvrir une ligne téléphonique pour les appels d’urgence. La Grande Bretagne a connu des émeutes raciales en août 2011 (consécutive à la mort de Mark Duggan, un Noir d’origine jamaïcaine à Tottenham, tué par la police à la suite d’une perquisition). Les émeutes raciales en Israël en juin 2012 (incendie d’immeubles, destructions de magasins d’Africains, jets de pierre sur les voitures les transportant). En Italie, en décembre 2011, un homme connu pour ses positions d’extrême droite tue 2 (deux) Sénégalais et en blesse 3 (trois) en plein centre-ville de Florence ; les actes racistes dans le football européen (Italie, Espagne, Grande Bretagne, France…), le dernier événement en Italie en janvier 2013 avec la sortie du stade de l’international germano-ghanéen Kevin Prince Boateng du Milan A.C en réaction aux insultes racistes des spectateurs. En Suède, on se rappellera la scène du d’excision et de cannibalisme symboliques sur une Africaine représentée en gâteau au chocolat, le 15 avril 20I2, lors du 75e anniversaire de l’Organisation nationale des artistes suédois à Stockolm : devant un énorme gâteau en chocolat représentant de manière grotesque et dégradante une femme Noire, les invités, dont la ministre suédoise de la Culture, Mme Lena Adelsohn Liljeroth, se relaient pour se servir. Sauf que tous taillent dans la partie des organes génitaux de la femme-gâteau. Les cris de douleur qui sortent de sa bouche, à chaque coup de couteau, sont émises par l’artiste ayant réalisé l’œuvre, Makode Aj Linde, un métis afro-suédois, qui a prêté sa tête grimée à la femme-gâteau. La ministre va jusqu’à alimenter l’ « excisée ». Cette mise en scène macabre et cannibale est suivie des rires de l’assistance blanche et de flashs d’appareils photos, dans une joyeuse ambiance festive; en Octobre 2010, un homme blanc suédois se déchaîne à Malmö, en tirant sur plus de 20 Noirs et en en tuant un. Le tueur est officiellement considéré comme un « loup solitaire » ayant des problèmes psychologiques plutôt qu’un terroriste, et il n’a toujours pas été poursuivi; au début de l’année 2011, un film d’éducation sexuelle a provoqué l’indignation, car il a montré un noir ayant des relations sexuelles avec une jeune fille blanche. Plus d’un demi million de commentaires ont été publiés sur l’Internet, principalement des commentaires sur la façon dont ils étaient dégoûtés de cette «trahison» de la race blanche et l’impureté suscitée au gène suédois. Aucun politicien n’a fait de commentaire sur cet incident. En Suisse, en dix ans (2001-2011), outre des milliers de victimes de coups et blessures, souvent non déclarés, au moins une dizaine d’Africains (requérants d’asile ou non) sont morts entre les mains de la police, soit à la suite d’une interpellation, soit en détention, soit à l’occasion des « vols spéciaux » de  refoulement. Il n’est pas surprenant de vivre a Lausanne des scènes de fouilles publics de jeunes Noirs à moitié dénudés soupçonnés d’être des dealers et  interpellés dans la rue par la police, ils sont alignés comme des bestiaux face contre mur, avant de se voir intimer l’ordre de baisser leur pantalon pour des fouilles anales… En juin dernier, en Valais, l’UDC (parti d’extrême droite) utilise une photo d’un journaliste français prise au Sahara représentants de riches marchands africains rentrant de Lybie. L’UDC utilise cette image pour illustrer la venue en Suisse d’envahisseurs Noirs traversant le Sahara et ayant mis le cap sur Conthey, violant les lois suisses, et dont la seule présence est «synonyme de hausse des actes de délinquance et d’incivilité» ; aucune réprobation politique tant de la part des responsables suisses, toutes tendances confondues, que de la part des ambassadeurs africains accrédités en Suisse. Il faut noter pour s’en féliciter qu’en juillet dernier, la justice suisse (Tribunal d’Yverdon) a condamné deux policiers lausannois (après deux acquittements successifs, tous cassés par le Tribunal fédéral, et six ans et demi de procédure), pour abus d’autorité et de lésions corporelles à l’endroit d’un jeune africain. En Irlande, un rapport d’ESRI- de janvier 2013 reconnait que les Africains Noirs ont quatre fois moins de chance de trouver un emploi par rapport aux irlandais blancs, et sont sept fois plus discriminés sur le marché de l’emploi et au travail. Les violences raciales perpétrées en Grèce ces derniers mois par les groupes extrémistes de l’organisation Aube d’orée n’épargnent pas les Africains Noirs…
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Ministres Présidents,
Madame et Messieurs les Présidents de partis politiques,
Le tableau serait incomplet sans évoquer l’exemple de la France, le pays de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, et de notre pays la Belgique.
En France, entre avril et août 2005, plusieurs incendies boutés dans des immeubles occupés « provisoirement » par 130 personnes d’origine africaine pour la plupart en attente de relogement depuis une quinzaine d’années. Ces incendies feront 52 morts à Paris dont de nombreux enfants. Les auteurs des incendies criminels n’ont jamais été retrouvés.  Le Ministre de l’intérieur de l’époque, numéro 2 du Gouvernement De Villepin et futur président deux ans plus tard, dira le 27 août 2005, de manière « décomplexée » « La difficulté, c’est que tout un tas de gens, qui n’ont pas de papiers pour certains, s’amassent à Paris, et qu’il n’y a pas de conditions pour les loger », rejetant les responsabilités publiques sur les victimes. Il faut préciser que deux mois auparavant, le 19 juin, à la suite de la mort accidentelle par balle d’un jeune de 11 ans victime d’une rixe entre deux bandes, le Ministre avait lance une phrase choc, « Dès demain, on va nettoyer au Karcher la cité. On y mettra les effectifs nécessaires et le temps qu’il faudra, mais ça sera nettoyé ». Le 27 Octobre 2005, suite à la mort accidentelle dans un transformateur de deux jeunes d’origine africaine et maugrebine poursuivis par la police, la France s’embrasera pendant trois semaines et un état d’urgence est déclaré le 8 novembre 2005. M. Nicolas Sarkozy, exclu une faute policière et déclare que les jeunes gens n’étaient pas poursuivis par la police et impute aux victimes un délit, une « tentative de cambriolage », propos appuyés le lendemain avec le Premier ministre. Choqués, les jeunes français issus de l’immigration mettent le feu à la France… Devenu Président en 2007, M. Sarkoy se montre « décomplexé » face au Front national….Un mois après sa prise de fonction, il invite à l’Elysée l’ensemble des partis politiques dans le cadre de consultations sur le futur traité européen. Parmi les invités, Jean-Marie Le Pen. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, un membre du FN entre à l’Elysée… Puis poursuivront une systématisation des « immigrées », jusqu’au débat sur « l’identité nationale », thème majeur du Front national… Le programme du candidat Hollande a permis des espoirs, mais le 15 février dernier des personnalités issues de la diversité accusent le Président Hollande d’avoir « oublié » la lutte contre les discriminations.
Rien, n’est fait, sinon peu, pour attirer l’attention sur ces faits négrophobes qui passent pour des faits divers afin de prendre des mesures adéquates pour les prévenir, voire les juguler… C’est une banalité pour beaucoup…
Doit-on considérer qu’il y a des réactions différentes des autorités publiques selon qu’il s’agisse d’un crime lié aux origines (négrophobie, islamophobie, Antitsiganisme…) et les autres crimes à caractère raciste et discriminatoire ? Il y a-t-il deux poids, deux mesures ? Est-il acceptable de nos jours, que la violation de la dignité d’un «Nègre» continue d’être un fait anodin, banal sous les latitudes du monde dit « civilisé » ?
Ces faits doivent être dénoncés et provoquer l’indignation et l’action des hommes et femmes politiques nationaux et européens.
Le projet européen qui a voulu tourner le dos aux affres du nazisme, est un modèle de civilisation démocratique et de croissance économique qui ne saurait s’accommoder du racisme.
Quel avenir pour ces jeunes européens noirs nés en Europe qui voient leur avenir en « noir » ? Le Noir étant victime de préjugés tenaces depuis l’esclavage, qui perpétuent l’image de sauvage, de singe, de macaque, de chanteur, de danseur, de jouisseur, de paresseux, de criminel, de violeur, de violent, de voleur, de délinquant, de mendiant, de profiteur, de menteur, d’émotif, d’instinctif, et de peu rationnel et intelligent…
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Ministres Présidents,
Madame et Messieurs les Présidents de partis politiques,
Venons-en aux faits et à la situation en Belgique.
On ne rappellera plus les violences policières perpétrées lors d’expulsions forcées dans les avions de la Sabena et de SN Brussels avec les agressions policières sur passagers, dont de nombreux Noirs, et la mort consécutive aux violences policières, mort de Semira Adamu septembre I998 et de Ebenizert Folefack Sontsa mai 2008). Sur le premier cas, le vendredi 12 décembre 2003, le verdict dans le procès des gendarmes tombe « sursis et acquittement » (Un an avec sursis pour trois inculpés, 14 mois avec sursis pour le responsable, acquittement pour un policier « observateur »); pour le second cas, la procédure pénale devait être lancée suite au non lieu prononcé par la justice belge le 20 avril 2012 consécutif à une plainte de quatre passagers (dont trois Noirs parmi lesquels une conseillère municipale française) qui avaient protesté contre ce rapatriement forcé.
 
Le baromètre 2012 de la diversité dans les médias audiovisuels du groupe Sud Presse constate que la télévision francophone belge est trop masculine, trop jeune, et trop blanche. Le premier Baromètre de la diversité 2012 dévoilé en septembre dernier par le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme confirme l’accès inégal à l’emploi de personnes d’origine étrangère ou handicapées, il met aussi en avant la discrimination des candidats-travailleurs de plus de 45 ans ; un croisement de ce critère âge avec l’origine pourrait être instructif pour notre problématique).
En novembre 2012, Pape Becaye Ba, un jeune sénégalais de 20 ans, sans histoires, se faisait massacrer à La Louvière par une horde de 15 jeunes des milieux d’extrême droite, résolument sortis ce soir là pour « lyncher » et vider leur haine par la mort de leurs victimes. Fort heureusement, le frère de Pape Becaye se sauvera. D’autres faits de violences et actes racistes négrophobes (agressions policières contre des Noirs) ont été rendus publics par les médias à Bruxelles, Anvers…, sans susciter l’émoi public habituel des hommes et femmes politiques lorsqu’il s’agit d’autres faits de racisme, xénophobie et de discrimination, ou la plainte « quasi » spontanée du Centre pour l’égalité des chances pour ce genre de délits et crimes.
Plus proche de nous, les 9 et 10 février 2013, la Belgique tout entière a lu et vu une vidéo dans le quotidien La Dernière Heure (DH) ; un acte, une preuve manifeste de racisme de la part d’une personne qui se présentait comme policière ; acte que le parquet a classé sans suite pour « absence de priorité ». Plusieurs personnalités et organisations en Belgique et en Europe ont été interpellées. Jusqu’à ce jour, il nous semble utile de rappeler que nous n’avons même pas reçu un accusé de réception de la part du Ministre de l’intérieur (en charge de l’égalité des chances) et de Ministre de la Justice. Surprenant aussi le silence du CDH, le parti « humaniste ». Les réponses reçues, dont celles du Premier Ministre et des partis politiques francophones, de même que la députée Mme Zoe, nous renvoyaient vers le Centre pour l’égalité des chances… Centre, qui jusqu’ici s’est adressé à l’avocat du plaignant pour demander l’état du dossier au greffe (afin) de vérifier si au moins des recherches ont été faites pour retrouver la dame qui insulte M. Ahadji, si cette dernière a été interrogée et s’il est vérifié qu’elle appartenait à un corps de police…
 
Il faut se dire la vérité, beaucoup de Noirs de ce pays ressentent un sentiment de rejet et de mépris. Ce manque de considération est plus accru et perceptible à l’endroit des personnes d’origine étrangère en général et à l’endroit des Noirs en particulier. Bon nombre ont des raisons de ne pas avoir confiance aux institutions publiques, même celles censées les protéger ? Histoire coloniale non assumée de chaque côté?
Le Gouvernement a-t-il reçu le message d’ENAR ? A-t-il pris compte du dernier rapport d’ECRI « Recommandation de politique générale N° 14 : sur la lutte contre Le racisme et la discrimination raciale dans Le monde du travail » adopté et publié respectivement le 22 Juin 2012 et le 25 septembre ? Quel bilan politique face à cette problématique ?
 On note une application d’une « liberté d’expression » à double vitesse selon les formes de racisme et de discrimination (voir Rapport ENAR 2013 : « Le racisme en Europe se décomplexe », 8 mars 2013). Une dynamique négative s’est mise en place sous la pression des groupes et partis conservateurs, nationalistes et racistes avec la restriction au regroupement familial (en violation au droit européen à une vie de famille normale), et la difficulté d’accès à la nationalité et la facilité de la déchéance de celle-ci, ainsi qu’un durcissement de la politique de régularisation des étrangers en séjour irrégulier. En matière d’emploi, le CV anonyme a été remis sur la table alors que l’on en connait les insuffisances et les limites aujourd’hui (alors qu’on sait depuis le début des années 2000 « qu’environ 30% d’universitaires d’origine extra-européenne sont au chômage contre 5% de Belges dits “de souche” (ENAR). En matière d’égalité des chances, le « bilan d’activités » de la Vice-Première, Ministre de l’intérieur et de l’Égalité des chances en Belgique pour 2012 met surtout l’accent sur l’égalité homme-femme et la lutte contre l’homophobie (surtout dans la police}, tout en minorant l’importance de la diversité ethnique dans les politiques nationales anti-discriminations. En matière de justice, il a été proposé un durcissement des sanctions pour les actes homophobes et racistes, de même que des « personnes de référence » spécialisées dans l’une ou l’autre discrimination dans la plupart des arrondissements de police. Il y a là des efforts, certes, qui sont malheureusement entrepris sous l’émotion et la pression de certains lobbies fortement financés, bien organisés et soutenus politiquement. Nous pensons qu’il faudra manifestement aller plus loin et plus vite… Les associations de victimes de négrophobies devraient non seulement être soutenues, mais utilement associées aux mouvement et solutions.
Faut-il attendre des émeutes urbaines et raciales comme celles qu’a connues la France en 2007 ou l’entrée en scène des associations violentes et de légitime défense de Noirs en Belgique et en Europe pour agir et (ré)agir ?
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Ministres Présidents,
Madame et Messieurs les Présidents de partis politiques,
Nous n’allons pas terminer sur une note négative. De nombreux belges d’origine étrangère, donc des Noirs sont élus dans les différents cénacles régionaux et communaux du pays. Ce sont des avancées louables. Mais nous noterons cependant qu’il n’y a aucun Noir dans un fauteuil ministériel dans aucun Gouvernement du pays. Il faudra que nos enfants vivent la promotion comme un réel mérite, à l’instar de ce qui se passe pour le sport.  Nous avons compris que le mérite et la justice étaient des valeurs démocratiques. Nous demandons l’égalité et la justice pour tous sans préjugés raciaux ou des origines. C’est un défi collectif.
Au total, il ne s’est pas agit ici de rentrer dans une hiérarchisation des douleurs, des souffrances et des actes racistes et xénophobes. Notre malaise vient du fait qu’il est difficile d’expliquer a son enfant que malgré les importantes sommes des contribuables dépensées pour ses études, et malgré tous ses efforts pour réussir, son chemin ne sera pas celui de son condisciple blanc, car, après les difficultés d’emploi, il se retrouvera au mieux coincé et pris en tenailles/otage entre les structures publiques d’aides sociales, les allocations de chômage et d’interminables formations de (re)mise a niveau, de requalification, de revalidation ou de réorientation professionnelle, parce que considéré comme « surqualifié ». Au pire, il ira en prison, s’il se montre rebelle, récalcitrant, révolté… ou s’il est jugé « terroriste ».
Nous venons par la présente réclamer une justice égale pour tous et l’émergence d’une société multiculturelle respectueuse de la composition de sa population, donc de la prise en compte de sa composante noire.
Faisons notre ces propos de deux journalistes belges Denys-Louis Colaux et Sandro Baguet, suite à la mort du jeune sénégalais Pape Becaye Ba a La Louvière en novembre dernier: « S’il est aujourd’hui encore une meute capable de lyncher un type parce qu’il est Noir, alors nous ne valons pas grand-chose, alors nos principes sont sans vitalité aucune, alors les démocrates, les militants des droits de l’homme sont des poules mouillées, des beaux parleurs planqués et frileux, des lâches, alors les hommes sont des ratés, des médiocres, de grands impuissants, alors nous sommes revenus dans le territoire morbide de la haine, celui qui conduit aux horreurs qui ont abâtardi l’humanité. Celui que ceci ne soulève pas de dégoût, zéro ! Nous garantissons que, si ce crime n’est pas l’affaire de chacun d’entre nous, alors nous allons vers de dégoûtants lendemains. Et il y aura des coups de gourdin pour chacun d’entre nous ». 
Le Premier Ministre Di Rupo disait avec raison le 20 juillet dernier à l’issue d’un Conseil des ministres que “Nous voulons une société libre et tolérante et nous ne pouvons admettre que le racisme ou la discrimination soient la cause de gestes de violence qui portent atteinte à des personnes ou à des biens. Alors, nous sommes sans pitié”.
Pour contribuer à cette politique sans concession face au racisme, Europe Belgium Diversity (EBD) fait les propositions suivantes, dont certaines sont issues des « Assisses de l’interculturalité de 2010 », organisées sous les auspices de l’actuel Ministre de l’intérieur et de l’égalité des chances, Me Joelle Milquet du CdH :
 
1- Suggérer aux partis politiques la mise en place au sein des parlements des commissions ou sous commissions dédiées au racisme et à la diversité multiculturelle afin d’assurer un suivi comptable, transparent et démocratique des politiques en la matière (adoption d’une stratégie nationale avec déclinaisons des différentes formes de racisme et discriminations, des bilans périodiques, des indicateurs d’évaluation, un mécanisme de suivi et de soutien à  tous les niveaux de pouvoir) ;
2- Soutenir l’observatoire de la négrophobie en Europe dont l’initiative revient à Europe Belgium Diversity et qui permettra, en collaboration avec ses partenaires et les structures officielles, d’améliorer la collecte des données à caractère raciste et négrophobe (car sans données objectives, il est difficile de cibler les dérives et de sensibiliser au mieux une population à l’acceptation et au respect de l’autre pour un meilleur vivre ensemble) ;
3- Soutenir davantage les programmes de sensibilisation et de formation contre le racisme et la négrophobie dans les écoles et les établissements scolaires, en particulier en matière d’éducation, revaloriser le métier d’enseignant, et donner une place dans les programmes, les manuels et les bibliothèques scolaires à l’histoire de la colonisation, de l’immigration, des discriminations, ainsi qu’à la mémoire des minorités ethniques, culturelles et/ou religieuses présentes en Belgique (Propositions des Assises de l’interculturalité 2010);
4- Elaborer un système susceptible d’enrayer la hausse prohibitive des loyers, hausse qui a un effet discriminatoire indirect sur l’accès au logement par les minorités (Proposition des Assises de l’interculturalité de 2010) ; la proposition du député bruxellois Bertin Mampaka, CdH en février dernier, d’harmoniser les normes qui sont en vigueur dans les sociétés de logement privées et les sociétés publiques et de permettre ainsi par exemple a deux enfants d’une même famille ou de familles nombreuses de moins de I8 ans d’occuper une même chambre, constitue une piste de réflexion sérieuse à court et moyen terme (selon ses calculs 5000 familles sur les 41000 pourraient rapidement trouver un logement social) ;
5- Améliorer les rapports de confiance entre les institutions policière et judiciaire, ainsi que le Centre pour l’égalité des chances et les victimes d’actes racistes en Belgique afin que non seulement les actes, faits et violences ou crimes à caractère raciste fassent l’objet de signalement, mais également d’accompagnement, de poursuites, condamnations judiciaires et d’indemnisations (pour se faire, pourraient être élargies des initiatives gouvernementales en cours, à travers la création d’une cellule de veille anti-racisme et anti-discrimination coordonnée par les Ministères de l’intérieur et de la justice, associant les structures publiques de lutte contre le racisme et les représentants des victimes des différentes formes de discrimination d’une part, et la mise en place de policiers et magistrats de référence pour l’ensemble des discriminations dans tous les arrondissements du pays, et des « médiateurs antiracisme et diversité » (justice, la police, armée, communes) quand cela est nécessaire, d’autre part) ;
6- Mettre rapidement en place le dispositif de sanctions proportionnelles au délit commis et les appliquer à l’encontre des auteurs d’actes, violences et crimes à caractère raciste, ainsi que des mécanismes de compensation des victimes (on pourraient adopter une loi d’indemnisation des victimes et un fonds de soutien et d’indemnisation des victimes d’actes racistes et xénophobes et d’extrême-droite comme dans l’Etat de Sachsen-Anhalt en Allemagne);
7- Supprimer les subventions aux organisations civiles et politiques, publiques et privées qui font du racisme leur fond de commerce, et par ricochet, de priver de marchés publics et de soutiens publics, les entreprises (parmi les plus grandes) qui ne prouvent pas dans leur rapport social leur ouverture à la diversité multiculturelle (parmi les cadres et en particulier dans les zones à population vulnérables, d’une part, mais d’autre part, soutenir les entreprises de promotion de le diversité multiculturelle, en étendant à toute la Belgique, l’expérience de discrimination positive du Ministre Benoit Cerexhe pour des « zones urbaines franches » de Bruxelles (financement régional pour l’investissement et l’embauche des populations des quartiers en déclin socio-économique avancé);
8- Développer réellement une administration publique (fonction publique, police, justice) multiculturelle à l’image de la population, en accélérant l’élaboration d’un système temporaire de quotas qui permettrait de favoriser le recrutement de personnes issues des minorités, en particulier au sein de la (haute) fonction publique, telle que préconisée par les Assises de l’interculturalité en 2010 ; l’Etat doit se montrer exemplaire dans ce dossier ;  pour les mêmes raisons, de former les agents publics à la diversité multiculturelle en y associant des formateurs vivant ou ayant vécus le racisme et les discriminations du fait de leur origine ;
9- Promouvoir l’entreprenariat des minorités ethniques par l’auto emploi en mettant en place des mécanismes de financements spécifiques comme le font par exemple MicroStart asbl et la Banque Triodos en Belgique ou en Bulgarie, Mikrofond AD pour les Roms, et envisager à terme un fonds de financement spécifique pour l’entreprenariat des minorités ethniques, à l’instar des exemples en Amérique du Nord pour les Noirs  (solution réaliste et pragmatique au contexte de vieillissement de la population, du déficit chronique de la sécurité sociale, de crise économique, par rapport à l’objectif de création d’emploi et de croissance économique de la stratégie européenne 2020, et aux opportunités d’affaire dans leurs pays d’origine); Ce qui allégerait substantiellement les charges sociales par le désengorgement des structures d’aide sociales largement sollicitées par les minorités ethniques en difficulté d’emploi.
10- Mettre rapidement la Belgique en conformité avec la directive européenne anti-discrimination au moins sur deux plans : la mise en place d’une ou de plusieurs institutions indépendantes de soutien aux victimes des discriminations, et la transposition du droit européen (décision-cadre 2008/9I3/JAI) sur l’utilisation du droit pénal dans la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie (Proposition des Assises de l’interculturalité de 2010).
Monsieur le Premier Ministre,
Messieurs les Ministres Présidents,
Madame et Messieurs les Présidents de partis politiques,
Ces propositions qui ne sont pas nouvelles, s’inscrivent dans le droit fil des recommandations de la Résolution commune du Parlement européen sur l’intensification de la lutte contre le racisme, la xénophobie et les crimes inspirés par la haine adoptée le 14 mars 2013 (2013/2543(RSP)), des objectifs de stratégie économique et de croissance de l’Union européenne à l’horizon 2020, et des lois antidiscriminations de l’Union européenne qui reconnaissent l’action positive comme moyen efficace pour corriger les injustices d’exclusion propres aux démocraties de type majoritaire.
La Belgique s’est montrée avant-gardiste dans plein de domaines, nous souhaitons que vous portiez haut ce problème et teniez le flambeau pour y apporter des solutions idoines, à partir de bonnes pratiques belges.
Je vous prie d’agréer, l’expression de ma haute considération.
Fleurus (Belgique), le 20 mars 2013
Dr. Maximin EMAGNA
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