Guerre ouverte contre les djihadistes en Tunisie

Une dizaine de blessés parmi les forces de l’ordre

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le 02.05.13 |

Alors que l’on s’attendait à la capture de la douzaine de djihadistes, «encerclés sur la frontière tuniso-algérienne», selon les dires de Lotfi Ben Jeddou, ministre tunisien de l’Intérieur, lors de la rencontre 5+5 à Alger, on vient de nous annoncer les blessures d’une dizaine d’éléments parmi les forces de l’ordre.

Tunis.
De notre correspondant

Quelque chose ne va pas ! Les autorités tunisiennes n’ont plus le droit aux déclarations floues comme ce fut le cas en décembre 2012 lors de l’échange de feu qui a coûté la vie à l’agent Anis Jelassi. L’ex-ministre de l’Intérieur, aujourd’hui chef du gouvernement, Ali Larayedh, avait alors déclaré qu’Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) voulait installer une cellule en Tunisie Okba Ibn Nafaâ. Il avait alors indiqué que ce réseau a été démantelé malgré la fuite de certains de ses membres. Il est malheureux de constater maintenant que l’évaluation des services de Larayedh est erronée et que l’irréparable s’est produit : AQMI est bien installée dans la longueur en Tunisie du moment qu’il y a des mines terrestres pour protéger ses camps. Selon les experts, les djihadistes passagers ne mettent pas de mines. Ils essaient de laisser le parcours praticable.

Par ailleurs, au vu des échanges nourris, c’est désormais une guerre ouverte entre l’armée tunisienne et les djihadistes installés sur les montagnes de Kasserine. Les dernières révélations ont indiqué la présence d’un camp d’entraînement et d’une logistique pour s’installer dans la durée. Les forces tunisiennes sont engagées depuis hier dans des combats avec un groupe d’une   cinquantaine de djihadistes retranchés sur le mont Chaambi, près de la frontière  algérienne, a indiqué à la presse une source sécuritaire sur le terrain. Selon le même canal, ce groupe est commandé par un Algérien et deux Tunisiens originaires de Kasserine. Les autorités tunisiennes n’ont pour leur part donné aucune information, étant   donné qu’elles ne commentent jamais les opérations en cours.

Guerre ouverte

Les forces tunisiennes tentent depuis décembre de démanteler ce groupe composé à l’origine de onze combattants et considéré comme responsable d’une attaque qui a coûté la vie à un agent la Garde nationale à Bouchebka, poste frontalier avec l’Algérie. «Ils ont ensuite recruté des jeunes de Kasserine et des hommes revenus du  Mali», a indiqué cette source qui n’a pas précisé l’origine de ces informations. Ces djihadistes ont miné une partie du mont Chaambi, avec des engins artisanaux qui ont blessé une dizaine de gardes nationaux et de militaires   depuis lundi.

Complicité ?  

Lors d’un reportage de la chaîne Ettounissia, fait à partir de Kasserine, des agents appartenant aux diverses unités des forces de sécurité ont déploré le manque de volonté politique d’éradiquer le phénomène djihadiste. Leurs témoignages sont très édifiants. «Le phénomène terroriste gagne désormais du terrain en Tunisie. Un terroriste peut circuler en toute liberté. Il descend de la montagne pour s’approvisionner en ville sans être inquiété, puisque nous avons l’ordre de ne pas le toucher !», s’est indigné l’un des agents. Un autre a ajouté : «Nous avons eu plus d’une occasion pour les liquider, mais on nous empêche de le faire. Nous avons des instructions fermes qui nous interdisent de leur tirer dessus.

S’ils bénéficient d’une protection, d’en haut, soit du gouvernement ou d’une autre autorité occulte, qu’on nous le dise franchement !» Cet agent est dépité de perdre autant de temps et d’énergie et de prendre autant de risques pour repérer des terroristes, sans arriver ensuite à les neutraliser. La complicité existe même auprès d’une catégorie de la population. Une vingtaine de personnes appartenant au courant salafiste se sont réunies, avant-hier en fin d’après-midi à Kasserine, pour exprimer leur joie par des louanges religieuses et en appelant à la poursuite du djihad. Elles ont scandé des slogans du genre «Jazaa taghout», soit la «juste récompense des oppresseurs». C’est parmi cette composante que les djihadistes auraient été recrutés. Mais qui a permis d’enfreindre l’encerclement ? C’est la grande question à laquelle les autorités tunisiennes sont appelées à répondre.

Sur le terrain, diverses sources indiquent que «l’on a trouvé avant-hier des grenades, des engins explosifs de type militaire et artisanal, de la documentation sur la fabrication d’engins artisanaux, des documents codés, des cartes géographiques et des téléphones  mobiles ayant servi à passer des appels vers l’étranger». Contrairement aux deux jours précédents, les opérations sont menées depuis hier par l’armée. Les unités militaires sont les seules à être équipées de détecteurs de mines. La garde nationale est passée en seconde ligne. Le plus urgent est certes d’éradiquer le danger terroriste. Mais il est toujours utile de dévoiler les protections dont auraient bénéficié ces djihadistes et qui auraient abouti au développement du phénomène en Tunisie.

Mourad Sellami

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