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26 avril 2024

Tunisie : le gouvernement siffle la fin de la partie


Tunisie : le gouvernement siffle la fin de la partie

samedi 25 mai 2013, par La Rédaction d’ASSAWRA

« On n’arrêtera pas les tentes de prédication. Depuis quand il faut une autorisation pour faire de la dawa (prédication) ? Bientôt on demandera une autorisation pour faire le ramadan. Et pour prier dans la rue quand les mosquées sont pleines », lance Abou el-Mouwahed, membre du mouvement djihadiste Ansar el-Charia. Depuis quelques semaines, le gouvernement a durci le ton envers la mouvance djihadiste. Leur congrès annuel a été interdit. Et les autorités ont entrepris de déloger leurs activités de prosélytisme, qui n’ont pas d’autorisation, comme hier à Kalaa Kebira où des échauffourées ont du coup éclaté. Un jeune homme a été blessé par des tirs de chevrotine en caoutchouc, selon les photos diffusées sur le Net. Et ce samedi, c’est en banlieue de Tunis qu’une tente de prédication devrait être organisée.
Jeudi, lors d’une conférence de presse, Ali Laarayedh, le chef du gouvernement, a considéré ces tentes comme « des manifestations culturelles, mais s’il y a des atteintes à la sécurité générale, des appels à la haine, ces personnes seront jugées ».

« Si une organisation est impliquée dans des opérations terroristes et de violence, les activités caritatives seront interdites », a-t-il ajouté, qualifiant Ansar el-Charia d’organisation « illégale », « non terroriste, mais dont certains dirigeants sont impliqués dans le terrorisme et en relation avec des organisations terroristes », sans donner plus de précision. Le 21 mai, le Cheikh Ahmed Abou Abdallah, d’al-Qaida au Maghreb islamique, a, dans un message audio, délivré des recommandations à Ennahda, mettant en garde le parti contre les conséquences d’une « oppression » des jeunes. Il a également ajouté que la Tunisie était une terre de prédication et que Aqmi ne l’attaquerait pas, mais que « l’organisation se réserve le droit légitime à l’auto-défense ».
« On assiste à une transformation du djihad international qui passe d’un djihad de combat à un djihad de dawa (prédication) », observe Fabio Merone, chercheur sur la mouvance djihadiste. Et Abou el-Mouwahed répète qu’il « est hors de question de prendre des armes contre les Tunisiens. Ils sont asséchés de religion et assoiffés de culture religieuse. […] Contrairement à ce que voulait faire le gouvernement, ces attaques nous donnent un appui populaire. Quand on a décidé d’organiser le meeting à Cité Ettadahmen, des femmes non voilées faisaient les sentinelles pour nous dire si la police arrivait », soutient celui qui a fait la navette de Kairouan à cette banlieue populaire pour y préparer le meeting. Après l’interdiction du congrès dans le centre du pays, la semaine dernière, les supporteurs de clubs de foot ont annoncé leur participation. Cette semaine, à Sousse, des viragistes ont déployé un immense drapeau noir frappé de la profession de foi. Un appui qu’Abou el-Mouwahed sait essentiellement « contre les autorités » ou « contre la discrimination que l’on subit. Seule une minorité croit en notre projet », nuance-t-il. Leur projet ? Instaurer un État islamique qui applique rigoureusement la charia. Et pour cela, le mouvement mise essentiellement sur le caritatif et la prédication, même s’ils ont parfois agi avec violence, comme lors du sit-in de la Manouba où ils défendaient le droit aux jeunes filles en niqab d’étudier.
« Ansar el-Charia est certainement le mouvement le plus enraciné dans la jeunesse des quartiers populaires du pays. On ne peut pas dire que ce soit une organisation terroriste. Il n’y a rien d’établi, rien de concret. Le gouvernement cherche à différencier les membres », commente Ommeyya Seddik, président de l’association El-Mouqassima et représentant du centre de Genève pour le dialogue humanitaire. « Ce n’est pas parce qu’ils se sentent de la même famille idéologique qu’al-Qaida qu’ils sont liés à eux », nuance Michael Ayari, chercheur à l’International Crisis Group, qui met en garde contre « une mise en scène sécuritaire ». Dans son rapport « Violences et défi salafiste », paru en février, il alertait : « Une répression non ciblée visant des individus selon leur appartenance politique et religieuse présumée, comme sous l’ère Ben Ali dans les années 2000, ne ferait qu’encourager nombre de salafistes à se tourner vers la violence ». Selon les autorités, à la suite de l’interdiction du congrès de Kairouan, 274 personnes ont été arrêtées. À Douar Hicher, les membres du mouvement dénoncent des maltraitances à l’égard de sept jeunes arrêtés avant d’être relâchés : coups, membres « fracturés », « barbes arrachées »… des photos d’un jeune homme frappé ont été diffusées sur Facebook.

Pour Allani Alaya, spécialiste de l’islam maghrébin qui estime que « sur le terrain, Ansar el-Charia a la même organisation que celle des Talibans en Afghanistan », « chaos économique à venir », « crainte d’installation de structures liées à l’Aqmi » mais aussi « crainte d’une perte électorale » ont poussé le gouvernement à agir avec fermeté. Et le chercheur préconise, outre l’application de la loi, qu’il appelle à faire dans le respect des droits de l’homme, un « programme de réhabilitation des djihadistes pour contrer la montée de la mouvance ».

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