Le Printemps confisqué
13 juin 2013
Le printemps confisqué
Le Printemps arabe eut lieu après la « révolution libyenne ». Après cette « révolution, le premier acte de la Libye en matière de politique étrangère fut d’établir des relations diplomatiques avec l’Etat d’Israël.
Par Djamal Benmerad le.brasier@yahooo.fr – http://barricades.over-blog.com/
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« Tant que nous détestions l’Afrique, nous nous détestions nous-mêmes. Tant que nous détestions les prétendues caractéristiques africaines, nous détestions notre propre aspect. Et vous m’appelez le prédicateur de la haine. Mais c’est vous qui avez appris au monde à haïr une race toute entière et, maintenant vous avez l’audace de nous reprocher de vous détester pour la simple raison que nous n’aimons pas la corde que vous avez mis à notre cou ».
Malcom X
Les Etats-Unis, un premier temps déstabilisés par ces mouvements qui partirent de la Tunisie suite à l’immolation du jeune Mohamed Bouazizi (de son vrai prénom Tarek) en janvier 2010 pour rejoindre l’Egypte, touchant à peine le Maroc puisque le roi de ce pays règne par l’islam, ne mirent pas longtemps à réagir.
Le maillon fort de l’Afrique du Nord était, sans conteste, la Libye qui, lui, n’a pas connu de « Printemps arabe ». Maillon fort parce qu’électron libre. Ce qui a de déterminé l’intervention américaine en Libye – avant le Printemps arabe – à travers ses servants européens de prime abord, ce fut le sous-sol de ce pays recelant l’obsession américaine, objet de toutes les guerres étasuniennes de ces dernières décennies : le pétrole. La Libye disposait de réserves estimées, en 2011, à 46,4 milliards de barils, ce qui fut loin d’échapper aux think thanks étatsuniens, ni à la France qui fut en pointe dans l’agression d’un pays souverain, en l’occurrence la Libye. Les Etats-Unis d’Amérique décideront donc par commencer par ce pays leur conquête par ce pays longtemps demeuré l’électron libre de l’Afrique.
Mais le poids de la dette américaine, plus de 10.000 milliards de dollars en 2010, ne permettait pas matériellement à ce pays d’entreprendre aucune guerre que ce soit. Obama décida donc de la faire par procuration en actionnant ses harems traditionnels : l’Union européenne et les pays du Golfe.
Il fit donc appel à ses favorites des deux harems : l’Union européenne où se distingua la France qui a toujours tenté de remplacer la Grande Bretagne en tant que partenaire privilégié des USA, d’où son zèle durant la question libyenne.
Et dans le Golfe, il y avait une autre courtisane des Etats-Unis qui voulait aussi le rôle de sa favorite et ce, au détriment de l’Arabie saoudite : le Qatar.
Le Qatar récolte ce qu’a semé l’Arabie saoudite
Ce sera cet émirat islamiste, aux ambitions inversement proportionnelle à la superficie de son territoire, qui se chargera du « gros œuvre » en Libye en parachutant en Cyrénaïque, fief de l’islamisme libyen, plus de 5.000 membres de ses Forces spéciales (formées, bien sûr, à West point, aux Etats-Unis) un mois avant « l’insurrection ». Ces Forces spéciales étaient chargées d’instruire militairement et d’encadrer les djihadistes de cette région.
Par ailleurs, L’argent n’est pas seulement « le nerf de la guerre », il est aussi le nerf électoral. Et c’est les millions de dollars du Qatar, massivement injectés dans les partis islamistes d’Afrique du Nord, qui a permis de financer la campagne électorale des Frères musulmans en Tunisie, au Maroc où nous eûmes droit de la part de M. Benkirane (du Parti de la Justice et du développement PJD) lors du discours qu’il prononça à l’occasion de sa nomination comme Premier ministre, à cette phrase pour le moins ahurissante : « Nous disons à nos concitoyens que nous ne pouvons rien faire contre le chômage. Seuls Dieu le peut. Nous vous appelons donc à redoubler de prières ». Le Qatar a également financé, ave succès, la campagne électorale des Frères musulmans en Egypte.
L’Algérie ne tomba pas dans le piège épargnée car les citoyens de ce pays ne voulurent pas rééditer l’expérience qui leur a coûté près de 3.000 morts.
Mais avant d’aller plus loin, il nous faut préciser quelque chose d’essentiel : le qualificatif de révolutions « arabes » accolé à ces révoltes par des occidentaux observateurs autoproclamés, est impropre puisque les populations des pays où elles ont eu lieu sont ethniquement berbères (amazighs), même si elles furent partiellement arabisées, d’une part, et parce qu’elles ne furent pas des révolutions mais des révoltes comme nous l’allons voir plus loin.
En Afrique du Nord, la réaction des USA fut presque un jeu d’infant : Toujours déstabilisés par les révoltes arabes, les Etats-Unis se focalisant sur la Tunisie turbulente et l’Egypte, actionnèrent donc le joker islamiste qui, de tout temps, a servi de paillasson aux différents gouvernements des Etats-Unis. Nous parlons ici de l’islamisme contemporain qui, inventée en 1979 en Afghanistan, fit tâche d’huile en se rependant dans les pays arabes à travers les anciens « volontaires » arabes d’Afghanistan. Cet islamisme fonctionna dans les pays arabes avec le consentement des régimes en place qui, voulant les domestiquer parce qu’il leur servait dans leur lutte contre le communisme, lui donnèrent accès aux différentes institutions nationales. L’islamisme sunnite, qui est une doctrine réactionnaire, est, depuis sa création soumis aux Etats-Unis avec qui il partage l’idéologie ultralibérale, c’est-à-dire un capitalisme sans sécurité sociale ni syndicats. Il se manifesta dans un premier temps dans le début des années 1980 avec ledit « Groupe Bouyali ». Les services secrets algériens, encore sous l’empreinte de Boumediene empoisonné une année auparavant, écrasèrent ce mouvement. Mais, comme dirait l’autre, le ventre de la bête était encore fécond. Il ressuscitera au début des années 1990 en commençant par l’Algérie où durant toute une décennie, appelée en Algérie « La décennie rouge » il fit plus de 300.000 morts à commencer par les intellectuels.
L’islamisme chiite, qui est opposé à l’islamisme sunnite est un islamisme de résistance comme nous le démontre l’Histoire contemporaine avec, notamment, le Hezbollah.
Pendant que des adolescents tombaient sous les balles des dictatures d’Afrique du Nord, les islamistes ont bien évité de s’impliquer dans ces extraordinaires mouvements de contestation citoyenne, les plus fabuleux de ce début du 21ème siècle. Ils sont demeurés en embuscade, attendant les instructions de Washington via Doha, qui se sont entendus comme les compères, dans les des western, s’entendaient pour attaquer la diligence. Il s’agit là, en l’occurrence, de la diligence démocratique.
La fascination d’Israël
Il faut rappeler que dès l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en Egypte, leur leader Mohamed Morsi déclara, dans sa première allocution publique, que « Nous respecterons les engagements égyptiens antérieurs sur le plan international ». C’est-à-dire maintenir les accords israélo-égyptiens appelés « Les accords de Camp David ».
Il faut aussi rappeler qu’en Tunisie les relations avec Israël qu’entretenait Ben Ali de manière officieuses le furent officiellement par le pouvoir Ghannouchi. Ainsi qu’au Maroc et en Algérie où le Président Toujours à propos d’Israël, Bouteflika prononcera cette phrase sibylline : « Lorsque mon médecin me prescrit un médicament, je m’en fous de la nationalité du pharmacien qui le vend ».
Il y eut, pendant de très longues années, une influence saoudienne dans les pays musulmans à travers «la « Ligue Islamique Mondiale » http://barricades.over-blog.com/article-l-arabie-saoudite-matrice-originelle-du-terrorisme-bientot-depassee-par-le-qatar-98332635.html.
Que s’est-il passé entretemps entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis pour que ce dernier change aussi impromptument de maîtresse ? Divergences tactiques ou divergences structurelles ? Le Qatar voulait désormais jouer dans le cour des grands et, surtout, comme nous l’écrivions plus haut, le rôle de favorite des USA dans le monde arabe. Il lui fallait donner donc des gages supérieurs à ceux de sa rivale l’Arabie saoudite.
Le premier gage du Qatar offert aux USA sera la Libye, bien avant les « révolutions arabes ».