Libye : entre lubie de BHL et alibi français ?
7 décembre 2013
Les députés libyens viennent de voter la charia, soit la loi islamique censée permettre d’articuler impératifs religieux et sociétaux.
Tout ça pour ça… Une énième ratonnade internationale contre la Libye. Coproduction anglo-saxonne avec appui turc ; juste histoire de virer les Italiens de leur ancienne colonie. Et, comme d’habitude, comme toujours, mettre la main sur le pétrole libyen. Le tout sur fond d’urgence humanitaire, comme toujours, comme d’habitude.
Certes, le défunt colonel Khadafi n’était pas un parangon d’humanisme et de bonne santé mentale ; mais le Sardanapale de Tripoli n’était pas non plus ce qui pouvait advenir de pire à la Libye, après le renversement du roi Idriss. Et c’est là que nos journalistes seraient bien inspirés de faire preuve d’un peu moins d’ethnocentrisme : la Libye n’est pas un État-nation à la française, puisque ancienne province ottomane avant de devenir protectorat italien. Il y a là-bas quatre ethnies qui se détestent plus ou moins cordialement : Arabes, Berbères, Touaregs et Noirs. Sans compter près de 250 clans et tribus connus pour ne guère s’aimer davantage. Cocktail explosif, donc. Dont nous avons attisé les braises tout en jetant de l’huile sur le feu.
Résultat, les députés libyens, soit le peu qui reste d’autorité en la région, viennent de voter la charia, soit la loi islamique censée permettre d’articuler impératifs religieux et sociétaux. Très justement, le site ajib.fr, d’obédience franco-musulmane, déplore néanmoins : « Les musulmans ne définissent pas tous de la même manière le mot charia. À noter que le terme charia ne se résume pas à des peines. Dans l’esprit des gens, charia renvoie à des actes comme couper la main aux voleurs, etc. Sa portée est beaucoup plus large que cela, elle renvoie à la voie et à la raison, elle régit la vie en société de la communauté musulmane (droits et devoirs). »
Ainsi, et ce à rebours d’idées communément reçues, mieux vaut, pour un chrétien, d’être soumis à la charia – Iran, par exemple –, qu’au simple bon vouloir d’un prince laïc — Égypte, pays dans lequel l’armée n’était pas la dernière à mettre le feu aux églises, juste histoire de faire se dresser les coptes contre leurs compatriotes des Frères musulmans ; même Valeurs actuelles l’a écrit et reconnu, c’est dire.
D’ailleurs, le terme de « charia » n’est pas en soit un gros mot. Pas plus que le Droit canon du Vatican. Et le résumer à la seule lapidation des femmes adultères, coutume ante-musulmane – relire les Évangiles pour se le rappeler – équivaudrait à réduire l’Inquisition catholique aux seuls déboires d’Angélique, marquise des anges, et de son promis, Geoffroy de Peyrac.
Alors, la charia libyenne ? Sous influence saoudienne et wahabbite, assurément. Et qui risque bien de venir heurter les sensibilités toutes particulières de ces familles bédouines avec lesquelles le colonel Khadafi sut de longue date composer, exercice périlleux dont on voit mal comment les nouvelles « autorités » pourraient mener à bien.
Sur ce sujet de plus en plus brûlant, il y a des personnalités dont le silence est de plus en plus assourdissant. Nicolas Sarkozy qui fit les honneurs du défilé du 14 juillet et des jardins de l’Élysée au satrape en question. Alain Juppé qui, tel le Clausewitz du pauvre, embringua la France dans ce boutre à la dérive. Et le meilleur pour la fin, Bernard-Henri Lévy, apprenti André Malraux – les déserts de Cyrénaïque valant bien le sable espagnol –, désormais interdit de séjour en Libye, parce que « juif », information révélée par notre confrère Rue.89, ce 6 décembre dernier. Tout ça pour ça, disions-nous…