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La Palestine, Israël et l’industrie militaire Les dessous des bombes


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La Palestine, Israël et l’industrie militaire

Les dessous des bombes

Nedjma Merabet

Mercredi 27 août 2014

La place de l’armée dans la société israélienne :

Il est sans aucun doute nécessaire de comprendre à quel point Israël est un état militaire pour cerner à peu près le conflit Palestine/Israël. Contrairement aux autres pays dits « démocratiques », la majorité des ministres et dirigeants politiques sont d’anciens officiers supérieurs. Chose que les médias de ces pays dits « démocratiques » ne lui reprochent jamais. Peut-être faudrait-il aller voir du côté de l’Histoire. En Israël l’importance de la conscription est surprenante. L’objection de conscience n’est pas reconnue et même mal vue, et le service militaire est obligatoire, avec 3 ans pour les hommes et 2 pour les femmes, une période de réserve pour tous qui va jusqu’à 45 ans pour les hommes et 24 pour les femmes. Ce qu’ils appellent les arabes israéliens (musulmans, druzes ou chrétiens) en sont exemptés, cependant, on pouvait lire le 22 avril dernier dans Le Monde que ceux qui sont aptes au service parmi les 130 000 arabes israéliens de confession chrétienne seraient désormais convoqués pour le service militaire. Il est également intéressant de rappeler que le 24 février dernier, la Knesset avait voté une loi discriminatoire qui favorisait les arabes chrétiens israéliens de leurs concitoyens musulmans. Il était question de nombre de sièges injustement répartis à la Commission nationale d’égalité d’accès à l’emploi. La préparation à la division de la population dite arabe selon confession avait donc déjà commencé bien avant le lancement de l’opération bordure protectrice. Selon certaines sources, la première cause de mortalité dans les rangs de l’armée israélienne de défense comme elle aime à se faire appeler serait … le suicide, dont les chiffres sont bien entendus tus par les déclarations officielles de Tsahal !
Les dépenses militaires de ce petit pays/armée représentent presque 7% du PIB, ce qui est moins que les 11% de l’Arabie Saoudite mais nettement plus que les 5% des USA ou les 2,5% de la France. Le pays se classe à la première place mondiale des dépenses militaires par habitant. Israël possèderait la 4ème armée du monde, pour un peu plus de 7 millions d’habitants, dont 20% (1,5 millions) sont des arabes descendants des 16000 qui sont restés sur leurs terres avec la création de l’état hébreu.

Israël grand importateur d’armes qui se transforme en grand exportateur :

L’état sioniste est d’abord un grand importateur d’armes, et les Etats Unis en sont le fournisseur officiel. De 2000 à 2009, les américains ont livré à Israël pour près de 19 milliards de dollars d’armements, dans le cadre de 3 programmes de transfert d’armes représentant 80 % de l’aide militaire à Israël ; la majeure partie de l’argent restant est dépensée pour l’industrie israélienne d’armement, dérogation exceptionnelle inscrite dans la loi des USA au profit d’Israël. De 2009 à 2018, les transferts d’armes américaines vers Israël représenteront 30 milliards de dollars, on peut donc dire que l’aide américaine ne faiblit pas, et ses loi interdisant de livrer des armes à des pays qui pratiquent « la répression interne, le viol des conventions sur les droits de l’homme .. » sont on ne peut plus obsolètes.
Pour ce qui est de l’Union Européenne, c’est le même cas, la France étant le principal fournisseur européen d’Israël (avec plus de 75 millions d’euros de livraison pour 2008). C’est en 2011 que Sarkozy mit un terme à 44 ans d’embargo militaire français sur l’état hébreu. A ce propos, Hervé Morin, le ministre français de la défense du gouvernement Fillon avait accusé De Gaulle d’être le responsable aujourd’hui de la montée en flèche de la puissance militaire israélienne. C’est en effet suite à l’affaire des vedettes de Cherbourg qu’Israël entreprit une réelle politique de militarisation qui le rendrait indépendante sur ce plan. Par la suite, la France et l’Afrique du sud collaboreront avec Israël afin que celui-ci développe son propre armement nucléaire, qui n’est officiellement pas reconnu, politique qui commença déjà avec la construction de la centrale nucléaire de Dimona en 1956. L’affaire éclata avec l’interview de l’atomiste Mordechai Vanunu qui montra des photos de la centrale en 1986 dans le Sunday Times. Il fut kidnappé par des agents du Mossad, emprisonné pendant 18 ans puis renonça à sa nationalité israélienne. Israël possède peut être 200 têtes nucléaires, dont chacune possède une puissance destructrice qui serait 4000 fois celle d’Hiroshima.
Du côté de l’aéronautique, Israël restait à la traine jusqu’à un certain temps en raison entre autre du veto américain qui ne souhaitait pas de concurrent dans ce domaine. Pourtant en 1986, les israéliens mettent au point le Levi, un monospace d’interception inspiré du Mirage français et du F16 américian, ce fut un échec commercial. Mais ce n’est pas pour autant que l’état belliqueux renoncera à son expérience dans le domaine, et il finira par faire du Levi le TD ( Technology Demonstrator), qui sert à la formation de pilotes et aux essais de radars. Une version d’avion de reconnaissance de type CWE ( Conformal Airborn Early Warning) en est tirée, dont 4 exemplaires furent vendus à Singapour en 2009. Le système Iron Dome, utilise des missiles téléguidés capables de détecter des missiles lancés à une distance entre 5 et 70 km. Le projet Iron Dome récupère la moitié des 400 millions de dollars de fonds destinés aux projets communs américano-israéliens. L’installation de ce système rendrait apparemment politiquement injustifiable l’occupation de la Cisjordanie.
La Marine quant à elle était quelque peu la laissée pour compte de l’armement israélien, mais cela ne dura pas longtemps, et ce petit pays excessivement militarisé a fini par produire ses propres navires d’attaque dont neuf patrouilleurs de 4ème génération ont été commandés par l’Afrique du Sud.
Israël étant le principal partenaire étranger de l’UE dans le programme-cadre de recherche scientifique, cela lui permet de percevoir de nombreux fond européens pour le financement de programme de recherche dans l’aéronautique (une société israélienne a obtenu des fonds européens pour la construction d’avions de guerre utilisés dans les territoires occupés) et le pays qui se dit devoir se défendre est également lié aux activités de recherche européennes sur les nanotechnologies à des fins militaires. Elbit System (l’entreprise privée d’armements la plus importante d’Israël) participe à un projet de recherche sur des drones.
En une dizaine d’années, Israël a triplé les recettes de ses exportations militaires vers les Etats Unis, et il a atteint un record en 2006 de presque 4,8 milliards de dollars d’exportations de matériel militaire, 5,6 milliards en 2007 et 6,3 milliards en 2008.

L’importance des guerres pour l’économie d’Israël :

L’importance de l’industrie militaire pour l’économie d’Israël, qui est une économie capitaliste puissante, celle d’une société de consommation généralisée, n’est plus à prouver. Dans un entretient accordé au journal italien Il Manifesto, avec l’économiste israélien Shir Hever, on apprend qu’après chaque attaque contre Ghaza, des expositions sont organisées où des entreprises privées et publiques présentent les produits utilisés sur la population gazaouie. On comprend facilement que des acheteurs aient plus confiance en des produits qui ont été testés et qui ont prouvé leur efficacité, même si de loin tout ceci ressemble à une foire … aux monstres. Rappelons qu’Israël est à la tête d’une commission onusienne sur la décolonisation.
« Il suffit de penser qu’il y a quelques jours l’Industrie aérospatiale israélienne a lancé un appel aux investisseurs privés pour la production d’une nouvelle bombe. Ils ont déjà récolté 150 millions de $, 100 000 $ pour chaque palestinien tué : on commence à vendre alors qu’une opération est encore en cours. » Nous apprend l’économiste.
Les nombreuses guerres qu’a menées l’état hébreu ont constitué de véritables laboratoires de tests d’armements. Par exemple, après les échecs de la guerre au Liban de 2006, la commission Winograd a attiré l’attention du gouvernement sur les faiblesses des unités de terre, où 22 tanks ont été détruits par des missiles russes Kornet, portés par des militants du Hezbollah. Alors les ingénieurs israéliens conçurent le système trophy, un système d’isolation équipé de radar pour détecter la menace et d’une unité de lancement de projectiles de destruction. En collaboration avec le Pentagone, des essais ont conclu à une fiabilité de 90% de l’appareil, et les USA utiliseront ce produit en Irak et en Afghanistan.
L’institut Rafael et le Centre pour la Recherche Spatiale d’Israël ont développé le missile «Barak» qui a réussi, en juillet 2009, l’interception et la destruction d’un missile lancé à partir d’un navire. New-Delhi a signé avec IAI (Israel Aerospace Industries) et Rafael un contrat de 1,4 milliards de dollars pour la fourniture de radars et de missiles Barak-8.
Rafael est en concurrence directe avec EADS, et des groupes français ont choisi de collaborer avec IAI, notamment dans le secteur des drones qui sont devenus la spécialité israélienne.
Israël expérimente des armes nouvelles lors d’attaques contre ses voisins (Liban en 2006, bande de Gaza en 2008-2009). Outre les BASM (armes à sous munition) et les mines anti-personnel, il a utilisé des bombes à fragmentation. Mais il a aussi fait usage de bombes au phosphore blanc, à l’uranium appauvri, à laser contre des bunkers, à implosion et à tête chimique. Au Liban, de redoutables armes nouvelles ont surement été expérimentées : armes au plasma, à impulsions, à mico-ondes, à infra-rouge … A Gaza, il a expérimenté des armes DIME ( Dense Inert Metal Explosive ), une bombe de petite taille et de faible poids avec une charge interne en alliage de tungstène qui libère dans l’air une poudre incandescente qui provoque des hémorragies internes. L’enveloppe externe en fibre de carbone, plus légère que le métal, invisible aux rayons X, se pulvérise après explosion en microparticules qui pénètrent jusqu’aux os et provoquent la nécrose des membres.
En Cisjordanie, il utilise de nouveaux projectiles contre des manifestants non-armés : grenades assourdissantes, cartouches de gaz lacrymogène plus dangereuses, grenades lacrymogènes à tir rapide et à longue portée, balles de faible calibre provoquant des hémorragies internes, balles vertes contenant une substance chimique inconnue. Ces expériences sur le terrain serviront tôt ou tard aux alliés d’Israël.
La politique ambigüe des occidentaux qui saute de la légitimation d’Israël à quelques condamnations timorées et sans effet est parfaitement expliquées par ces rapports commerciaux du domaine de l’armement. Petit à petit Israël prend de l’importance et devient de plus en plus une menace pour ceux qui demeurent encore ses alliés.

Nedjma Merabet

http://www.lesdebats.com/editions/270814/Les%20debats.pdf

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