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28 mars 2024

Libye : Paris redoute un scénario «à la malienne» et appelle à l’action


Fallait y penser avant d’attaquer un pays qui se portait bien et qui réglait ses problèmes tout seul sans l’aide des impérialistes.

ginette

Libye : Paris redoute un scénario «à la malienne» et appelle à l’action

Un membre de la milice de Zintan regarde un réservoir d'essence brûler dans la capitale au début août. Depuis, les islamistes ont pris le contrôle de Tripoli et obligé le gouvernement à s'exiler.
 

Si l’objectif de la France en intervenant en Libye était la chute de Kadhafi et qu’il a été tenu, de nombreuses milices à l’origine de la révolution refusent aujourd’hui de rendre les armes et sèment le chaos dans le pays.

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Un «scénario à la malienne» pour la Libye. En septembre 2012, les autorités françaises avaient arpenté les capitales européennes pour convaincre leurs partenaires de la nécessité de frapper les islamistes qui menaçaient Bamako et toute la région. Depuis la rentrée, elles ont entamé un «énorme travail de mobilisation» pour entraîner alliés occidentaux et puissances voisines dans une intervention en Libye. «Aujourd’hui, c’est ma plus grande préoccupation», a récemment dit François Hollande. Pendant la conférence des ambassadeurs, il a exhorté l’ONU à agir vite pour éviter l’effondrement complet de la Libye. Et comme il l’avait fait il y a deux ans, il compte évoquer le sujet à l’Assemblée générale des Nations unies à New York.

Trois ans après l’opération franco-britannique «Harmattan», qui a conduit à la chute de Kadhafi, le pays est en effet au bord de l’implosion, déchiqueté par des conflits religieux, tribaux et régionaux. Au Nord, de violents combats opposent depuis le début de l’été les forces gouvernementales alliées aux partisans du général pro-américain Khalifa Haftar aux milices islamistes, qui ont pris le contrôle de Tripoli et forcé le gouvernement à s’exiler à Tobrouk, à l’est.

Un pays en voie de fragmentation

Deux gouvernements, deux Assemblées et le sud du pays transformé en nouveau sanctuaire pour les djihadistes chassés du Mali par l’opération «Serval». Dans cette zone grise échappant à tout contrôle de l’État, où circuleraient selon les services de renseignement de Londres davantage d’armes que n’en compte l’arsenal britannique, dont des missiles sol-air, l’Algérien Mokhtar Belmokhtar et de nombreux terroristes islamistes auraient aussi trouvé refuge.

Le processus de «somalisation», c’est-à-dire la fragmentation du pays, irradie d’ores et déjà au-delà des frontières nationales. Il menace aussi le continent européen, dont la Libye, au bord de la Méditerranée, est l’une des portes. À moins d’accepter de remettre en cause les succès militaires de l’opération «Serval» au Mali, de fermer les yeux sur les risques d’attaques contre les intérêts occidentaux dans la région, la France ne peut pas ignorer le chaos libyen, auquel elle a involontairement contribué par son intervention aérienne en 2011. «Nous avons cru à tort que des élections seraient suffisantes pour stabiliser la situation. Comme nous ne sommes pas intervenus au sol, nous avons surarmé les groupes», reconnaît aujourd’hui un haut responsable français. De nombreuses milices à l’origine de la révolution ont refusé de rendre les armes. «L’objectif était la chute de Kadhafi et il a été tenu. Mais il aurait fallu reconstruire l’État, rebâtir les outils régaliens, comme la police et la justice», explique Étienne de Durand, directeur du centre des études de sécurité de l’Ifri. En bref, «penser le jour d’après» résume Camille Grand, le directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

Depuis plusieurs mois, la presse algérienne se fait l’écho d’opérations qui seraient menées au sud de la Libye contre Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique) par des forces spéciales américaines, françaises et algériennes. Qu’elles soient ou non avérées, ces actions ponctuelles n’ont en tout cas pas eu d’impact décisif sur le terrain, où la situation se dégrade chaque semaine davantage. Au point que la France est convaincue de la nécessité d’agir. Jusque-là, les autorités libyennes avaient refusé toute ingérence étrangère. Mais depuis qu’elles ont été chassées de la capitale par les islamistes le mois dernier, le Parlement a publiquement demandé une intervention occidentale.

«Il faut une coalition»

Le brusque effondrement de l’État comme la perspective de voir se créer un califat en Libye inquiète aussi les pays voisins. «Ils considèrent que le risque terroriste est plus important qu’il ne l’était du temps de Kadhafi et que la France en porte en partie la responsabilité», explique une source au ministère de la Défense. Le président tunisien, Moncef Marzouki, et son homologue tchadien, Idriss Déby, auraient «appelé la France au secours». Le sujet a aussi été abordé avec l’Algérie et l’Égypte.

Étendre la lutte antiterroriste à l’ensemble des pays de la région: c’était l’un des objectifs du redéploiement militaire français dans le Sahel et de la création du dispositif «Barkhane», basé au Tchad et qui pourrait servir de base pour intervenir en Libye. Mais si le diagnostic est identique à celui qui avait été fait au Mali, pas question cette fois d’intervenir seuls. «La situation est trop compliquée. Pour affronter en même temps les fronts nord et sud, il faut une coalition internationale. Il faut aussi inclure les voisins dans le règlement du problème», poursuit la source du ministère de la Défense. Car si le chaos libyen est une bombe à retardement pour l’Occident, il est une question de sécurité nationale pour les pays voisins.

Et pourtant, le projet d’une intervention politique et militaire de grande envergure, qui détruirait les sanctuaires terroristes tout en facilitant le retour de l’État et des institutions, peine à mobiliser les alliés européens et américains. Un responsable français le déplore: «C’est l’un des problèmes les plus graves que nous ayons à affronter aujourd’hui, mais tout le monde regarde ailleurs.»

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