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6 octobre 2024

Le retour du Berlusconi français


Opinion

Le retour du Berlusconi français

Mohsen Abdelmoumen


Photo: D.R.

Lundi 29 septembre 2014

Whatsupic — Tenez-vous bien, Nicolas Sarkozy est de retour en politique. Cette résurrection politico-médiatique dans une France exsangue et sans repères nous rappelle les différents come-back de Silvio Berlusconi en Italie, tous deux bénéficiant du meilleur allié auquel un politicien corrompu puisse rêver : le vide politique.

Passé maître dans l’art du plagiat, Sarkozy suit la trace de Berlusconi, autre dinosaure de la politique européenne, champion de l’auto régénération tel un Dracula. Ce n’est pas le retour de Zorro ou du Jedi, c’est la réapparition d’un avocat d’affaires qui s’imagine à nouveau chef d’Etat, croyant ainsi effacer toutes les casseroles qu’il trimballe. « Avez-vous oublié mon tempérament ? » a-t-il dit récemment dans un discours à ses ouailles.

Tout le monde sait que la politique est sale, mais voir Sarkozy surgir à nouveau relève d’une sorte de pornographie qui ne dit pas son nom. L’ancien président qui passe son temps à faire des conférences à 100 000 euros pièce pour des thinks tanks dans lesquels il enseigne comment rouler les peuples dans la farine, attendait son heure. La mollesse, l’incohérence et la perte de crédibilité de François Hollande lui offrent la planche de salut dont il avait besoin. Sarkozy, une âme ténébreuse, n’a jamais nié son goût pour le pouvoir et a horreur de se retrouver hors du jeu politique dans lequel il excelle à porter des coups bas, y compris à ses propres mentors comme Balladur et Chirac envers lesquels il a fait preuve d’une sauvagerie inégalable. La fidélité de Sarkozy se mesure à la façon dont il trahit ceux qui l’ont aidé à gravir les échelons, à sa faculté de faire main basse sur de l’argent qui ne lui appartient pas, allant même jusqu’à piquer la femme de son meilleur ami, comme ce fut le cas avec son ex-épouse.

Le pouvoir, seulement le pouvoir, semble dire cet ex-président qui désire ardemment retrouver l’Elysée comme on reprend une ancienne maîtresse avec laquelle on a passé des heures inoubliables. On n’a jamais comptabilisé son bilan catastrophique s’étendant de l’affaire Karachi et divers détournements qui ont révélé son vrai visage jusqu’à l’intervention en Libye dont il est le principal responsable et qui a coûté la vie à 90 000 Libyens. En plus d’être un homme d’affaires véreux, il a voulu effacer les comptes occultes du financement de sa campagne de 2007 par Kadhafi en déclenchant une guerre qui a dévasté la Libye et tout le Sahel, et dont on continue à goûter les fruits amers avec des dizaines de milliers de réfugiés et de morts. Rappelons que la guerre au Mali n’est que la résultante de l’intervention de Sarkozy en Libye. Le chaos libyen qu’il a initié continue à faire des ravages au niveau de la région du Sahel qu’il a réussi à déstabiliser par son amateurisme politique.

Ce que fut la présidence Sarkozy : outre la guerre en Libye, une cascade d’affaires allant des écoutes dites « fadettes », les affaires Karachi, Lagarde, Woerth, Betancourt, l’affaire Bygmalion relative à sa campagne en 2012 pour laquelle a été ouverte une information judiciaire contre X pour financements occultes, faux et usage de faux, abus de confiance, tentative d’escroquerie, complicité et recel de ces faits, et j’en passe, en plus d’un comportement irresponsable avec des répliques du type « casse-toi pauv’con » adressé à un citoyen qui refusait de lui serrer la main lors d’une visite officielle, attitude grossière montrant le caractère d’une brute en col blanc.

Collectionneur assidu des affaires en justice et des gardes à vue, Sarkozy n’est pas un homme au service du peuple mais un homme du peuple qui se sert de celui-ci sans le moindre scrupule. Il est sans doute opportun pour un avocat de fréquenter le Palais de Justice, mais de là y élire domicile, cela pose un problème qui a tout à voir avec la voyoucratie. Or, quand des voyous règnent sur des pays, cela ne peut qu’être catastrophique pour toute la planète.

Se portant comme alternative à un grave déficit de personnalités à gauche comme à droite, Sarkozy compte se représenter en 2017 afin de bloquer la montée du Front National qui constitue un réel danger pour la droite et pour la gauche classique et caviar tout à la fois. Mais que faire de l’ardoise salée que Sarkozy a laissée derrière lui ? Compte-t-il rembourser le sang versé durant son mandat et les trous qu’il a faits dans la caisse avec un concert de son épouse ou une exhibition de mannequinat de Carlita ?

Quand Sarkozy évoque son tempérament, n’oublie-t-il pas que l’exercice de l’Etat ne se résume pas aux états d’âme des uns et des autres, mais plutôt aux engagements politiques que devraient tenir un chef d’Etat ? Ce qui est loin d’être le cas, puisqu’il n’a honoré aucun point de son programme lorsqu’il a été élu en 2007, ainsi sa promesse d’ouvrir des usines que les Français attendent toujours. Il a promis tellement de choses à la population française qui sait maintenant qu’il n’est qu’un vulgaire bonimenteur opportuniste. Les paroles ne suffisent qu’à enflammer une plèbe, la faire rêver le temps d’un discours et ensuite… bonjour le cauchemar !

Cet ex-président qui devrait être jugé comme Bush et Blair pour leur intervention désastreuse en Irak, ne manque pas de culot en voulant se présenter à nouveau pour diriger la France qui, rappelons-le, est en guerre dans plusieurs pays. Est-ce qu’un néocon français à l’Elysée arrangerait les choses ? Certainement pas. Le sieur Sarkozy, ce voyou de la République au comportement indigne d’un président, cherche certainement à récupérer son immunité pour échapper à la justice, comme ce fut le cas pour Berlusconi, grand amateur de « bunga bunga ».

Tous deux partagent le même profil, honnissant la justice indépendante et affichant une aversion profonde pour les juges indépendants. Si Berlusconi a eu son RubyGate, Sarkozy a son KadhafiGate et on lui souhaite le même sort que son alter ego, à savoir se retrouver à la fin du scénario, obligé à réaliser des travaux d’intérêt général en changeant les couches des vieux pensionnaires atteints de l’Alzheimer dans les maisons de repos, pour la gloire de la République. Tempérament ou pas, ramasser les poubelles des hospices  ne demande pas beaucoup de charisme, il faut juste que cet enfant gâté de la politique apprenne une fois dans sa vie à travailler à la sueur de son front et à produire quelque chose. Ce mauvais garçon de la politique française a cru trouver le Saint Graal en étant affreux, sale et méchant, ne comptant que sur le fric et en exploitant les vieilles milliardaires.

Il s’est cru marié avec Marianne pour toujours, or il doit se contenter de Carla Bruni avec sa guitare qui lui susurre chaque soir à l’oreille, dans leur pavillon luxueux de Neuilly, bien loin du chômage et de l’austérité qui sont le lot quotidien des citoyens de France : « je me voyais déjà en haut de l’affiche… ». La France après avoir eu son président « normal » va-t-elle amorcer un autre processus en ayant son président « anormal » ? Le retour en politique de Sarkozy nous prouve que nous sommes effectivement dans un monde paranormal.

Publié le 29 septembre 2014

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