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28 mars 2024

A Calais, mobilisation contre le “mur de la honte” 18/12/2014 | 10h34


 

A Calais, mobilisation contre le “mur de la honte”

18/12/2014 | 10h34
A Calais, le 17 décembre, la construction de la palissade entourant le port (Philippe Wojazer/Reuters)

A Calais, un mur hérissé de barbelés, destiné à empêcher le passage des migrants, est en construction. A l’occasion de la Journée internationale des migrants, Emmaüs et l’Organisation pour une citoyenneté universelle organisent aujourd’hui une manifestation pour dire non à ce “mur de la honte”. A ce jour, plus de 80 organisations ont signé cet appel.

Environ deux mille cinq cents migrants – hommes, femmes, enfants – guettent aujourd’hui à Calais la moindre occasion de passer en Angleterre. Ces réfugiés ont fui pauvreté, corruption, répression et guerre.

Ils viennent de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, du Soudan, de Somalie, d’Erythrée. Ils ont parcouru des milliers de kilomètres dans un périple violent, incertain, parfois mortel. Ils ont déjà payé cher leur passeur, ils paieront encore pour se faufiler dans des camions et grimper sur des ferries. A Calais, ne les séparent de leur “eldorado” anglais que vingt-cinq kilomètres d’un mur d’eau souvent démontée. Leur terre promise n’est pas la France : cent cinquante migrants seulement auraient déposé une demande d’asile, selon le ministère de l’Intérieur – dont la prochaine réforme vise à raccourcir le délai de procédure.

Soudan

Les migrants sont quatre fois plus nombreux qu’il y a un an à se retrouver piégés sur la côte calaisienne. Entassement, précarité, hygiène indigne, violences : la situation est explosive. Les associations humanitaires parent au plus pressé pendant que la police harcèle les migrants de manière systématique. Depuis 2002 et la fermeture de Sangatte, le démantèlement des camps fait office de politique gouvernementale. C’est Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, qui ordonne, sous la pression anglaise, la destruction du centre géré par la Croix-Rouge, sans proposer de solution de rechange. Les clandestins s’installent alors dans les bois.

Financé par le Royaume-Uni

En 2009, Eric Besson, ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, détruira la “jungle” calaisienne dans une opération “humanitaire” ultramédiatisée. Le ministre de l’Intérieur actuel, Bernard Cazeneuve, pressé de trouver une solution, a annoncé l’ouverture en janvier d’un centre de jour – ne passent-ils pas leurs nuits à courir après des camions ? Les associations y voient surtout un moyen de nettoyer le centre-ville. Parallèlement, le ministre de l’Intérieur a passé un accord avec le Royaume-Uni : les Anglais financent à hauteur de 15 millions d’euros la construction d’une palissade infranchissable autour du port de Calais, enjeu touristique et économique. Il ne faut plus voir au journal de 20 heures ces images de centaines de migrants entrant dans le port et donnant corps au fantasme d’invasion lepéniste – que les chiffres infirment.

“Politique d’externalisation des frontières

Combien de nuits au chaud et de repas représentent 15 millions d’euros ? Cette politique de l’immigration sécuritaire consiste à élever des murs aux frontières méridionales de l’Europe, explique l’anthropologue suisse Claude Calame sur Mediapart : “Désormais, de même que dans l’enclave espagnole de Ceuta et Melilla au Maroc, de même que la rive européenne de l’Ebros entre la Thrace grecque et la Turquie, Calais aura sa barrière fortifiée : un mur contre la migration qui correspond à la politique d’externalisation des frontières conduite depuis plusieurs années par l’Union européenne. Dans ce cas particulier, c’est, à l’intérieur de l’Europe, la frontière de la Grande-Bretagne qui est déplacée sur le sol français avec l’appui logistique et répressif des forces de l’ordre du pays ‘hôte’.”

Mais ni la fermeture de Sangatte, ni la destruction de la “jungle”, ni le démantèlement des squats, ni le harcèlement policier n’ont dissuadé les migrants de franchir les murs. Déjà, les clandestins se déplacent vers d’autres villes portuaires moins sécurisées –  à Cherbourg, la ville dont Cazeneuve était député-maire. Déjà, le contournement des obstacles leur fait prendre de plus en plus de risques pour monter dans les camions. Parfois au péril de leur vie.

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