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18 avril 2024

Malcolm X : 50 ans après sa mort


Malcolm X : 50 ans après sa mort


Il y a 50 ans, le 21 février 1965, Malcolm X s’apprêtait à prononcer un discours à l’Audubon Ballroom de New York pour encourager ses frères et sœurs noirs à lutter contre l’oppression et le racisme. Il n’en aura pas le temps : il est abattu de plusieurs coups de revolver. Pour l’élite, ce fut un soulagement : l’une des voix les plus fortes et les plus puissantes du mouvement noir était réduite au silence. Mais, un demi-siècle après sa mort, le leader afro-américain continue d’inspirer des gens dans le monde entier.

Malcolm X est né le 19 mai 1925 sous le nom de Malcolm Little, dans l’État américain du Nebraska. À l’époque, les États-Unis comptaient 13 millions d’Américains noirs. La plupart habitaient dans les États du Sud et étaient surtout des petits fermiers ou des ouvriers agricoles. Dans le Nord, les Américains noirs étaient surtout concentrés autour des centres industriels.

Dans le Sud régnait une véritable ségrégation raciale, organisée par la loi, qui séparait la population afro-américaine du reste de la société. Les Noirs ne pouvaient habiter les mêmes quartiers que les Blancs, les enfants noirs ne pouvaient fréquenter les mêmes écoles que les blancs, même les toilettes publiques étaient séparées. Dans le Nord, la communauté noire vivait dans des ghettos surpeuplés, comme Harlem à New York ou South Side à Chicago.

Il était également interdit aux travailleurs noirs de s’affilier à un syndicat, ce qui permettait aux patrons de se servir de cette loi pour propager le racisme parmi les travailleurs blancs. Cette stratégie du « diviser pour régner » a valu au mouvement ouvrier bon nombre de défaites et a fait en sorte que le mouvement ouvrier américain n’a jamais pu trouver son unité.

Aux États-Unis, la fin de la Première Guerre mondiale s’est accompagnée d’une vague de lutte sociale et syndicale. Les patrons attisaient le racisme en accusant la population noire de l’important chômage régnant à l’époque – tout en faisant venir de la main-d’œuvre afro-américaine des États du Sud afin de briser les grèves dans le Nord.

L’assassinat du père

Pour le seul été 1919, plus de 25 marches racistes ont eu lieu dans les quartiers populaires noirs. Au cours de ces marches, très violentes, des maisons étaient incendiées, des magasins détruits et des Noirs tués. La famille de Malcolm n’a pas été épargnée par cette violence raciste. Le père de Malcolm, pasteur, était un adepte de la pensée de libération des Noirs de Marcus Garvey, figure de proue du courant du « retour vers l’Afrique ». Ces idées eurent un profond impact sur la population afro-américaine, et elles allaient à nouveau gagner en influence dans les années 1960, lors de la lutte des pays colonisés pour leur indépendance.

Quand Malcolm avait 4 ans, la maison de ses parents fut incendiée par une bande raciste. Deux ans plus tard, le père de Malcolm fut assassiné par le Ku Klux Klan. La jeunesse de Malcolm fut ensuite marquée par une existence errante. Il grandit à Boston, Lansing, New Haven, Flint et New York.

C’est dans de telles circonstances que le jeune Malcolm finit par plonger dans la délinquance. En 1946, à l’âge de 20 ans, il est arrêté à l’issue d’un cambriolage à main armée et condamné à dix ans de prison.

Malcolm Little devient Malcolm X

Malcolm passera six ans derrière les barreaux. En prison, il rallie Nation of Islam, un mouvement américain de musulmans noirs. Pour Nation of Islam, la délivrance n’était possible que si l’on s’en remettait corps et âme à Allah et si l’on optait pour une scission complète avec la société blanche par le biais de la création d’un État islamique : la Nation of Islam. Le racisme anti-blanc était un moyen de contrer le racisme blanc de l’establishment. On demandait par exemple aux membres de ne rien acheter dans des magasins tenus par des Blancs, de rompre avec leur passé et de modifier leur nom. Malcolm choisit « X » comme nom de famille, ce X remplaçant pour lui le vrai nom – perdu – de ses ancêtres esclaves, remplacé par le maître blanc par celui de « Little ».

Comme Nation of Islam prenait fortement position contre l’oppression blanche, le mouvement attirait de nombreux jeunes Noirs. Ce fut aussi le cas de Malcolm, marqué par l’injustice et la violence subies durant son enfance. Il se convertit ainsi à l’islam et restera musulman jusqu’à la fin de sa vie. Au sein du mouvement, Malcolm devient bien vite l’une des figures les plus connues et les plus importantes.

Une fois sa peine de prison purgée, il parcourt le pays et le monde pour prêcher et organiser la lutte. Il rejette l’hypocrisie de plusieurs dirigeants noirs modérés et refuse toute concession, estimant qu’on ne pouvait porter atteinte à son droit de vivre comme il l’entendait. Cette attitude lui a valu le titre d’« angriest man in America » (l’homme le plus en colère de l’Amérique). Il est ainsi devenu le leader le plus connu et le moins enclin aux compromis du mouvement de libération des Noirs.

D’un activisme religieux à un activisme politique

Au début des années 1960, Nation of Islam acquit la réputation d’être certes la voix la plus virulente et radicale du mouvement de libération, mais tout en n’entreprenant pas grand-chose : beaucoup de paroles, mais peu d’actes.

En 1962, la police de Los Angeles abat sept Noirs musulmans non armés et en arrête seize autres. Malcolm X se rend alors à Los Angeles pour y organiser les gens dans leur résistance contre la violence policière. Il noue des liens avec d’autres groupes militants et commence à mettre sur pied un véritable mouvement de masse, mais il est rappelé à l’ordre par Elijah Muhammad, le leader de Nation of Islam. C’est le début de la rupture entre Malcolm X et Nation of Islam.

Le 12 mars 1964, Malcolm X annonce publiquement cette rupture. Peu après, il se rend en pèlerinage à La Mecque où il se convertit à l’islam classique. La religion passera peu à peu à l’arrière plan et ne sera plus sa motivation à l’action politique. « Aucune religion ne pourra jamais me faire oublier dans quelles conditions notre peuple doit vivre dans ce pays, a-t-il déclaré. (…) Aucun Dieu, aucune religion, rien ne me le fera oublier tant que cela ne cessera pas, que cela appartienne au passé, que ce ne sera pas éradiqué. Que cela soit bien clair. »

« J’étais là, avec mon nationalisme noir »

Après sa rupture avec Nation of Islam, Malcolm fonde d’abord Muslim Mosque Inc. et, peu après, l’Organisation de l’unité afro-américaine. Cette dernière n’avait rien de religieux et elle s’inspirait surtout du mouvement africain de libération de l’époque. Malcolm X y développe également le concept de la légitime autodéfense face aux attaques racistes, même si elles sont le fait de la police.

L’Organisation de l’unité afro-américaine n’acceptait pour membres que des Noirs, et Malcolm X commençait à comprendre que cela devenait de plus en plus problématique. En effet, une couche de plus en plus large de jeunes Blancs et de syndicalistes progressistes ralliaient la lutte contre le racisme.

Un mois avant sa mort, lors d’une interview, Malcolm X évoquait un entretien qu’il avait eu au Ghana avec l’ambassadeur d’Algérie : « En mai (1964, NdlR), alors que j’étais en Afrique, au Ghana, j’ai parlé avec l’ambassadeur d’Algérie, un homme très militant et un révolutionnaire dans le vrai sens du terme (…) Quand je lui ai dit que ma philosophie politique, sociale et économique était le nationalisme noir, il m’a demandé ce que je faisais de gens comme lui, dans ce système. Il était Africain, mais Algérien, et son aspect physique était celui d’un homme blanc. Et moi, j’étais là, avec mon nationalisme noir… Qu’en était-il alors des révolutionnaires au Maroc, en Égypte, en Irak ou en Mauritanie ? Il m’a fait comprendre que j’excluais des gens qui étaient de véritables révolutionnaires. Des gens qui mettent tout en œuvre pour renverser ce système par tous les moyens possibles. »

« Pas de capitalisme sans racisme »

Pour Malcolm X, il est ainsi devenu de plus en plus évident que le problème, c’était le capitalisme ; que celui-ci était la cause de l’oppression raciste. « Il ne peut exister de capitalisme sans racisme, a-t-il lancé lors d’un meeting à Harlem. En effet, le capitalisme ne peut continuer à tourner sans agir comme un charognard et déshumaniser certains groupes de population. (…) Montrez-moi un capitaliste, et je vous montrerai une sangsue. »

« Nous vivons dans une époque de révolution, et la révolte des Noirs américains fait partie de cette rébellion contre l’oppression et le colonialisme qui caractérisent tellement cette époque. (…) Il est faux de considérer la révolte des Noirs américains comme un simple conflit racial qui oppose les Noirs aux Blancs, et même de la considérer comme un simple problème américain. Nous assistons aujourd’hui à une rébellion à l’échelle mondiale des opprimés contre l’oppresseur, des exploités contre l’exploiteur. »

Pour l’establishment, Malcolm X devenait un personnage de plus en plus dangereux parce qu’il était en train de parvenir à réunir divers groupes. Il était en train de poser les fondations d’un large mouvement anticapitaliste contre le racisme. Il n’y est toutefois jamais arrivé, puisqu’il fut assassiné le 21 février 1965, lors d’un discours à New York.

Malcolm X n’a jamais hésité à s’exprimer contre le racisme, l’oppression et l’exploitation inhérents au capitalisme. Il a été l’un des combattants les plus sincères et les plus hostiles aux compromis du 20e siècle, et ses idées et actions restent, aujourd’hui encore, une source d’inspiration pour des millions de personnes dans le monde.

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