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27 avril 2024

LA VERITE SUR LE MCR (2): DU MOUVEMENT SECTIONNAIRE PARISIEN JACOBIN DE 1792-94 AUX « COMITES REVOLUTIONNAIRES » LIBYENS


 

LA VERITE SUR LE MCR (2): DU MOUVEMENT SECTIONNAIRE PARISIEN JACOBIN DE 1792-94 AUX « COMITES REVOLUTIONNAIRES » LIBYENS

   

LA VERITE SUR LE MCR (2) :
DU MOUVEMENT SECTIONNAIRE PARISIEN JACOBIN DE 1792-94
AUX « COMITES REVOLUTIONNAIRES » LIBYENS
Par Luc MICHEL
Président du MEDD-MCR,
Théoricien de la Démocratie Directe européenne
et du « Socialisme communautaire »
« Mais qui poussera les masses à prendre le pouvoir et à réaliser leurs propres objectifs politiques, économiques et sociaux ?
Qui défendra le nouveau régime ? »
(M. KAFDHAFI)
Comment s’est mise en place la Démocratie Directe dans sa version « Jamahyrienne » ?
Et quelle place y tiennent ses « Comités révolutionnaires » ?
Ses étapes éclairent à la fois son processus révolutionnaire et ses fondements idéologiques. « La trajectoire du régime libyen depuis 1969 peut s’analyser en une tentative sans cesse renouvelée de « révolution par le haut » visant à promouvoir le gouvernement par le bas, autrement dit le gouvernement direct du peuple, par le peuple, pour le peuple. »
LES CINQ PHASES DE LA REVOLUTION DE KADHAFI :
Du point de vue institutionnel, il est possible de distinguer cinq phases dans cette sorte de révolution permanente par le haut :
– Première phase le nationalisme arabe :
Jusqu’en 1973, le régime, qui nourrissait le dessein de l’union avec le voisin égyptien, entendait s’inspirer du modèle de la République arabe d’Egypte. La Constitution provisoire de la « République arabe libyenne » (RAL) proclamait la souveraineté du peuple et confiait l’exercice du pouvoir à un organisme collégial, le « Conseil de Commandement de la Révolution » (CCR), lui-même assisté d’un gouvernement placé sous son contrôle. Durant cette période, la « révolution », par le canal du CCR, dotait le peuple d’un parti unique sur le modèle égyptien, l’Union socialiste arabe (1971), et lui offrait la possibilité de contacts directs avec les gouvernants, « véritables happening où la foule interpellait le chef de l’Etat ou les ministres qui répondaient aux questions autant qu’aux interruptions ».
– Deuxième phase : la Révolution culturelle :
Le 15 avril 1973, alors que l’union proclamée entre la RAL et l’Egypte (août 1972) demeurait lettre morte, un discours prononcé par le colonel KADHAFI à Zouara traduisait et attisait les tensions internes au sein du CCR, perceptibles dès décembre 1969.
A l’instar de MAO et de la révolution culturelle chinoise, le colonel appelait à la « révolution populaire ». Il invitait notamment les masses à se constituer en « comités populaires » pour lutter contre la bureaucratie (destitution de responsables administratifs, occupation des stations de radio et de télévision…). Le conflit au sein du CCR, rythmé par l’action des « comités populaires » et deux réorganisations successives de l’USA, devait atteindre son paroxysme en août 1975 avec l’élimination des éléments hostiles à la mobilisation contre l’administration et les institutions gouvernementales prônée par Mouammar KADHAFI.
– Troisième phase : le Pouvoir du peuple :
Cette nouvelle phase, dont les orientations ont été consignées dans le premier volume du LIVRE VERT publié en septembre 1976 par KADHAFI, a vu, lors du congrès de Sebha, en mars 1977, l’avènement de la Jamahiriya.
La voie était alors ouverte à une relance de la révolution par le haut pour le gouvernement par le bas, préconisée par le colonel ». Ce sera, révolution dans la Révolution, l’ « instauration du pouvoir du peuple » le 2 mars 1977 : « Cette nouvelle phase, dont les orientations ont été consignées dans le premier volume du Livre Vert publié en septembre 1976 par KADHAFI, a vu, lors du congrès de Sebha, en mars 1977, l’avènement de la Jamahiriya. Les institutions administratives et le parti unique s’effaceraient désormais devant « le pouvoir du peuple ». Les premières étaient remplacées, au niveau des sous-districts et districts, par les comités populaires, et, au niveau national, par un « comité populaire général », substitut du gouvernement. Quant à l’USA, elle cédait la place aux « congrès populaires de base » et à leurs « secrétariats », ainsi qu’à un « congrès populaire général », équivalent d’une assemblée législative, et à son « secrétariat général ». Cette double organisation, pyramidale où les congrès contrôlent (et élisent depuis 1979) les comités, est censée assurer la démocratie directe par des procédures électives publiques et nominales comparables à celles d’assemblées ».
– Quatrième phase : les « Comités Révolutionnaires » :
Mais l’absence d’un appui organisé à la Révolution conduisirent à la création des « COMITES REVOLUTIONNAIRES » : « A partir de 1979, année de la suppression du Conseil de Commandement de la Révolution, une nouvelle impulsion a été donnée à la révolution par le haut avec le développement des « comités révolutionnaires », créés initialement pour « faciliter » l’instauration du système des congrès et comités populaires. Les « comités révolutionnaires », dont les membres sont cooptés parmi les soutiens inconditionnels du colonel, sont dépourvus d’attributions formelles mais orientent l’exercice du « pouvoir du peuple ». Mouammar KADHAFI définit leur rôle : « Il revient à la révolution populaire de détruire les instruments traditionnels du pouvoir, le rôle des comités révolutionnaires étant de pousser à cette révolution. Les comités révolutionnaires constituent le creuset dans lequel les forces révolutionnaires se retrouvent et s’organisent. Leur tâche diffère totalement des organisations politiques qui les ont précédées dans l’Histoire et qui militaient pour prendre le pouvoir à la place des masses. Les comités révolutionnaires représentent une force unique dans son genre, en ce sens qu’ils ne proposent pas de prendre le pouvoir mais d’inciter les masses à faire la révolution afin de prendre elles-mêmes le pouvoir et de l’exercer ad vitam eternam ».
– Cinquième phase : le « Socialisme jamahyrien » :
C’est la création des Comités révolutionnaires qui permet le passage au « Socialisme jamahiryien » (encore appelé « Socialisme associatif »). Enfin, « Cette révolution par le haut opérant une conciliation entre l’Etat et l’a-étatisme a trouvé son principe d’unité dans le « socialisme », dans un égalitarisme pouvant se réclamer de l’Islam et abolissant les disparités entre régions. A ses différents stades d’évolution, le régime a sollicité au maximum la capacité distributive que lui autorisait la rente pétrolière. Il a, de ce point de vue, atteint son apogée lorsque, avec la parution du deuxième volume du LIVRE VERT, en 1978, la propriété privée et le salariat ont été abolis et l’économie étatisée ». La logique de la révolution par le haut n’est pas, loin s’en faut, exclusive d’effets pervers. En régulant certaines tensions, elle en produit de nouvelles. L’interprétation audacieuse de l’Islam – les fondamentalistes Saoudiens qualifient alors KADHAFI d’ « apostat » – libère un espace pour une opposition se réclamant de l’orthodoxie islamiste. Opposition aussitôt prise en main par la CIA et le MI6 britannique. Le refus des intermédiaires et l’égalitarisme ne peuvent que stimuler l’hostilité des classes moyennes. L’étatisation de l’économie a frappé de plein fouet les « capitalistes non exploiteurs » dont l’Etat avait encouragé le développement durant les premières phases de la révolution.
LES RACINES JACOBINES DE LA DEMOCRATIE DIRECTE LIBYENNE : DE ROBESPIERRE A KHADAFI
La Démocratie directe libyenne s’inspire largement de l’expérience de Démocratie directe de la Première Commune de Paris (1792-1794) et du Comité de Salut Public. Les références sont publiques et nombreuses au gouvernement révolutionnaire de Robespierre. A l’occasion de la venue du Président français Chirac en Jamahiriya en 2004, les murs de Tripoli s’étaient couverts d’affiches, effarantes pour les Français, rendant hommage à la Révolution française, à 1793 et à l’Incorruptible.
Le rôle joué par Moammar KADHAFI au sein du système institutionnel libyen correspond étroitement – ce que personne n’a semblé voir avant moi parmi les analystes du Système libyen – à celui que jouait ROBESPIERRE entre la Commune de Paris et ses sections, la Convention, le peuple de Paris, le Club des Jacobins et le Comité de Salut Public. A la fois inspirateur et idéologue, porte-parole et arbitre suprême.
Pour qui est un familier du système libyen et de son fonctionnement réel, l’exposé que fait François FURET (dans PENSER LA REVOLUTION FRANCAISE) du rôle de Robespierre au pouvoir, de 1793 à Thermidor, fait immanquablement penser à celui que joue KADHAFI, le Guide de la Révolution, en Libye :
« Il est porteur d’un extraordinaire syncrétisme entre les deux légitimités démocratiques. Idole des Jacobins (…) C’est que lui seul a mystiquement réconcilié la démocratie directe et le principe de représentatif, en s’installant tout en haut d’une pyramide d’équivalences dont sa parole garantit, jour après jour, le maintien. Il est le peuple dans les sections, le peuple aux Jacobins, le peuple dans la représentation nationale ; et c’est cette transparence entre le peuple et tous les lieux où l’on parle en son nom – à commencer par la Convention – qu’il faut constamment instituer, contrôler, établir, comme la condition de légitimité du pouvoir, mais aussi comme son premier devoir ».
La structuration de l’Etat libyen s’inspire des conceptions jacobines. Le régime libyen illustre au premier chef les problèmes figurant au coeur de la constitution des nouveaux Etats, évoqués précédemment, l’Etat national comme symptôme de la fragmentation de la nation arabe, la prégnance des particularismes communautaires. De par son histoire, la Libye est indissociable d’un faible degré d’intégration (réunion de trois provinces disparates, issues de l’occupation coloniale : deux italiennes, la Cyrénaique et la Tripolitaine, et une française, le Fezzan) et du poids du tribalisme (refuge de l’identité sociale face aux destructions opérées par la colonisation italienne).
Le régime du colonel KADHAFI s’est coulé dans ce moule. Dès sa naissance, son militantisme unioniste arabe a traduit les incertitudes d’une hypothétique « libyanité ». Son « refus des intermédiaires », qu’il s’agisse de la bureaucratie, des partis, ou des classes moyennes qui les investissent, a assumé le refus de l’emprise étatique de la part d’une société portant l’empreinte de la segmentarité tribale.
Toutefois, le régime ne s’est pas cantonné dans une simple adaptation à des données historiques et culturelles. Sa dimension révolutionnaire a consisté dans un réaménagement de ces données tendant nolens volens à consolider les assises de l’Etat dans le cadre d’une société « a-étatique ». Il s’est réclamé de l’Islam mais a prétendu le réformer en dénonçant son interprétation rétrograde par l’establishment religieux et en récusant la Sunna, considérée comme sujette à caution, au profit du seul Coran. Ce faisant, il a, fidèle à lui-même, mis en cause des intermédiaires; bien plus, il a oeuvré en faveur de l’autonomie de l’Etat, les références politiques de l’Islam résidant pour l’essentiel dans la Sunna.
Sa vision est là aussi néojacobine, d’une forme arabe de la laïcité in fine. Un des nombreux observateurs de la Jamahirya, Alain LELUC parlait dans la revue GEO d’ « un socialisme entre Marx et Allah ». Entendons une voie arabe – identifiant les Arabes à l’Islam, comme le fera aussi le théoricien (grec orthodoxe syrien de confession) ba’athiste Michel AFLAK – vers le socialisme, où l’Islam joue le rôle de référent national et culturel. Dans un processus qui rappelle le rôle de la Nation russe (avec également l’utilisation de l’Orthodoxie) dans le « national-bolchevisme » russo-soviétique de STALINE des Années 1941-45.
Le Socialisme qui entend « construire une nation moderne » autour de citoyen devenus « les producteurs révolutionnaires » d’une économie dirigée », écris Alain LELUC. On croirait entendre Jean THIRIART bien plus que MARX …
Quant à « Allah », la religion, comme ferment de l’identité arabe, est mise au service de la Jamahirya et de son projet politico-social. « Des jeunes filles marchent au pas, vêtues de battle-dress et chaussées de rangers, commente Alain LELUC en 1984. Les adolescentes-soldats de Kadhafi se dirigent vers l’Académie militaire. Venu en uniforme, lunettes noires, le « frère colonel » parle avec passion : « L’Académie est la pierre angulaire de la libération de la femme libyenne, de la femme arabe. Désormais, les écoles militaires accueilleront garçons et filles sur un pied d’égalité ». Discours insolite dans une nation islamique qui s’appelle désormais Jamahiriya. Kadhafi ne craint pas les contradictions et les bouleversements. Pour lui, islam, collectivisme étatique et prospérité économique doivent faire bon ménage (…) Musulman non intégriste, le colonel s’est aliéné les religieux purs et durs. Pour eux, son « Livre vert » sent le soufre. Ils n’acceptent pas de voir rejeter la Sunna, la tradition des faits et gestes du Prophète. Seul le Coran a été retenu comme base de législation. En outre, en stipulant que la terre n’appartient à personne sauf à celui qui la travaille, Kadhafi a supprimé les wakfs (biens religieux), l’une des plus importantes ressources des prêtres, qui ont clamé leur mécontentement dans leur sermon à la prière du vendredi ». KADHAFI se souvient là aussi de l’exemple de la Révolution française et de la vente des biens d’église. « Le Guide a été moins diplomate qu’avec les étudiants ou les pères de filles à marier : interdiction aux imams d’aborder des thèmes politiques (…) « En 1980, « Al Fajr al Jadid », le journal de Tripoli, a annoncé en première page le « nettoyage des mosquées ». »
Par ailleurs, son arabisme a doté l’Etat d’une idée-force lui conférant une consistance sinon une légitimité : la Libye n’est plus une entité contestable dès lors qu’elle se fixe pour objectif la réalisation de l’unité arabe. Enfin, la « Démocratie Directe », la revendication d’un système non représentatif, compte tenu de sa congruence avec l’ « idiome » segmentaire, peut être interprétée comme un effort d’utilisation, en vue du changement social, d’institutions et de valeurs qui s’étaient révélées des facteurs de résistance au régime lors de sa première phase (Davis, 1981).
DE L’EXPERIENCE DE LA PREMIERE COMMUNE DE PARIS DE 1792-94 AUX « COMITES REVOLUTIONNAIRES » LIBYENS
L’influence de Robespierre et la 1ère Commune de Paris apparaît également dans le rôle et le fonctionnement des « Comités Révolutionnaires », qui s’inscrit clairement dans la ligne du mouvement sectionnaire parsien de 1792-94.
 « Mais qui poussera les masses à prendre le pouvoir et à réaliser leurs propres objectifs politiques, économiques et sociaux ? Qui défendra le nouveau régime ? », interrogeait KAFDHAFI lui-même.
« Il revient à la révolution populaire de détruire les instruments traditionnels du pouvoir, le rôle des comités révolutionnaires étant de pousser à cette révolution. Les comités révolutionnaires constituent le creuset dans lequel les forces révolutionnaires se retrouvent et s’organisent. Leur tâche diffère totalement des organisations politiques qui les ont précédées dans l’Histoire et qui militaient pour prendre le pouvoir à la place des masses. Les comités révolutionnaires représentent une force unique dans son genre, en ce sens qu’ils ne proposent pas de prendre le pouvoir mais d’inciter les masses à faire la révolution afin de prendre elles-mêmes le pouvoir et de l’exercer ad vitam eternam . D’autre part, c’est le peuple qui défend le nouveau régime. Quand elle avait le pouvoir, la classe capitaliste avait créée une armée pour se protéger, les forces de sécurité pour assurer sa domination. A son avènement le capitalisme bureaucratique a fait de même ».
Les « Comités révolutionnaires », dont les membres sont cooptés parmi les soutiens inconditionnels du colonel, sont dépourvus d’attributions formelles mais orientent l’exercice du « pouvoir du peuple ». Contrôlant en fait le fonctionnement des instances « populaires » et le « tribunal révolutionnaire permanent », ils jouent le rôle de « chiens de garde de la révolution », selon les observateurs hostiles à la Jamahirya (Burgat, Hinnebusch).
Comme sous le régime jacobin de 1792-1794, l’auto-épuration joue un rôle important de renouvellement. Ainsi en 1986, dans le contexte du bombardement américain de Tripoli visant la personne de KADHAFI (et vraisemblablement coordonné à une tentative avortée de coup d’Etat selon certains observateurs), les comités révolutionnaires ont fait l’objet d’une épuration. Le colonel, s’exprimant dans l’hebdomadaire de ces comités, dénonçait la confiscation du pouvoir par un « parti » et lançait un appel à la formation d’un « parti » pour extirper ce « cancer » et opérer « un bond qualitatif, une nouvelle transformation révolutionnaire ». De même un mouvement contre la bureaucratie et l’embourgeoisement des cadres des « comités révolutionnaires » a été mené à bien en 2002-2003.
Extrait de :
LA DEMOCRATIE DIRECTE EN EUROPE : THEORIES ET PRAXIS.
Une vieille idée qui est l’alternative du XXIe Siècle !
Version écrite abrégée de la Conférence de Luc MICHEL
Pour le COLLOQUE INTERNATIONAL SUR LA DEMOCRATIE DIRECTE
Organisé à SEBAH (Libye) par le « Centre du Livre Vert »
Du 26 février au 3 mars 2007
Photo :
Luc MICHEL, président du MEDD-MCR, devant la MATHABA, le siège du MCR à Tripoli. A l’Occasion de la 5e Convention du MCR mondial, à Tripoli, le 24 octobre 2009.

 

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