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28 mars 2024

Émirats et monarchies du golfe. Regards sur l’avenir incertain d’une zone stratégique


EODE THINK TANK & EODE-BOOKS/ GEOPOLITIQUE

Émirats et monarchies du golfe. Regards sur l’avenir incertain d’une zone stratégique

Luc Michel

 

Vendredi 20 mars 2015

Luc MICHEL (Coord.) pour EODE Think Tank/
Avec EODE-BOOKS – lire – s’informer – se former
Un service du Département EDUCATION & RESEARCH
de l’Ong EODE
http://www.eode.org/
http://www.facebook.com/EODE.org

Regards sur une zone stratégique pour les intérêts de la superpuissance américaine …
Opulence liée à la manne pétrolière, exécutif dominé par les grandes familles, absence de démocratie politique effective constituent, aux yeux de beaucoup, les caractéristiques des petites monarchies du Golfe (Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar). C’est oublier pourtant que celles-ci sont à un tournant de leur histoire. Le tarissement des réserves pétrolières menace l’économie de rente.

Outre ce problème géo-économique fondamental, les états du Golfe sont une poudrière politique. La forte proportion de travailleurs immigrés, sans droits politiques ou civils, est devenue un enjeu à la fois économique et politique. En outre, la marge de manoeuvre de ces monarchies en matière de politique étrangère s’est considérablement réduite dans le nouvel ordre mondial que Washington tente depuis deux décennies d’imposer également au Moyen-Orient, notamment au travers du projet géopolitique dit du « Grand Moyen Orient » ou encore du soi-disant « printemps arabe », tous deux chargés de remodeler géopolitiquement et politiquement les états proche-orientaux. Mais le chaos ouvert par ce « printemps arabe » devenu un long hiver a ouvert un espace géopolitique à deux de ces états : la puissante Arabie Saoudite et le Qatar. Tout en favorisant l’émergence de leur grand ennemi l’Iran, comme grande puissance régionale …

La présentation de la revue POUVOIR du Seuil consacré à ces émirats et monarchies du Golfe est l’occasion d’une série de regards sur ceux-ci …

# I – PRESENTATION DE LA REVUE « POUVOIRS » :
ÉMIRATS ET MONARCHIES DU GOLFE

Revue POUVOIRS n° 152 (2014)
Au SEUIL

SOMMAIRE :

Le noeud gordien des États arabes du Golfe / Gilles Kepel
La résilience des monarchies du Golfe dans un monde arabe en plein tumulte / Fatiha Dazi-Héni
L’Arabie saoudite : un magistère sur l’islam contesté / Stéphane Lacroix
Révolution énergétique, révolutions politiques ? / Cécile Maisonneuve, Maïté de Boncourt
Retour aux années 1970 ? La jeunesse du Golfe et les économies de la rente après le Printemps arabe / Steffen Hertog
Musées et soft power dans le Golfe persique / Alexandre Kazerouni
Justice et libertés dans les émirats et monarchies du Golfe / Éric Minnegheer
La France et les émirats et monarchies du Golfe Un partenariat d’intérêt mutuel / Denis Bauchard
Du Golfe aux banlieues ? Variations sur le thème de « l’islamisation de l’Occident » / Mohamed-Ali Adraoui
Le Golfe vu des Émirats arabes unis et de l’Iran / Entretiens avec Gilles Kepel, Sultan Sooud al-Qassemi, Mahmoud Sariolghalam

Avec aussi les rubriques et chroniques permanentes.

VIDEO :
Présentation du n°152 de la revue Pouvoirs par Marc Guillaume, codirecteur de la publication, Gilles Kepel, professeur à Sciences Po et Alexandre Kazerouni, docteur associé au CERI.
Sur https://www.youtube.com/watch?v=XULm5O1khUE&feature=youtu.be

Ean : 9782021180497
22 x 15 cm, 192 pages

# II – LES THEMES ET LES ANGLES DES ANALYSES

LE NOEUD GORDIEN DES ÉTATS ARABES DU GOLFE

Gilles Kepel :
L’histoire politique contemporaine de l’espace nommé Golfe a été structurée par trois guerres successives qui ont adopté le nom des eaux disputées séparant l’Iran de l’Arabie saoudite. Les attentats du 11-Septembre ont dans ce cadre modifié le jeu des alliances internationales et créé les conditions d’un rapprochement de l’Iran et des États-Unis, ainsi qu’une dispersion des États du cceag, toujours au détriment de l’Arabie saoudite. Les révolutions arabes n’ont fait qu’approfondir ces lignes de faille alors que les stratégies d’autonomisation des États riverains de l’Arabie saoudite, qui ont établi une concurrence entre le Golfe et la Méditerranée pour le statut de centre des échanges mondiaux, restent fragiles à l’heure où baisse le prix du pétrole.

LA RÉSILIENCE DES MONARCHIES DU GOLFE DANS UN MONDE ARABE EN PLEIN TUMULTE

Fatiha Dazi-Héni :
La capacité d’adaptation et d’inventivité des régimes monarchiques arabes du Golfe, en particulier à travers les outils institutionnels et les arrangements au sein des dynasties, permet très souvent de dépasser les divisions intra-dynastiques, qui, si elles créent souvent tensions et crises, n’ont jamais débouché sur la disparition d’une de ces monarchies. Cependant, compte tenu des effets du Printemps arabe et aujourd’hui de la tendance baissière des prix du pétrole, observateurs et spécialistes se précipitent pour annoncer la fin prochaine de ces régimes. Nous montrons qu’au contraire le caractère résilient de ces derniers permet d’affirmer que, plus les menaces et les tensions s’exacerbent, plus le sentiment de solidarité et le pacte économique et de sécurité qui lient ces six monarchies dynastiques se renforcent.

L’ARABIE SAOUDITE : UNE AUTORITE DOCTRINALE SUR L’ISLAM CONSERVATEUR CONTESTÉE

Stéphane Lacroix :
Le système politique saoudien se fonde sur un partenariat conclu au XVIIIe siècle entre princes et oulémas partisans de l’islam dit wahhabite. De son maintien dépend la légitimité religieuse de la famille régnante. Or, dans la seconde moitié du XXe siècle, des tensions sans précédent se sont fait jour entre princes et oulémas, émanant notamment d’une nouvelle génération de clercs contestataires. Ces tensions fragilisent le pouvoir de la famille régnante, en dépit des efforts de cette dernière pour dépolitiser l’islam saoudien.

RÉVOLUTION ÉNERGÉTIQUE, RÉVOLUTIONS POLITIQUES ?

Cécile Maisonneuve, Maïté de Boncourt :
Épicentres de la production d’hydrocarbures, les États du Golfe doivent s’adapter à un paysage énergétique bouleversé par l’arrivée de nouvelles ressources sur le marché et par le retournement historique de la demande dans les pays européens. Consommer moins et développer des énergies alternatives pour réserver les hydrocarbures à l’exportation : le défi est immense pour des pays au sein desquels la paix sociale repose sur une consommation sans limite d’énergies subventionnées. À terme, c’est leur stabilité économique, sociale et politique qui est en jeu, ainsi que leur capacité à rester des acteurs clés du système énergétique mondial.

RETOUR AUX ANNÉES 1970 ?
LA JEUNESSE DU GOLFE ET LES ÉCONOMIES DE LA RENTE APRÈS LE PRINTEMPS ARABE

Steffen Hertog :
Les monarchies pétrolières du Golfe ont réagi aux soulèvements dans la région survenus depuis 2011 en introduisant des mesures de protection sociale et de clientélisme en faveur des populations locales. À l’exception de Bahreïn, ces mesures semblent pour l’instant avoir pacifié les sociétés concernées. En s’appuyant sur l’étude du cas de l’Arabie saoudite, cet article démontre cependant que les mesures clientélistes ont affecté négativement la viabilité fiscale des économies du Golfe et renvoyé ces sociétés à un système de dépendance par rapport à l’État qui représente un handicap politique à long terme.

MUSÉES ET SOFT POWER DANS LE GOLFE PERSIQUE

Alexandre Kazerouni :
Comment comprendre ce changement d’image qui a vu l’ancienne Côte des pirates devenir un des nœuds de la mondialisation des musées, des compétitions sportives et des universités occidentales ? Certes, son pétrole et son gaz l’expliquent, mais ils ne répondent pas à eux seuls à cet étonnant constat. En tentant de déconstruire le discours qui les analyse comme outils d’un soft power, cet article vise à montrer que ces dispositifs d’accession à la visibilité internationale sont d’abord des plateformes légales d’élargissement à l’Occident du cercle des bénéficiaires de la redistribution de la rente pétrolière et gazière et, à ce titre, parties intégrantes d’un hard power.

JUSTICE ET LIBERTÉS DANS LES ÉMIRATS ET MONARCHIES DU GOLFE

Éric Minnegheer :
États extrêmement riches au développement urbanistique moderne et avant-gardiste, les pétromonarchies du Golfe maintiennent une organisation sociale fondée sur la rigueur de l’islam et la tradition bédouine tribale. Ce lien ainsi établi entre le passé et l’avenir entend vraisemblablement démontrer que le progrès ne repose pas nécessairement sur l’individualisme entrepreneurial et la conception libérale des libertés individuelles.

LA FRANCE ET LES ÉMIRATS ET MONARCHIES DU GOLFE :
UN PARTENARIAT D’INTÉRÊT MUTUEL ?

Denis Bauchard :
Le golfe Persique a été longtemps la chasse gardée du Royaume-Uni et des États-Unis. Dès le début des années 1970, la France réussit à initier et développer dans le Golfe une politique de présence active, multiforme et significative tant dans les domaines politiques que militaires, économiques ou culturels. Cependant, cette région stratégique, riche en hydrocarbures, est le théâtre d’une forte compétition non seulement avec les pays occidentaux mais désormais aussi avec de nouveaux venus, en particulier la Chine et l’Inde. La place privilégiée de la France, notamment en Arabie saoudite, à Abou Dhabi et au Qatar, reste ainsi fragile et contestée.

DU GOLFE AUX BANLIEUES ?
VARIATIONS SUR LE THÈME DE « L’ISLAMISATION DE L’OCCIDENT »

Mohamed-Ali Adraoui :
Peut-on constater un intérêt particulier de l’Arabie saoudite ou du Qatar à l’égard des Français musulmans ? Que peut-on dire de l’usage de l’islam dans un éventuel sentiment de proximité entre ces pays et certains citoyens français de confession musulmane ? La visibilité de certains courants tels que le salafisme a, ces dernières années, mis en lumière des liens non plus seulement interétatiques mais intersociaux entre une partie des Français musulmans et certains pays du Golfe. Une analyse détaillée de ce phénomène amène néanmoins à considérer la complexité de ces évolutions.

LE GOLFE VU DES ÉMIRATS ARABES UNIS ET DE L’IRAN

Entretiens avec Gilles Kepel ,Sultan Sooud al-Qassemi, Mahmoud Sariolghalam :
Sultan Sooud al-Qassemi (qui a soutenu les révolutions arabes dont le résultat l’a déçu), constate que les États du Golfe en sont sortis intacts. Ils connaissent aujourd’hui deux menaces : une menace intérieure, celle des Frères musulmans, qu’ils espèrent éliminer ; une menace extérieure, celle de l’Iran, alors même qu’un rapprochement de Téhéran avec Washington est possible.
Pour Mahmoud Sariolghalam, « le rapprochement entre l’Iran et l’Occident ne pourra cependant être que très progressif et s’opérer à moyen terme. Les liens privilégiés des États-Unis avec les États du Golfe demeureront et l’Iran ne pourra pas redevenir le gendarme du Golfe » (qu’il était du temps du Shah).

# III – LE GOLFE : UNE ZONE DE CONFRONTATION GEO-STRATEGIQUE

Sujet pas étudié par POUVOIRS mais qui complète l’arrière-plan de la situation géopolitique et géo-stratégique dans le Golfe. Les monarchies du Golfe se préparent visiblement à la guerre. Les monarchies du golfe Persique forment une force de défense collective de 100.000 hommes. À quel point cette décision a-t-elle été influencée par la menace grandissante venue de l’Iran ?

Mi-décembre 2014, le ‘Conseil de coopération des États arabes du Golfe’, composé de six monarchies arabes, l’Arabie Saoudite, Oman, le Koweït, Bahreïn, les Émirats Arabes Unis et le Qatar, a annoncé la création d’un commandement militaire unique dont le quartier général se trouvera à Riyad. Ce sont les militaires saoudiens qui devraient diriger ce groupe. Au sens strict du terme, ces pays disposaient déjà d’une force commune d’action rapide.

Toutefois, selon Elena Melkoumiane, professeur du département de l’Orient contemporain de l’université d’État des sciences humaines de Russie (interview à Sputnik News, Moscou), « il s’agit aujourd’hui d’élever la coopération technique et militaire à un rang supérieur ». « Il s’agit maintenant d’élargir, d’accroître quantitativement ces forces. D’ailleurs, de façon générale, les monarchies du golfe Persique consacrent plus d’attention à la coopération militaire. D’un côté, c’est la continuation de ce qu’il se passait avant. D’un autre, les nouvelles obligations des monarchies se concentrent sur l’aspect défensif. Elles voient en l’Iran une grande menace. Et vu que l’Iran a commencé à négocier avec les États-Unis, et qu’il a signé un accord préliminaire concernant son programme nucléaire à Genève, les États du golfe Persique comprennent que la situation est en train de changer. Et si, avant, ils se reposaient sur le rôle modérateur des États-Unis, il leur faut maintenant compter plus sur leurs propres forces. »

Il ne faut pas pour autant penser que les monarchies du golfe Persique sont un bloc militaire et politique. À tel ou tel niveau, ils sont liés par leur forme de gouvernance, par le sunnisme conservateur et le commerce d’hydrocarbures. Mais les désaccords entre les différents membres du bloc sont profonds. Dans une autre situation, ils pourraient être une barrière vers une plus grande intégration.

Vassili Kouznetsov, chercheur à l’Institut d’études orientales de l’Académie russe des sciences, est convaincu que, « en face d’un Iran qui rassemble ses forces, ces monarchies sont prêtes à oublier beaucoup ». « Bien sûr, la situation dans la région du golfe Persique s’aggrave de plus en plus. Il y a deux puissances en concurrence : l’Arabie saoudite et l’Iran. Le Conseil de coopération a toujours été une organisation qui devait unir les monarchies du golfe Persique contre l’Iran. La menace est réelle et la lutte est assez sérieuse. Mais, d’un point de vue opérationnel, aucune des armées du Golfe ne peut rivaliser avec l’iranienne. Quel que soit leur équipement, les Iraniens se battront mieux. Toutefois, une action militaire entre ces pays est très peu probable pour plusieurs raisons, tout d’abord grâce au haut degré de pragmatisme des régimes iranien et saoudien. Je verrais plutôt la création d’une force commune comme un acte politique, positif pour les monarchies arabes elles-mêmes, montrant leur volonté de trouver un compromis, et non pas comme une réponse à un bouleversement dans le domaine de la sécurité.»

Il se peut que la création d’une force commune par les monarchies du golfe Persique soit une allusion aux Américains au fait que, pour Riyad, les États-Unis sont trop occupés à établir des relations avec l’Iran. Les États-Unis sont les seuls garants de la sécurité de l’Arabie saoudite dans la région. Quoi qu’il en soit, l’union militaire entre les monarchies du golfe Persique, dont les contours se font plus distincts, est potentiellement capable d’influer négativement sur la région, en contribuant à tendre l’axe de confrontation Riyad-Téhéran.

EODE / LM (Coordination) / 2015 03 19 /

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