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25 avril 2024

Liban/ Al Akhbar un journal face à l’Etat:saoudien « nous avons choisi la résistance »


Liban/ Al Akhbar un journal face à l’Etat:saoudien « nous avons choisi la résistance »

Par May Sammane, HuffPost Algérie, 08/04/2015

Des centaines de libanais se sont rassemblés cet après midi devant les bureaux du journal al Akhbar à Beyrouth en signe de solidarité avec le quotidien.
Avec un tirage de seulement 13 000 exemplaires, Al Akhbar, dont le site compte quotidiennement plus de 200 000 visiteurs par jour selon Alexa, dérange.
Son site web a été victime il y a deux jours d’une cyberattaque qui a bloqué l’accès aux lecteurs, mais ses problèmes ne s’arrêtent pas à ce niveau. L’Arabie saoudite par la voix de son ambassadeur, Ali Awad al Assiri, a proféré vendredi 03 avril des menaces directes contre le journal. Ali Awad Al Assiri a annoncé que le royaume wahhabite a décidé de déposer plainte contre le journal.
Dans un entretien au quotidien saoudien El Watan, le même diplomate a lancé qu’il « était temps de mettre un terme à al-Akhbar ». Cette déclaration, explique au Huffington Post Algérie, le directeur adjoint de la rédaction, Pierre Abi Saab, a été immédiatement suivie par un retrait de la majorité de nos annonceurs.
« Du jour au lendemain, plein d’annonceurs ont annulé leurs contrats de publicité. Et il y a eu cette cyberattaque du site à laquelle on était bien préparé ». Cet « embargo économique » est également suivi par une sorte d’interdit aux hommes politiques et à certains journalistes de traiter avec nous ».
La seule chose qu’appréhende le collectif d’Al Akhbar, au nombre de 200 personnes, ce sont les liquidations physiques. « On s’attend au pire. Les saoudiens ont déjà financé des attaques suicides au Liban et en Irak. On s’attend à des tentatives d’assassinat et des plasticages et autres voitures piégées ».
Le harcèlement judiciaire brandi par le diplomate saoudien n’impressionne pas le directeur de la rédaction adjoint d’Al Akhbar. « Le journal a l’habitude des procès y compris celui intenté par le TSL ( tribunal spécial pour le Liban) qui poursuit son cours ».
Sur les raisons de cette « cabale », Pierre Abi Saab préfère situer le lecteur algérien dans le contexte libanais, pour saisir les tenants et aboutissants de cette affaire.
« L’Arabie saoudite a tout fait pour acheter les médias libanais et les journalistes. Jamais avant le lancement d’ Al Akhbar en 2006, on n’avait lu une critique franche sur le royaume wahhabite dans la presse libanaise respectable, encore moins sur les ondes des radios ou les écrans de télévisions qui sont légions au Liban », explique-t-il.
« Al Akhbar a pour objectif de dénoncer les injustices et de défendre le progrès dans les pays arabes. Très vite dans les éditos de feu Joseph Samaha, le père fondateur disparu trop tôt, on pouvait lire des critiques directes et franches de ce régime théocratique autocratique, de cette monarchie qui exporte l’extrémisme dans nos pays et jusqu’à l’Occident car, il faut signaler, que l’islamisme radical qui a alimenté le terrorisme du 11 septembre à Charlie hebdo est made by KSA », dira Abi Saab.
Durant les premiers mois de la vie d’Al Akhbar, raconte le responsable de la rédaction, « nous avons été approchés directement et indirectement par l’ambassade saoudienne à Beyrouth qui a proposé toutes formes d’aide et de soutien au journal et a essuyé à chaque fois une fin de non recevoir ».
Les saoudiens, précise Abi Saab, n’en sont pas à leur première confrontation avec le journal. « En 2008 -2009, avant que notre site ne soit bloqué par les autorités saoudiennes, nous avions jusqu’à 12% de visite du royaume alors que nos lecteurs ne dépassaient pas les 5% en Syrie 4% aux Etats-Unis, 20% au Liban, 5% en Algérie et 15 à 18 % en Egypte ».
Quand aux raisons directes qui ont provoqué cette nouvelle « campagne », le directeur adjoint d’Al Akhbar, les résument en deux mots: « l’agression contre le Yémen ». Les « saoudiens ont considéré que la première priorité était de bâillonner les médias qui ont un ton critique, qui dénonceraient l’agression et prendraient fait et cause en soutenant le peuple yéménite ».
Dans ce sillage, il cite « le recul de la fameuse chaîne Al Jadeed qui du jour au lendemain a changé de politique et de vues sur la guerre du Yémen. « Des opprimés » contre « les agresseurs » on est passé « au barbares » contre » les défenseurs de la légalité » ! Ensuite, le fameux discours de Hassan Nasrallah les qualifiants  » de fainéants » et leur faisant porter  » la responsabilité de toutes les injustices que subi le Yémen » n’a fait qu’envenimer la situation.
Les premiers jours de l’agression, souligne Abi Saab, « la Une de Al Akhbar ainsi que les éditos et la couverture étaient douloureux pour le régime wahhabite et c’est à ce moment que l’ambassadeur Assiri a donné une interview à Al Watan saoudien où il s’attaquait ouvertement au journal ».
« Nous avons très bien compris le message. Le régime wahhabite a décide de faire pression sur les autorités libanaises pour obtenir la fermeture du journal », affirme Abi Saab.
Mais Al Akhbar ne mène-t-il pas une guerre par procuration avec son « allié » le Hezbollah et l’Iran par ricochet? Faux, répond le directeur de la rédaction adjoint d’Al Akhbar.
« Nous sommes victimes de campagne de calomnies et de diabolisation avec plein d’intox. Et cela marche avec la polarisation de l’opinion publique et le faux aspect confessionnel du conflit ».
Le clivage chiite-sunnite « est une supercherie, selon Abi Saab, « un désastre sur lequel l’Occident travaille en collaboration avec le Qatar et l’Arabie saoudite qui dépensent des milliards pour donner au conflit un aspect confessionnel ». « C’est un danger réel » estime Pierre Abi Saab.
« Encore une fois l’occupant et ses serviteurs brûlent tout autour d’eux sans se rendre compte que le feu va les avaler aussi » avant d’ajouter « le conflit est entre Israël et le « hezb » ( ndlr Hezbollah) a bien encadré Hamas, entraîné et fourni des armes sans regarder cette fausse dichotomie sunnite chiite ».
Quand à Al Akhbar, Abi Saab croit bon de rappeler quelques vérités: « Nous sommes un journal indépendant qui a choisi une ligne politique et éditoriale claire. Professionnalisme, transparence et autocritique. Défense des valeurs du progrès, de la justice, des droits du citoyen, de la femme, de la laïcité, et dénonciation de la corruption et des injustices. Nous avons fait le choix tout naturel de la Résistance. C’est dans ce sens que nous sommes aux côtés du Hezbollah, laïcs et de gauche que nous sommes ».
Il précise que le journal a « souvent épinglé le « hezb ». Je ne connais pas beaucoup de médias arabes qui ont rendu un vibrant hommage à des grandes figures comme Arkoun, Jabri, Abou zeid…. comme nous ».
Mais, » rappelons aussi que l’on ne choisit pas sa résistance. La réalité historique et sociopolitique du pays a fait que ce soit le Hezbollah et ils l’ont fait avec succès sur le plan du pluralisme libanais, pas une faute confessionnelle et Nasrallah a reconnu la finalité de l’Etat libanais »
Pour revenir aux « attaques saoudiennes », « l’ambassadeur a choisi la solution facile de dire que nous sommes les sbires de l’Iran, des journalistes payés pour calomnier ce royaume « in-critiquable » et parfait sur tous les plans », ironise Abi Saab. Ce dernier juge les positions d’Al Akhbar sur la question du Yemen, conformes à ses convictions  » contre la domination néo impérialiste ».
« Notre critique du royaume est tout naturellement et logiquement dans notre ligne éthique citoyenne panarabe de gauche ». « Nous en avons vu d’autres, nous sommes un journal de combat, né sous les bombes en pleine agression israélienne l’été 2006. Donc nous avons l’habitude des embargos, des pressions et des violences.
Le danger, la menace et l’arrogance nous boostent à fond ». Comment se défendra alors le journal doté de peu de moyens matériel contre ses attaques alors?
« Il n’y a rien à faire sinon poursuivre notre travail sereinement. C’est ce que nous savons faire le mieux ». Le combat va être rude, conclura Abi Saab, « pourvu qu’il n’y ait pas d’effusion de sang et même dans ce cas-ci nous sommes préparés ». Jusqu’où ira cette affaire d’un journal face à l’ Etat saoudien ?

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