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24 avril 2024

Espionnage : une plainte déposée contre la DGSE


liberation
Espionnage : une plainte déposée contre la DGSE

En «encadrant» les activités des services de renseignement, le gouvernement a fait un drôle d’aveu : les services secrets ont déjà recours à certaines pratiques, en toute illégalité. Deux associations, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH), n’ont pas attendu le projet de loi sur le renseignement pour les contester, y compris sur le terrain judiciaire. Selon les informations de Libération, elles ont déposé plainte au tribunal de grande instance de Paris le 26 décembre, pour dénoncer un espionnage illégal. Officiellement contre X, la plainte cible en premier lieu les activités de la DGSE, le service de renseignement extérieur français.

Mutualisation. Les associations de défense des droits humains lui reprochent notamment l’atteinte au secret des correspondances et «l’accès et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données», autrement dit du piratage informatique. En appui sont citées plusieurs révélations de la presse sur les activités de surveillance opérées par la DGSE. Le quotidien le Monde avait ainsi dévoilé, en juillet 2013, l’existence d’un «Big Brother à la française», «un système permettant aux services secrets français de collecter en masse et de manière systématique des signaux électromagnétiques émis par les téléphones et ordinateurs», écrivent les associations. Les données ainsi obtenues seraient ensuite transmises aux autres services de renseignement français. Voire, ce qui fait bondir la FIDH et la LDH, à la police judiciaire. En clair, les informations obtenues illégalement grâce aux moyens techniques de la DGSE seraient blanchis «sous la forme de renseignements anonymes» dans les procédures judiciaires. La mutualisation des informations obtenues illégalement ferait des autres services de renseignement des complices, plaident les associations. Au total, ce sont donc les six principaux services qui sont ciblés par la plainte. Une première en France.

Cette action en justice rejoint une précédente initiative des mêmes associations, qui vient elle aussi de connaître de nouveaux développements. En juillet 2013, elles avaient attaqué devant les juridictions françaises les programmes de surveillance massive de la NSA, l’agence de renseignement américaine dont les agissements ont été révélés par Edward Snowden. Mercredi, elles se sont constituées partie civile dans ce dossier. Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH, se dit «conscient des obstacles», mais se défend d’être un «rêveur» :«Nous savons bien qu’il n’y aura pas de perquisition à la NSA. Mais, juridiquement, la plainte est fondée : la NSA a agi en violation de la légalité internationale et des droits nationaux.»

Echanges. Signe du sérieux de la procédure, le parquet a ouvert une enquête préliminaire dès août 2013, poursuit-il. Des investigations ont déjà eu lieu, indique de son côté Emmanuel Daoud, également avocat à la FIDH. Le programme «Prism», qui permet à la NSA de piocher dans les données des géants d’Internet (Facebook, Yahoo, Gmail…), est particulièrement visé par les associations. «Ces entreprises ont des filiales en France, elles sont donc sujets de droit français», relève Me Daoud. En se constituant parties civiles, la FIDH et la LDH entendent donner un coup d’accélérateur à l’enquête, trop lente à leurs yeux. Dans les deux procédures apparaissent les échanges entre la NSA et la DGSE, documentées notamment par les révélations de Snowden. Le programme baptisé «Lustre» prévoit une coopération entre les deux agences en matière de surveillance. «Nous ne voulons pas accrocher des scalps judiciaires, dit Me Daoud, mais nous ne voulons pas vivre dans une boîte noire juridique.» Pour faire la lumière sur cette affaire, et «informer les citoyens sur la réalité des programmes de surveillance en France», les avocats espèrent que les responsables des services de renseignement français seront auditionnés par la justice, et poursuivis si nécessaire.

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