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24 avril 2024

Pour sauver le climat, faisons la grève de l’économie


Pour sauver le climat, faisons la grève de l’économie

11 avril 2015 / Michel Lepesant et Christian Sunt

Le changement climatique résulte d’une organisation sociale précise : le capitalisme productiviste, qui engloutit la société par et dans l’économie. Il faut cesser de ne s’attaquer qu’aux conséquences de l’économie productiviste, mais la saper à la base. Grève de l’économie !

Chacun peut constater que le climat est devenu le produit – ou plutôt le déchet – d’une organisation sociale : le capitalisme productiviste, c’est-à-dire un modèle industriel de production et de consommation qui induit des modes de vie appuyés presque exclusivement sur des énergies carbonées fossiles, et qui sont donc l’une des principales causes des dérèglements climatiques.

Cette organisation sociale se caractérise par l’engloutissement de la société par et dans l’économie. Cela signifie non seulement que toute la vie sociale est quasiment réduite à sa dimension économique mais aussi que c’est toute la chaîne économique qui s’attaque à tous les pans de la vie sociale : extraction à production à redistribution à consommation à déchets.

- Car en amont de la production, il y a l’extraction, c’est-à-dire une violence exercée contre la nature, réduite à n’être qu’un stock de « ressources ».

- Car en aval de la consommation, il y a les déchets que les fariboles de l’économie circulaire présentent aussi comme des « ressources », mais qui empoisonnent l’air, l’eau et les sols.

- Pas question, enfin, de croire qu’il suffirait d’une simple redistribution des « richesses » pour, comme par magie, rompre radicalement avec toute cette « économie » des gaspillages et des gâchis, écologiques, sociaux et bien évidemment démocratiques.

Ne pas s’attaquer seulement aux conséquences

Comment alors ne plus répéter ce qui a déjà échoué en ne s’attaquant qu’aux conséquences de l’économie productiviste ? Comment ne plus se contenter de toutes ces formes traditionnelles de contestation (pétitions, appels sans contenu… mais signés par des « personnalités ») qui, peu ou prou, en reviennent toujours à maintenir l’illusion que ce serait par une gouvernance mondiale ou par une prise préalable du pouvoir que les lendemains rechanteront.

D’ores et déjà, sans jouer au prophète de malheur, nous pouvons annoncer qu’il n’y aura pas d’accord historique à Paris en décembre 2015.

« C’est Laurence Tubiana, la représentante de la France dans les négociations qui l’affirme, essayant de tempérer les attentes par rapport à la prochaine conférence de l’ONU en décembre 2015 sur l’aéroport du Bourget : « A Paris, nous ne serons pas en capacité d’être dans un scénario de limitation du réchauffement à 2 °C ». Voilà qui est clair, lucide et fondé ». [1]

Du coup, tirant les leçons des ratés de Copenhague, une Coalition Climat 21 s’est mise en place, qui semble avoir compris qu’il ne s’agit pas de multiplier les coups (plus ou moins) médiatisés pour au contraire préférer une position d’acteur et de prescripteur plutôt que de spectateur. Fort bien ! Mais comment ?

Car d’un côté, les membres de cette coalition ne manquent pas de railler le texte final de Lima qui, en réalité, se contente de juxtaposer les propositions les plus contradictoires.

Mais d’un autre côté, en interne, c’est-à-dire en ce qui concerne les modalités d’actions propres à la Coalition, ils ne semblent pas vouloir procéder autrement : chaque membre de la coalition aura la « liberté » de mener ses propres initiatives.

Dans les deux cas, malheureusement, le même constat semble s’imposer : ne jamais entrer dans l’examen des points qui font clivage… faute de vouloir chercher un accord réel sur ce que devraient être des objectifs communs.

Imaginer une grève de l’économie

C’est donc d’un autre rapport de forces dont nous avons besoin et puisque c’est d’économie qu’il s’agit, il faut oser imaginer une Grève de l’économie. Pas moins ! Se « contenter » d’une grève de la production, ou de la consommation, ce serait répéter les fables du libéralisme qui prétendent « diviser » les chaînes de l’économie pour mieux nous y attacher.

- Les modalités d’action ne manqueront pas : arrêts de travail, réunions et débats dans les entreprises et les services publics, dans les établissements scolaires, boycott actif de la grande distribution et des fournisseurs d’énergie et des transporteurs, journées sans achat, sans déchets, extinction de l’éclairage public, actions antipublicité, mise en place de circuits courts et de gratuité.

- Les revendications ne manqueront pas, surtout si nous les articulons à des limitations démocratiquement choisies des énergies et des revenus. Pour entamer sans attendre la décroissance et repasser sous les plafonds de la soutenabilité écologique tout en assurant à chacun les moyens décents de son autonomie et de sa sobriété, il nous faudra de « belles revendications » formulées dans le cadre de l’espace écologique (pas de plancher sans plafond, et réciproquement).

Pas de revenu-plancher sans un plafonnement des revenus (et des patrimoines). Pas de limitation dans les productions d’énergie sans garantie, au plus près des territoires, d’une autonomie énergétique et de l’accès gratuit pour tous aux besoins essentiels.

Relocalisation de la production et de la distribution des biens et services, à travers des coopératives et régies publiques territoriales autogérées. Moratoire sur l’extraction des ressources, l’artificialisation des sols, et la destruction des écosystèmes et des modes de vie traditionnels.

Pour le Climat, Grève de l’économie !


[1Maxime Combes, Mediapart


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