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19 avril 2024

Yémen : comment Washington et Paris soutiennent l’Arabie saoudite


Yémen : comment Washington et Paris soutiennent l’Arabie saoudite

15/04/20156

Tarik Hassan

Outre la coalition arabe, plusieurs pays occidentaux prêtent main forte à l’offensive saoudienne contre les Houthis au Yémen. Washington fournirait une précieuse aide militaire opérationnelle et, à Paris, l’Elysée aurait donné l’ordre aux services de renseignement de soutenir Riyad par tous les moyens. Pour des raisons géopolitiques mais aussi commerciales.
Lire également : Nouvelle guerre à l’américaine au Yémen. Des officiers US jouent les « parrains » de la coalition sunnite et planifient les bombardements. (Canard Enchaîné)

L’Arabie saoudite a rallié à sa cause plus de dix pays arabes dans son offensive contre les Houthis au Yémen. Mais plus discrètement, plusieurs nations occidentales apportent leur soutien à l’action saoudienne. Lors d’une visite à Riyad mardi, le secrétaire d’État adjoint, Anthony Blinken, a ainsi annoncé que les Etats-Unis avaient « accéléré » la livraison d’armes à la coalition dirigée par les Saoudiens afin « d’envoyer un message fort aux Houthis et à leurs alliés qu’ils ne peuvent pas envahir le Yémen par la force ».

Les Américains ont également « accéléré » l’échange de renseignements avec la coalition et mis en place un centre de coordination des opérations militaires avec les Saoudiens. Mais la Maison Blanche nie toute implication supérieure à de la logistique et de l’échange de renseignements. Une version remise en cause par plusieurs médias.
Des officiers américains seraient directement chargés de planifier les raids de la coalition
Le Canard enchaîné cite ainsi un diplomate français qui estime que les « militaires américains supervisent cette guerre en tant qu’associés », expliquant par ailleurs que les opérations sont supervisés par le CentCom, qui pilote toutes les opérations américaines dans le Moyen-Orient et en Asie centrale. Des officiers américains seraient directement chargés de planifier les raids de la coalition.

Le Wall Street Journal va plus loin et affirme que « les planificateurs militaires américains utilisent tous les moyens de surveillance aériens dont ils disposent au-dessus du Yémen pour aider l’Arabie saoudite à choisir ses cibles ».

Des flux vidéos seraient notamment régulièrement fournis par des drones américains. Récemment, le ministère saoudien de la Défense a annoncé qu’une mission de recherche américaine avait permis de récupérer deux pilotes saoudiens et les Etats-Unis participeraient aussi à de nombreuses opérations de ravitaillement en vol des forces de la coalition.

Les Américains n’ont, en effet, jamais lâché le gouvernement de transition de Mansour Hadi et la prise de la capitale yéménite pas les Houthis a contraint Washington a fermé son ambassade et obligé la CIA à réduire fortement la présence de ses agents sur place. Selon le Washington Post, plus de 200 officiers supérieurs « qui travaillaient en étroite collaboration avec les services de sécurité du Yémen dans la lutte contre Al-Qaïda » ont quitté le pays.

La coopération antiterroriste entre les Etats-Unis et le Yémen a longtemps été présenté comme un modèle du genre par le président Obama. Les Etats-Unis font la guerre aux groupes djihadistes sur le sol yéménite à grand renfort de tirs de drones Predator. Si les listes quasi-quotidiennement diffusées des membres d’AQPA (Al-Quaïda dans la péninsule arabique) éliminés peuvent paraître effectivement impressionnantes, difficile d’affirmer que la stratégie mise en œuvre par Washington a fait reculer Al-Qaida au Yémen. L’organisation n’a, au contraire, cessé de se renforcer au Yémen gagnant régulièrement des territoires et c’est désormais l’État islamique qui s’est implanté dans le pays, en espérant bien prospérer sur le chaos yéménite.
L’Elysée a donné l’ordre aux services de renseignement de soutenir l’offensive de Riyad
Une coopération qui s’explique par des raisons stratégiques selon Joseph Henrotin, chargé de recherche au Centre d’analyse et prévention des risques internationaux (CAPRI) : « Tout le monde voit bien le danger représentée par l’Etat islamique d’autant qu’il n’y a plus d’Etat yéménite. C’est un énorme territoire qui s’est effondré et si les Houthis contrôlent certaines zones, ils s’intéressent surtout à leurs territoires traditionnels. Le reste peut très vite tombé aux mains d’AQPA ou de l’État islamique. Le risque réel est que l’État islamique finisse par tenir le détroit de Bab El Membed qui est un détroit stratégique car c’est la porte d’entrée vers le Canal de Suez et pour nous, en face, il y a Djibouti. Et l’Europe est beaucoup plus dépendante du Golfe persique en matière d’approvisionnements pétroliers que ne le sont les Américains. Le jour où l’État islamique possède ce détroit, il faut envoyer des troupes au sol au Yémen. Et le Yémen n’est pas un terrain facile. Tout cela peut largement expliquer que la France fournisse des renseignements à l’Arabie saoudite »

Si la France fournit des images aux Saoudiens, c’est qu’elle espère vendre ses satellites d’observations

Mais Paris entend aussi faire de ces jolies « photos » satellites une vitrine commerciale « pour des satellites qu’ils espèrent vendre depuis plusieurs mois à l’état-major saoudien » précise encore Intelligence onine.

Hasard — ou pas — du calendrier, Fabius est attendu à Riyad demain, dimanche 12 avril, avec pour objectif de pousser de grands projets de fonds d’investissements franco-saoudiens et faire avancer un accord sur la coopération nucléaire. Tout auréolé de sa fermeté sans faille dans les négociations sur l’Iran, Fabius espère bien revenir avec quelques bonnes nouvelles.

En mai, c’est surtout le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui devrait se rendre dans la capitale saoudienne pour faire avancer « la vente d’un satellite d’observation négocié dans le plus grand secret depuis plusieurs mois » avance encore Intelligence online. De quoi justement expliquer la quantité et la qualité des images issues des satellites français d’observation Pléiades et Helios transmises par la DRM alors que les photographies des satellites américains arrivent toujours « dégradées », ce qui a le don d’énerver les Saoudiens.

Rien que de plus normal chez les Américains selon Joseph Henrotin : « au niveau satellitaire, les Américains ont toujours fonctionné ainsi — même avec la France. Je comprends que ça puisse énerver les Saoudiens, mais il n’y a rien de neuf. Il faut savoir qu’un des satellites de reconnaissance américains (KH 12) a la taille d’un bus, comme Hubble, et qui a une puissance extrêmement importante en matière de résolution. C’est un véritable avantage pour eux. Et quand vous donnez des images satellites, vous pouvez en déduire beaucoup de choses sur la capacité du système lui-même. Donc si la France donne de très belles images, c’est surtout parce qu’on espère vendre nos satellites d’observation dans la région ». Il y a aussi des conflits qui peuvent rapporter gros…

Photo de Tarik Hassan.
  • Ginette Hess Skandrani
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