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27 avril 2024

Un camp de « réfugiés » en plein Paris : officiellement, il n’existe pas


Un camp de « réfugiés » en plein Paris : officiellement, il n’existe pas
Les associations qui fournissent ces abris de fortune et un minimum de nourriture quotidienne aux « campeurs » de la Chapelle assurent qu’ils sont érythréens, soudanais et éthiopiens. Passés par la Libye.

C’est un quartier interlope du nord de Paris, un coin que peu de gens – sauf quelques touristes abusés par les prix bas – choisissent pour la promenade. C’est le quartier de la Chapelle, sur le boulevard de la Chapelle itou, entre le métro du même nom et le « marché aux voleurs » (c’est son nom officiel) de la station Barbès-Rochechouart.

Là, juste sous le métro aérien, dans des espaces encadrés de grillages censés servir de terrains de foot aux gamins des cités alentour, se trouve un véritable camp de réfugiés. Des centaines de tentes, à touche-touche, et autant de malheureux au regard perdu. Passant là par hasard, j’ai cru qu’on y avait parqué ceux qui depuis des années squattaient les jardins et même les ronds-points herbeux autour des gares de l’Est et du Nord. Irakiens, Afghans, Tchétchènes aussi, entre lesquels éclataient régulièrement des bagarres pour un coin d’herbe. Accrochés dans les arbres, les baluchons qui renfermaient leurs trésors faisaient d’étranges guirlandes aux arbres du boulevard Magenta… et puis un jour, ils ont disparu. Les Roms les ont aujourd’hui remplacés autour du marché Saint-Quentin.

Les associations qui fournissent ces abris de fortune et un minimum de nourriture quotidienne aux « campeurs » de la Chapelle assurent qu’ils sont érythréens, soudanais et éthiopiens. Passés par la Libye. Des survivants de la Méditerranée échoués à Lampedusa. Mis dans un train en direction du nord. Ils sont là en transit, espérant remonter vers l’eldorado britannique. Demain, dans un mois, dans un an, ils seront dans « la jungle » à Calais.

Combien sont-ils dans ce camp de réfugiés pire qu’un parc à bestiaux ? Personne ne sait, et surtout pas la préfecture de police pour qui ce lieu n’existe simplement pas. Un article de Métro, en décembre dernier, rapportait : « La préfecture de police explique laconiquement se borner à une chose : “éviter la création d’un campement” du type Sangatte, dans le Pas-de-Calais. » Alors « une fois par semaine, les services de propreté de la ville font un nettoyage complet de l’espace ». Vu l’état actuel, ils n’ont pas dû passer depuis un moment ! Et puis, suprême hypocrisie, la police réalise « des contrôles d’identité qui se soldent souvent par des remises d’OQTF : des obligations de quitter le territoire français ». Évidemment nullement suivies d’effet car on se demande bien comment et avec quoi – sauf à embarquer clandestinement dans le Thalys ou l’Eurostar qui circulent en dessous de leur campement, ce qu’ils font sans doute – les malheureux entassés là pourraient reprendre leur errance.

À en croire, là encore, les bénévoles d’Emmaüs qui maraudent dans le quartier pour leur apporter des informations sur leurs possibilités de séjour en France, la très grande majorité d’entre eux ne demandent même pas l’asile chez nous. La France ne les tente pas. Ils n’y sont que des zombies de passage… de plus en plus nombreux.

Alors, au lieu de palabrer à n’en plus finir, nos dirigeants devraient sortir un peu de leurs palais. Ils verraient peut-être qu’au-delà de ce camp formellement constitué, des centaines de matelas sortent des encoignures à la nuit tombée : quand la « Ville Lumière » éteint ses feux, certains quartiers de Paris se transforment véritablement en dortoirs à ciel ouvert.

Va-t-on feindre de l’ignorer encore longtemps ?

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