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19 avril 2024

Méditerranée, le cimetière des illusions


Méditerranée, le cimetière des illusions

par Paul Air – mercredi 22 avril 2015

La Méditerranée est désormais le théâtre de drames quasi quotidiens, coûtant la vie à un nombre croissant de migrants tentant de rejoindre les côtes européennes. Jadis berceau de multiples civilisations, elle devient un gigantesque cimetière aquatique pour des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants partis à la recherche d’une vie meilleure. Un cimetière qui risque fort d’engloutir aussi les dernières illusions d’unité européenne face à des flux migratoires devenant incontrôlables.

Elle est « la mer entre les terres », une mer nourricière et bienfaitrice dont la richesse n’a d’égale que la beauté. Lien séculaire entre les peuples, symbole de la créativité des Hommes et de la générosité de la nature. « Dans tous les coins on se croirait au Paradis, près d’une mer toujours plus bleue, toujours plus belle », chantait Tino Rossi…

Berceau des civilisations les plus brillantes et des religions monothéistes, cette mer miraculeuse est en train de devenir un gigantesque cimetière, engloutissant un nombre croissant d’hommes, de femmes et d’enfants qui tentent de rejoindre les côtes européennes à la recherche d’une vie meilleure. Les drames se multiplient et se succèdent désormais quasi quotidiennement. Dimanche 19 avril, le chavirement d’un chalutier parti des côtes libyennes a coûté la vie à plus de 700 migrants – sans doute la pire hécatombe jamais vue en Méditerranée. La semaine précédente, quelque 450 personnes étaient déjà mortes dans des accidents similaires, selon les autorités italiennes. Le lendemain lundi 20 avril, un nouveau bateau chargé de migrants faisait naufrage au large de l’île grecque de Rhodes, et plusieurs autres embarcations transportant plusieurs centaines de personnes étaient en difficulté dans les eaux internationales au large de la Lybie.

La route la plus mortelle du monde

Les naufrages de migrants en Méditerranée ne sont pas nouveaux, ils se sont multipliés au cours de dernières années au large des côtes grecques, maltaises mais surtout italiennes, et dans les eaux internationales qui y mènent. Les drames sont néanmoins de plus en plus fréquents et de plus en plus meurtriers. D’après le Haut commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR), 1 600 personnes sont mortes en tentant de rejoindre l’Europe depuis le début de l’année, contre 96 lors des premiers mois de l’année précédente. En 2015, un migrant meurt toutes les deux heures en moyenne en Méditerranée, et l’amélioration des conditions météorologiques fait craindre une accélération dans les semaines et les mois qui viennent. Au moins 3 300 migrants avaient déjà trouvé la mort en tentant la traversée au cours de l’année 2014, quatre fois plus qu’en 2013, six fois plus qu’en 2012, et le double de 2011 – l’année des « printemps arabes ». La Méditerranée, selon les termes du HCR, est devenue « la route la plus mortelle du monde ».

En première ligne face à l’afflux de migrants et à la multiplication des naufrages, les garde-côtes italiens multiplient les sorties pour tenter de secourir les bateaux en perdition, mais en sont de plus en plus souvent réduits à repêcher les cadavres. Les autorités italiennes semblent dépassées par un phénomène qui s’accélère, et dénoncent l’absence de solidarité de leurs partenaires européens. Frontex, l’agence de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne (UE) a certes mis en place depuis novembre 2014 une mission de surveillance des côtes appelée « Triton », mais le sauvetage reste du ressort de chaque État membre. Afin d’éviter les naufrages meurtriers, l’Italie avait lancé en octobre 2013 une vaste opération militaro-humanitaire baptisée « Mare Nostrum », destinée à surveiller la Méditerranée vingt-quatre heures sur vingt-quatre et à secourir les embarcations en détresse. Mare Nostrum a selon la marine italienne permis de secourir au moins 150 000 personnes entre octobre 2013 et octobre 2014, soit plus de 400 par jour en moyenne, mais aussi d’arrêter 351 passeurs. Elle a toutefois été critiquée par certains partenaires européens de l’Italie pour avoir constitué un « appel d’air » contribuant à augmenter le flot de migrants. D’après l’agence Frontex, 274 333 personnes sont entrées clandestinement dans les pays de l’UE en 2014, soit 60% de plus qu’en 2013. 170 757 d’entre eux on transité par la Méditerranée centrale, via l’Italie, en provenance de la Libye et des pays de la Corne de l’Afrique, du Niger, du Sahel et de l’Afrique sub-saharienne. Qualifiée par l’Allemagne de « pont vers l’Europe », Mare Nostrum a été abandonnée fin 2014. L’appel d’air n’a cependant pas cessé, rien ne semblant décourager des migrants de plus en plus nombreux de tenter la traversée, et le droit de la mer imposant toujours à ceux qui le peuvent d’intervenir pour porter secours aux navires en détresse.

L’Italie reste donc en première ligne, d’autant que, en vertu des accords dits « de Dublin II », la prise en charge des migrants et des demandeurs d’asile dans l’UE incombe au pays d’entrée, à qui il revient de prendre en charge les arrivants, de traiter les demandes d’asile et d’assumer le renvoi des migrants dont la demande a été rejetée. Une grande majorité d’Etats membres refuse catégoriquement de modifier ce système, qui leur permet de laisser à l’Italie et aux autres pays méditerranéens la charge d’un nombre sans cesse croissant de migrants qui pourtant souhaitent quasiment tous poursuivre leur voyage vers l’Europe du Nord. La mission s’avère cependant de plus en plus impossible pour l’Italie ou encore la Grèce, qui en dépit des règles Dublin II laissent discrètement une partie du flot s’écouler vers le nord. L’Europe fait donc preuve depuis des années de léthargie coupable, voire même d’hypocrisie, la plupart des Etats membres préférant fermer les yeux sur un problème qu’ils ne savent pas résoudre. L’opération Triton supervisée par l’agence Frontex reste ainsi largement sous-dimensionnée et manque cruellement de moyens.

Mesures d’urgence

La multiplication des drames au cours des derniers jours, et surtout leur retentissement médiatique, rendent cependant l’inaction impossible. Le gouvernement italien presse l’Europe de sortir de l’hypocrisie et d’agir rapidement. Un sommet extraordinaire des dirigeants de l’UE se tiendra jeudi 23 avril à Bruxelles, qui étudiera une série de dix propositions d’actions présentées le lundi 20 avril par la Commission européenne pour lutter contre le trafic de migrants et empêcher les candidats à l’immigration de risquer leur vie en traversant la Méditerranée.

On va donc probablement rapidement prendre quelques mesures destinées à soulager la charge de l’Italie, en lui fournissant une assistance pour le traitement des demandes d’asile, en tentant de mieux répartir les réfugiés vers d’autres Etats membres, et en l’aidant à renvoyer plus rapidement les migrants non autorisés à rester. On va probablement également renforcer les moyens financiers et matériels alloués aux opérations de contrôle conduites par l’agence Frontex. Actuellement limitées aux eaux territoriales des pays européens, leur champ d’action sera probablement élargi vers la Libye, d’où partent désormais la grande majorité – 60% environ – des migrants. De nouveaux moyens navals et aériens seront mobilisés pour patrouiller les côtes européennes, tenter de stopper les embarcations de migrants ou bien mener les opérations de sauvetage.

Toutefois, « ce n’est pas avec dix bateaux de plus ou de moins » que l’on réglera quoi que ce soit, a indiqué le premier ministre italien Matteo Renzi, pour qui le problème n’est pas celui du contrôle des mers, mais la mise hors d’état de nuire des passeurs qui affrètent les embarcations de migrants. Ces nouveaux « esclavagistes » ont notamment profité de l’effondrement de la Lybie, dont des pans entiers sont tenus par des milices et même désormais par l’organisation terroriste « Etat Islamique » (EI). L’EI participe d’ailleurs activement à ce trafic, non seulement en poussant à la fuite une partie des populations des territoires qu’elle conquiert, mais aussi en favorisant les passages vers l’Europe. En février dernier l’EI avait ainsi menacé d’envoyer 500 000 migrants en Europe afin de créer le « chaos » en Méditerranée et d’empêcher toute tentative d’intervention armée en Lybie. Les migrants sont utilisés comme « arme psychologique » contre l’Europe, et beaucoup d’observateurs craignent d’ailleurs l’arrivée de terroristes infiltrés parmi les réfugiés. Les passages de migrants via la Libye ont augmenté de 50% au cours des trois derniers mois, et d’après les services de renseignements italiens entre 800 000 et 1 million de migrants conflueraient vers la Libye ou seraient déjà dans le pays pour tenter de s’embarquer vers l’Europe.

L’UE entend donc s’attaquer aux trafiquants en procédant à la confiscation et la destruction des embarcations utilisées pour transporter les migrants. Elle va également développer des coopérations avec les pays voisins de la Libye pour bloquer les routes utilisées par les migrants. La présence européenne devrait notamment être renforcée au Niger, qui est un des principaux pays de passage vers la Lybie.

Responsable et coupable

Les autorités italiennes et européennes espèrent qu’une lutte plus active contre les passeurs et trafiquants permettra de réduire le flot des arrivées. Malgré les déclarations officielles, elles savent toutefois qu’il ne s’agit pas là de la véritable source du problème. Les passeurs, aussi abjects soient leurs agissements criminels, exploitent la misère humaine plus qu’ils ne la créent. Leur trafic favorise les passages vers l’Europe, mais n’explique pas que des masses sans cesse plus considérables d’hommes, de femmes et d’enfants en provenance d’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Asie soient prêts à tout risquer, même leur vie, pour tenter d’atteindre l’Europe. Les causes sont plus profondes et sont liées, entend-on souvent, à la pauvreté qui règne dans les pays d’origine, et surtout aux conflits violents qui s’y multiplient. L’occident, et en particulier l’Europe, portent une grande part de responsabilité dans cette situation. En perpétuant une prédation des ressources naturelles de nombreux pays du sud, en soutenant de nombreux régimes despotiques et corrompus, ou encore en procédant à des ingérences répétées et à des interventions militaires destructrices aux motifs souvent fallacieux, les nations occidentales ont semé les germes des troubles qui poussent aujourd’hui les migrants à prendre la mer.

Pour de nombreux observateurs, l’Europe est donc largement responsable des tragédies à répétition en Méditerranée. Elle est également coupable de ne pas en assumer les conséquences, elle qui semble surtout préoccupée de se protéger des flux migratoires. « L’Europe tourne le dos à certains des migrants les plus vulnérables dans le monde, et risque de transformer la Méditerranée en un vaste cimetière », a ainsi dénoncé le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, le prince jordanien Zeid Ra’ad al-Hussein, Pointant « un manque immense de compassion », le prince a notamment critiqué le manque de voies légales mises en place pour les migrants et les demandeurs d’asile. Pour éviter la multiplication des drames, l’Europe devrait donc se montrer plus généreuse en ouvrant plus grand ses portes aux migrants et réfugiés. Le directeur adjoint de Frontex Gil Arias suggère ainsi d’envisager l’ouverture de « nouvelles voies d’immigration légale, surtout pour les personnes fuyant les guerres ».

Ouvrir les vannes ?

Il faudrait cependant être bien naïf pour penser que les pays européens puissent soudainement décider de devenir plus accueillants. Tout d’abord parce que leurs systèmes d’accueil des réfugiés sont déjà bien souvent saturés. En 2014, les demandes d’asile dans l’UE ont atteint le nombre record de 625 000, soit 191 000 personnes de plus en un an (+ 44%). La charge est de plus très inégalement répartie, environ 2/3 de l’ensemble des demandes acceptées l’an dernier l’ayant été par seulement quatre pays : Allemagne, France, Italie, et Suède. L’Allemagne, qui reçoit à elle seule plus de 32% de l’ensemble des requêtes, est confrontée à un afflux sans précédent qu’elle a de plus en plus de mal à gérer (plus de 200 000 demandes en 2014, soit une augmentation de 60% par rapport à 2013, et au moins 300 000 attendues cette année). La France arrive loin derrière, ayant reçu un peu plus de 62 000 demandes en 2014 – en baisse de 5% par rapport à l’année précédente. La France accorde également beaucoup moins de réponses positives que l’Allemagne (21 % contre 41%). Malgré cette apparente « fermeture », la politique d’asile française n’en est pas moins « au bord de l’embolie », selon un récent rapport de la Cour des comptes, qui indique que « la politique d’asile est devenue la principale source d’arrivée d’immigrants clandestins en France ». Le coût de cette politique aurait augmenté de 60% en cinq ans et s’élèverait à 2 milliards d’euros par an, soit le double des estimations publiées jusqu’alors. Un coût qui n’est « pas soutenable à court terme », dit le document.

Au delà de la politique d’asile, il est peu probable que les pays européens ouvrent plus grand les portes de l’immigration légale. Confrontées à une crise économique qui s’éternise, pour beaucoup d’entre elles à un chômage de masse et à une paupérisation de leurs classes populaires et moyennes, victimes de désindustrialisation et obligées de recourir à un endettement public et privé de plus en plus massif pour maintenir leur semblant de prospérité, les nations européennes vieillissantes n’ont ni la possibilité ni l’intention de se montrer plus accueillantes. Au-delà des débats liés aux coûts et bénéfices économiques supposés de l’immigration, il existe une perception grandissante au sein des peuples et même de leurs élites dirigeantes que les capacités d’absorption économiques et culturelles des sociétés européennes sont désormais réduites, ou bien qu’il est risqué de vouloir tester leurs limites. C’est particulièrement le cas dans un pays comme la France, qui éprouve des difficultés considérables pour assumer une diversification de peuplement qui s’est opérée de manière à la fois massive et rapide au cours des dernières décennies, dont le tissu économique et social s’approche dangereusement de la rupture, et où l’extrême droite ne cesse de progresser.

Dépassements dangereux

Il est donc parfaitement illusoire de croire, comme semblent le faire certains aujourd’hui, que les dirigeants européens puissent ouvrir les vannes de l’immigration. Car ces dirigeants savent bien qu’au-delà des agissements criminels des passeurs, derrière même les ravages de la pauvreté et des conflits armés, le véritable problème qui pousse les migrants à la mer est le dépassement manifeste de la « capacité porteuse » (ou « capacité de charge ») des écosystèmes de la plupart des pays de départ.

Ce terme désigne la taille maximale stable de la population qu’un milieu ou un système donné peut supporter de manière durable. Dans la plupart des pays d’Afrique, du Moyen-Orient ou de l’Asie du Sud-Ouest, la civilisation industrielle a apporté une amélioration des conditions sanitaires suffisante pour que la population augmente de manière extrêmement rapide au cours des dernières décennies. Toutefois, aucune industrialisation véritable ne s’y est enclenchée, qui aurait pu permettre d’augmenter la capacité de charge de ces contrées. La population y dépasse donc désormais généralement la capacité des économies locales à fournir des moyens de subsistance à chacun, et même de plus en plus à nourrir les habitants. Souvent arides et parfois désertiques, les pays de la zone affichent une dépendance croissante à l’égard des aides ou des marchés extérieurs pour leur alimentation, y compris parfois pour des denrées qui constituent la base de leur diète traditionnelle. Cette dépendance creuse les déficits commerciaux mais aussi publics, du fait de l’existence de systèmes de subventions destinés à maintenir le prix des aliments compatibles avec les revenus des classes populaires. Elle génère une insécurité alimentaire persistante, que viennent exacerber l’épuisement des ressources en eau, les effets du changement climatique, la dégradation des sols, une pression foncière accrue, et surtout l’augmentation continue de la population. Les recettes tirées des exportations de ressources naturelles – notamment pétrolières et gazières – vers les pays industrialisés et émergents ont souvent servi à compenser les déficits publics et commerciaux, ainsi qu’à bâtir un cadre étatique autoritaire et des capacités financières permettant de maintenir tant bien que mal la paix civile et sociale. Mais l’épuisement progressif de ces ressources rend de plus en plus difficile de « contenir » ou contenter des populations qui continuent d’augmenter. Dans certains cas, les structures étatiques s’effondrent et laissent les sociétés en proie à la violence et au chaos.

Le dépassement de la capacité porteuse, que l’on appelle « overshoot » en anglais, est une notion difficile à mesurer. L’organisation « Population Matters », basée au Royaume-Uni, publie chaque année un « indice de dépassement » (overshoot index) qui compare pour différents pays la consommation par personne avec la « biocapacité » par tête (c’est-à-dire la capacité à produire une offre continue en ressources renouvelables et à absorber les déchets découlant de leur consommation). Bien qu’imparfaite et indicative, cette méthode permet d’évaluer la capacité des pays à supporter leurs populations sur la base de leurs propres ressources renouvelables, et à comparer cette capacité entre différents pays et régions du monde. La dernière édition en date de l’indice de dépassement, publiée début avril 2015 et qui couvre 149 pays, montre bien que les niveaux de dépassement de la capacité porteuse sont extrêmes dans certains des pays de départ des migrants qui tentent aujourd’hui de rejoindre l’Europe par la Méditerranée. La « biocapacité » de la Lybie, par exemple, lui permettrait de soutenir de manière durable seulement 14% de sa population actuelle (6,3 millions d’habitants). Les taux de dépassement sont également très élevés dans la plupart des pays du Moyen-Orient. L’Afrique ne semble pas encore, dans son ensemble, en situation de dépassement, mais elle pourrait rapidement y entrer du fait de sa croissance démographique extrêmement rapide. On estime en effet que la population africaine, qui compte actuellement 1,2 milliard d’habitants, doublera d’ici le milieu du siècle et atteindra 4,2 milliards d’ici 2100. Un quart de la population mondiale serait africaine en 2050, et jusqu’à un tiers en 2100. En l’absence d’industrialisation massive, la capacité de charge de la plupart des pays africains sera rapidement et largement dépassée.

Un excès de population résultant d’un dépassement de la capacité porteuse d’un écosystème n’est pas soutenable à long terme. Et comme tout ce qui n’est pas soutenable, il ne peut être soutenu. L’excès doit donc être supprimé ou réduit, d’une manière ou d’une autre. Une manière, justement, est l’émigration ; l’autre est généralement la mort, résultant des violences ou de la famine. Le choix des migrants qui tentent de traverser la Méditerranée est bel et bien un choix entre l’Europe ou la mort, et il ne faut donc pas s’étonner qu’un nombre croissant d’hommes et de femmes soient prêts s’embarquer au péril de leur vie.

Les dirigeants européens le savent pertinemment, tout comme ils savent que fermer les frontières « n’arrête pas un migrant prêt à risquer sa vie » et que les côtes méditerranéennes de l’UE ne peuvent être rendues hermétiques. Il n’ont pourtant pas d’autre choix que de tenter de contenir le flot, qu’ils savent être destiné à grandir au fur et à mesure que le dépassement de la capacité porteuse des pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie s’accroitra. Ils ont d’autant moins le choix qu’ils perçoivent que la capacité d’absorption culturelle et politique de la plupart des sociétés européennes est désormais limitée, mais aussi pour les plus clairvoyants d’entre eux que leur capacité d’absorption économique est appelée à se réduire en raison d’une croissance durablement anémiée.

Au-delà des mesures d’urgence qui pourraient être prises dans les prochains jours ou les prochaines semaines, il y donc fort à parier que les pays européens vont avant tout chercher à empêcher par tous les moyens possibles les migrants d’atteindre leurs territoires. Ils le feront ensemble si possible ; séparément, plus probablement, tant l’accroissement de la pression migratoire devrait mettre à l’épreuve la « solidarité » entre les Etats membres, favorisant les tentations du repli et de l’action unilatérale. Dans le domaine de l’immigration comme dans bien d’autres domaines, les dernières illusions d’unité européenne sont sans doute en train de sombrer.

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