Vers un nouveau monde bipolaire sionisme/antisionisme ?
20 mai 2015
E & R jeudi 14 mai 2015
Avant c’était les Soviétiques contre les Américains, le communisme contre le capitalisme, un conflit qui a dissocié le monde pendant 70 ans. Aujourd’hui, la bipolarité n’a pas disparu, mais semble avoir muté en un affrontement entre les pro et les antisionistes. Peut-on reformuler une géopolitique contemporaine sur cette base ?
Un traité d’amitié forgé par les liens du sang
En d’autres termes, quelle est la puissance réelle du sionisme, et celle de sa résistance, baptisée antisionisme ?
Si l’on s’en réfère à la politique extérieure américaine, qui va globalement et en toute transparence dans le sens des intérêts israéliens depuis 40 ans (1973 et la guerre du Kippour, où les États-Unis ont littéralement sauvé Israël), et la faible politique extérieure européenne, qui ne s’oppose pas au Grand Israël, malgré un soutien financier à l’Autorité palestinienne (245 millions d’euros au titre de l’Union, plus 250 millions d’euros de contributions individuelles des pays de l’Union… une aide conditionnée par la reconnaissance de l’État d’Israël par le Hamas, qui devra en outre renoncer à toute violence), sans oublier la ferveur sioniste britannique, on peut affirmer que le monde occidental a pris fait et cause pour le sionisme.
Par intérêt, déterminisme historique (incluant le déterminisme démographique), ou crainte ?
Les racines très européennes et forcément sionistes du (re)peuplement d’Israël depuis les années 30, le robinet humain et financier des diasporas européennes d’est en ouest, l’appui de dirigeants occidentaux pro-sionistes, ainsi que les contributions de juifs de poids (Rothschild, Bronfman), ont évidemment lié le destin des juifs d’Israël à leurs racines européennes. Mais cela n’explique pas les décisions prises par certains hommes politiques occidentaux, qui vont dans le sens des intérêts d’Israël, parfois au mépris de leurs propres intérêts nationaux. Le déterminisme personnel primant alors sur le déterminisme national.
Sarko l’Américain
Si c’est par intérêt, cette prise de position rentre en conflit avec le besoin de bonnes relations diplomatiques avec les pays producteurs de pétrole (acheteurs d’armes occidentales), en majorité arabes, donc pas forcément sionistes, tous les pays arabes n’étant pas forcément antisionistes. Cela explique le double jeu américain, dont l’économie a d’un côté absolument besoin du pétrole arabe, et du marché arabe pour écouler ses armes en surproduction ou dépassées, tout en protégeant de l’autre côté Israël des mesures de rétorsion internationales pour ses nombreuses et permanentes violations territoriales, militaires (grâce au concept de « guerre préventive ») ou civiles (colonisation).
Si c’est par crainte, comment ce petit pays, camp occidentaliste avancé et retranché en territoire hostile, peut-il mener par le bout du nez les hyperpuissances américaine et européenne ? Les attentats ciblés ou les pressions psychologiques du Mossad ne pouvant à eux seuls forger cette influence. La puissance financière internationale, entre la City, Wall Street et les paradis fiscaux, a-t-elle une patrie ? Que pèsent les Rothschild et leurs descendants ? Où réside la force sioniste ? Pourquoi les pouvoirs publics français se couchent-ils devant elle depuis 30 ans ? Pourquoi les médias sont-ils prosionistes à 95 % ? Pourquoi Hollande a-t-il cédé à Netanyahu lors de la dernière guerre de Gaza (juillet 2014) ? Pourquoi et comment le très propalestinien (???) Valls s’est-il mué en farouche défenseur d’Israël ? Pourquoi ne peut-on parler de cette realpolitik sans risque ?
Hollande l’Israélien
La première fracture, qui naît juste après la bipolarité ouverte américano-soviétique de 1945 (celle de 1917 n’était encore que politique), est celle de la création de l’État d’Israël en 1948, avec les guerres arabes qui en découlent. Il n’y a pas eu une décennie sans guerre entre Israéliens et leurs voisins, plus ou moins proches, depuis 70 ans. Guerre secrète ou guerre ouverte. Si les Israéliens ont pu calmer le jeu sur plusieurs fronts, avec la Jordanie depuis les années 60 (le roi Hussein étant proche du futur numéro un du Mossad, Ephraim Halevy, qui prendra soin de le prévenir à chaque tentative d’attentat, suite au septembre noir des Palestiniens en 1970) et l’Égypte en 1976, c’est surtout le conflit irano-irakien de 1979-1989, l’écrasement de l’Irak en deux fois (1991 et 2003), et donc l’affaiblissement des grands nationalismes voisins qui ont conforté la puissance israélienne.
Cependant, l’Iran, depuis le début des années 90, malgré la saignée de la guerre contre l’Irak, une agression internationale en réalité, comme il en arrive toujours quand un pays sort de la sphère américaine, finance le Hezbollah, milice libanaise chiite devenue la première armée de résistance face à Israël. Surtout depuis que la Syrie est occupée avec sa guerre civile, qui camoufle une agression « internationale », mue par des intérêts israélo-américains. Les Américains avaient-ils prévu que l’effondrement de l’Irak allait mécaniquement conforter l’Iran en nouvelle puissance régionale, malgré le fait qu’Israël possède l’arme nucléaire ? D’ailleurs, à quoi sert l’arsenal nucléaire israélien ?
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad à David Pujadas, lors d’un entretien à Téhéran, diffusé partiellement dans le 20 Heures de France 2 le 22 mars 2007
Le 6 octobre 1973, ne croyant pas à une invasion des armées égyptienne et syrienne, qui attaquent conjointement dans le Sinaï et le Golan le jour du Kippour (le jeûne), Israël est à deux doigts de passer l’arme à gauche. Kissinger, au début du conflit, refuse d’intervenir, car il pense que les Arabes finiront par être contenus, puis battus. Une prise de position ouvertement et militairement anti-arabe serait d’ailleurs contreproductive pour la diplomatie américaine. Mais la tournure des évènements ne lui donne pas raison : les défenses israéliennes (la ligne Bar-Lev) sont enfoncées, son aviation est inefficace devant les batteries de missiles sol-air égyptiennes de fabrication russe, et le ministre de la Défense Moshe Dayan évoque une « troisième destruction du temple », c’est-à-dire, ni plus ni moins, la fin d’Israël. Le 7 octobre 1973 à 14h50, Moshe Dayan, lors d’une réunion avec les plus hautes autorités du pays, délivre son sentiment : « Les Arabes se battent mieux qu’avant… Ils veulent conquérir Eretz Israel, en finir avec les juifs. » Cependant, là où les Israéliens voient un anéantissement possible du pays, Sadate ne pense qu’à une guerre éclair pour récupérer les territoires perdus en 1967.
Voici la version du site Ciel de Gloire :
Prudent, le roi Hussein de Jordanie pactisera toujours avec la puissance régionale, que ce soit l’Irak, comme ici en 1987, ou Israël. Ce qui n’empêchera pas les défenses antiaériennes de tirer sur les avions israéliens qui survolaient le nord de la Jordanie en 1973 pour aller vers le Golan, alors occupé par les Syriens.
Diplomatiquement, on sait aujourd’hui que juste avant le conflit, Hussein informe Kissinger de l’imminence d’une guerre. À ce moment-là, le secrétaire d’État de Nixon pense surtout à ne pas envenimer la guerre froide avec l’URSS, tout en voulant rapprocher Égyptiens sous influence communiste et Israéliens. Il sait pertinemment, car c’est la stratégie israélienne, que cette information peut déclencher une « attaque préventive » de l’aviation israélienne sur les sites stratégiques égyptiens : ports, centrales électriques, ponts, aérodromes, raffineries… Et se tait, pensant comme en 1967, que les Arabes finiront par perdre la partie. Mais en six ans, les généraux égyptiens ont beaucoup appris : le renseignement sait brouiller les pistes, le génie sait poser des ponts, l’infanterie sait utiliser les missiles antichars. La victoire est dans la défaite.
Effectivement, en lui infligeant 3 000 morts et 12 000 blessés, en abattant 114 avions et 6 hélicoptères, en détruisant 840 chars, 400 blindés et 2 vedettes, la coalition arabe fait vaciller l’État hébreu sur ses fondations. L’entrée en guerre américaine sonnera la fin de la revanche de 1967. La publication de documents déclassifiés (commission Agranat) révèlera en 2005 à un peuple israélien atterré, que le pays avait frôlé le précipice.
L’appui de Nixon/Kissinger à Israël coûtera cher au citoyen américain
Sur le front économique, la réplique des pays arabes producteurs de pétrole (majoritaires dans l’OPEP) ne se fait pas attendre : dès le 16 octobre (le cessez-le-feu tombera le 24), ils décident d’un embargo sur les livraisons contre les pays qui soutiennent l’État hébreu. Le prix du baril bondit de 70 %, et sera multiplié par quatre en cinq mois. Même si des économistes invoquent le contrecoup de la fin de la guerre du Viêt-Nam, qui après avoir tiré vers le haut l’économie américaine, provoquera une inflation croissante à partir de 1971, fera fondre les stocks d’or et affaiblira le dollar, cette date marque le début d’une crise économique majeure en Europe occidentale et aux États-Unis.
Et même si les Israéliens réussissent à contourner ce blocus pétrolier, notamment par la livraison de pétrole iranien (eh oui, l’Iran des mollahs commerce avec Israël par des circuits discrets et au travers de sociétés écrans, notamment pour les armes grâce à Arnon Milchan, trafiquant d’armes numéro un du Mossad devenu… producteur à succès à Hollywood !), les années 70 et 80 voient fleurir le terrorisme (d’autres disent le contre-terrorisme) et la guérilla palestinienne. L’opinion publique assiste à la mondialisation du conflit israélo-palestinien : prises d’otages, mitraillages, explosions, le FPLP et autres formations paramilitaires issues de la nébuleuse Arafat, qui rassemble 60 000 hommes dans ses forces de sécurité. L’argent palestinien, au-delà de l’aide des pays arabes riches, provient en majorité du racket des grandes entreprises (dont les compagnies aériennes), qui préfèrent payer pour être à l’abri des menaces militaires. Là encore, ce sont les pays occidentaux qui payent le prix de leur appui, ou plutôt de l’appui de leurs dirigeants à l’État d’Israël.
Le multimilliardaire (chiffre d’affaires de sa société en 1980 : 15 milliards de dollars) Marc Rich permet à Israël de profiter du pétrole iranien, avec lequel il spécule sur les marchés internationaux. Son officier traitant du Mossad dira : « Israël a une grande dette envers Marc. Il a assuré la fourniture d’énergie à Israël dans les temps les plus difficiles. » (Source : Les Guerres secrètes du Mossad, Yvonnick Denoël, Nouveau Monde éditions, 2012)
Le 9 septembre 2001, en plein conflit israélo-palestinien (la seconde Intifada est déclenchée par Sharon le 28 septembre 2000), se termine la conférence de Durban contre toutes les formes de racisme. L’Afrique du Sud met un point d’honneur à montrer qu’elle a changé, par rapport à 1978 et son régime d’apartheid. Une semaine de débats houleux où sont critiquées les relations entre l’État juif et le régime sud-africain blanc. Pire : le sionisme est assimilé à un racisme ! La simple évocation du sort du peuple palestinien provoque l’ire de la délégation israélienne, qui fait ses valises le 3 septembre, avec les Américains. Une ligue de pays africains n’obtiendra pas les excuses (et réparations qui vont généralement avec) de la part des pays occidentaux qui ont pris part à l’esclavage. C’est le départ du « deux poids deux mesures » par rapport au traitement médiatico-politique du génocide des juifs, concept qui sera utilisé par Dieudonné à partir de décembre 2003. La demande de requalification de l’esclavage en crime contre l’humanité fera bondir les délégations occidentales, se déclarant solidaires de la position israélienne, comme si l’Holocauste devait être dépouillé de sa raison d’être par la reconnaissance de la déportation et du travail forcé de millions d’Africains. Le délégué canadien accuse la conférence de « délégitimer l’État d’Israël et à déshonorer son histoire et la souffrance du peuple juif ». Pourquoi cet État d’Amérique du Nord soutient-il Israël ?
Sommes-nous déjà dans le choc de civilisations, en référence au livre paru en 1996 qui analyse le monde après l’effondrement du régime soviétique, dans le sens du nouvel ordre mondial cher à la dynastie Bush ?
Sa collaboration avec le régime d’apartheid n’a pas renforcé la popularité d’Israël
De nouvelles croisades seront effectivement décidées… deux jours plus tard, le soir même du 11 septembre 2001. Avec la guerre désormais ouverte de l’impérialisme américain contre les nationalismes arabes en particulier, et les musulmans en général, le Pakistan mis à part (il faut bien mettre la pression sur l’Inde, longtemps proche de l’URSS, et pas assez alignée). La destruction de l’État irakien ressemblant à une guerre préventive d’Israël – même sans les Israéliens – contre une puissance régionale trop menaçante.
Si les nombreux conflits déclenchés dans le monde depuis les années 90, après la chute du communisme en URSS, ne sont pas tous en rapport avec le sionisme, un nombre disproportionné de conflits concerne de près ou de loin Israël, en tout cas ses intérêts. Si l’influence de ce petit pays de huit millions d’habitants sur la politique extérieure des États-Unis a été étudiée et médiatisée, notamment dans l’ouvrage Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, cherchons pourquoi la France prend le même chemin que les États-Unis, après la cassure politique de 2004, date à laquelle le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy s’empare du pouvoir réel en France, avant même d’être élu président de la République trois ans plus tard, en 2007.
Vous connaissez celle du petit David qui nique les deux Goliath ?
Certes, la première nomination en 2002 de Sarkozy au poste de ministre de l’Intérieur ne changera pas la décision du tandem Chirac/Villepin de se désolidariser de la guerre américaine contre l’Irak en 2003, ce chant du cygne de la politique d’indépendance nationale d’inspiration gaulliste. L’affaiblissement de Chirac, en vérité un président sortant décrié élu par accident à plus de 82 % des voix, puis l’éviction habile par une contre-manipulation de Villepin, lâché par les services, poussent Sarkozy devant Chirac, pourtant élu du peuple, à l’image de Valls devant Hollande en 2014. Un changement doux de l’organigramme politique, mais aux effets spectaculaires : après avoir avalé l’adoubement par Chirac du jeune Bachar al-Assad en novembre 1999 et le soutien indirect du même Chirac au Hezbollah en août 2006, Sarkozy qualifie le Hezbollah de « mouvement terroriste » le 2 septembre 2006, et tout en rappelant en permanence son soutien indéfectible à Israël (voir le livre de Blanrue sur le sujet), fera bombarder la Libye en 2011. Quant à Hollande – pourtant pas très porté sur l’ultrasionisme, mais aiguillonné par Valls et le CRIF –, il déclenchera des opérations aéroterrestres contre les islamistes au Mali (janvier 2013), et aériennes contre le soi-disant État islamique en Syrie (septembre 2014).
Le marionnettiste est au centre sur la photo
Nous ne constatons alors aucune rupture idéologique dans la chaîne Sarkozy/Guéant/Kouchner-Hollande/Valls/Fabius : depuis 10 ans, quelle que soit sa couleur, la politique extérieure de la France s’aligne sur les positions israélo-américaines au Moyen-Orient, au grand dam des amoureux de l’indépendance nationale, qui n’est évidemment pas synonyme d’antisionisme et encore moins d’antisémitisme. La défense d’Israël ayant été déclarée prioritaire par tous nos Premiers ministres ou nos présidents lors des dîners successifs du CRIJF.
Alors ? Qui fait plier nos dirigeants ?
Une campagne de presse hurlant à l’antisémitisme en cas de non alignement ? Des révélations sur un parcours politique forcément sinueux ? La menace d’opérations terroristes sur notre sol, dans les airs, ou contre nos intérêts disséminés dans le monde ? Des mesures de rétorsion financières à grande échelle ? Israël et ses appuis/relais en France en ont-il les moyens ?
« Sans la domination financière de la City sur la planète jusqu’à la Seconde Guerre mondiale et la création de sa monnaie privée le 23 décembre 1913, le dollar, par les soins de ses filiales dans le Nouveau Monde, le sionisme serait resté une excroissance nationaliste hérétique, et demeurée localisée en Europe de l’Est, d’un judaïsme principalement pharisaïque et d’influence talmudique. » (Interview d’Aline de Diéguez sur algeriepatriotique.com <http://algeriepatriotique.com> le 6 décembre 2012)
Qu’est-ce qui modifie les rapports de forces officiels à l’intérieur même d’un régime, changeant le vote des Français en théâtre inutile ?
La presse, subventionnée en partie par l’État, tenue par les annonceurs sous l’égide des monstres Publicis et Havas, et appartenant à de grands groupes directement ou indirectement liés au commerce des armes (Dassault, Lagardère), sinon à des puissances bancaires (Rothschild, Pigasse), dispose-t-elle de cette force ? Si oui, le sionisme pèse-t-il assez lourd dans ce secteur pour désigner des cibles, imposer des priorités, orienter des/les politiques ?
Les socialistes en France sont-ils la transposition des « chrétiens sionistes » ou protestants fondamentalistes d’outre-Atlantique, qui pour des raisons théologiques et commerciales amplifient la politique prosioniste du gouvernement américain ?
Si personne de sérieux ne peut croire qu’un simple bluff médiatique ou une menace d’excommunication pour antisémitisme peut suffire à faire plier certains des gouvernements les plus puissants de la planète, alors nous devons accepter qu’une force supérieure fait d’une majorité des gouvernants occidentaux ses obligés. Pour cela, il faut remonter à des temps immémoriaux, quand Mayer Amschel entre dans l’Histoire…Rothschild ou la puissance du couple argent/information
Si la synergie avions/chars marque le début de la guerre mobile moderne (inaugurée par les Soviétiques contre les Japonais en 1939), le couple argent/information est le déclencheur de la puissance politique de la « haute banque » aux débuts du XIXe siècle, dont les Rothschild sont les maîtres. Le poids financier mène à l’information stratégique, qui peut se changer en bénéfice. 250 ans après l’avènement du patriarche Mayer Amschel Bauer (devenu Rothschild), la banque d’affaires gérée par David de Rothschild est au cœur du pouvoir français, pouvoir qu’il n’est pas utile de qualifier de politique, bancaire ou économique, puisque chez nous, la confusion semble totale. Le voyage que nous vous proposons dans la dynastie et la galaxie Rothschild permet de réduire quelques fantasmes, et d’en consolider d’autres. Entre le juif-Satan griffu qui possède la terre, et le juif-victime qui fait pleurer dans les chaumières, il y a un juste milieu, étayé par des sources historiques, économiques, et politiques.
Rothschild : fantasmes vs réalités
(John F. Hylan, maire de New York, 1911)
Les juifs, et derrière eux les Rothschild, les grands argentiers de la subversion, seraient à l’œuvre derrière toutes les révolutions des deux derniers siècles. En réalité, c’est l’appât du gain qui conduit cette famille de banquiers : si un régime peut augmenter ses bénéfices, alors il est consolidé ; sinon, lâché, un autre étant favorisé. Aussi simple que cela. Il y a donc une confrontation permanente et larvée entre les intérêts des Rothschild, et ceux des nations qui les abritent (Angleterre, France, Autriche, Italie et Allemagne, même si ces deux dernières n’existeront en tant que nations qu’en 1861 et 1871), ou des peuples en question. Parfois, ces intérêts ne sont pas contradictoires, et cela mène au développement industriel de la première moitié du XIXe siècle, avec le financement du chemin de fer, des bassins miniers qui les produisent et des voies de communications entre eux. La Compagnie des Chemins de fer du Nord sera le fer de lance industriel des Rothschild, ainsi que l’entreprise la plus prospère du siècle (elle sera nationalisée un siècle plus tard, l’État français unifiant les cinq grandes compagnies désormais déficitaires sous l’égide de la SNCF, en 1938). Les intérêts Rothschild ne sont donc pas fondamentalement antihumanistes, ou antifrançais, pour ne parler que du cas français. La preuve, ils se sont accommodés des trois formes de gouvernement au cours de ce fameux XIXe : Première République (1792), puis l’Empire (1804), la Restauration ou monarchie constitutionnelle (1814), les parenthèses révolutionnaires de 1830 et 1848 (Deuxième République), la Commune (1871), et enfin la Troisième République (1870) ! Opportunisme et adaptation, voici la clé.
D’où vient la fortune du père fondateur ? Officiellement, de son sens instinctif des affaires, officieusement, de sa gestion habile de la fortune du prince de Hesse, Guillaume 1er. Orphelin à 10 ans, entré en banque à 13 ans, le petit Amschel montre une singulière appétence pour l’argent et un flair pour les bons coups. Il gère la location annuelle des 15 000 soldats du prince de Hesse à la Couronne Britannique, origine réelle de sa fortune : l’argent détourné (le prince est en fuite au Danemark après la bataille d’Iéna) est déposé à la « NM Rothschild and sons », la banque de son fils Nathan Mayer, basé à Londres, les autres fils constituant un réseau de places fortes entre Paris, Vienne, Naples et Francfort. Première mondialisation bancaire ! Avec des relations secrètes entre les cinq pôles, et un service de communication imbattable à l’époque : par bateau, cheval ou pigeon, par tous les temps, les messagers Rothschild traversent terres et mers pour apporter l’information la plus fraîche, celle qui fera la différence. Sur la concurrence, et même sur les États. La coalition Rothschild, malgré les intérêts nationaux, travaillera toujours in fine pour elle-même… tout en se gardant bien de rentrer en conflit ouvert avec les autorités officielles. D’où les hommes politiques achetés ici et là, couverts de cadeaux ou d’invitations, dans une des nombreuses demeures qui fleuriront dans les meilleurs endroits : châteaux en région parisienne d’Armainvilliers, Laversine, Vaulx-de-Cernay, Fontaines, La Ferme, et Chantilly, et hôtels particuliers au cœur de Paris : rue Saint-Florentin (le « Versailles de la ploutocratie parisienne » selon Heine), rue de Monceau, Faubourg Saint-Honoré, avenue Marigny, avenue de Friedland, avenue du Bois-de-Boulogne…
Anciennement propriété de Talleyrand, l’hôtel de la rue Saint-Florentin sera acheté par James de Rothschild en 1838 ; il accueillera un siècle plus tard le centre du Plan Marshall pour l’Europe (1949), puis la première mission américaine de l’OTAN, pour devenir le consulat des États-Unis.
Nantis de ce système, les Rothschild disposent d’un coup bancaire d’avance sur leurs concurrents. Et quand il s’agit d’emprunts d’État, les bénéfices sont rapidement mirifiques. Rappel : les rentes dont on parle à l’époque (première moitié du XIXe) sont des emprunts perpétuels qui supposent le versement d’intérêts réguliers. Ce sont les établissements de la « Haute Banque » qui financent donc les besoins des gouvernements, par exemple pour la guerre, ou un investissement industriel. Qui prête 100, récupère 110. Républicains ou révolutionnaires, bourgeois ou monarchistes, les gouvernements auront tous besoin d’argent frais, et la caisse des Rothschild est toujours prête à rendre service. À l’époque, il n’y a pas d’épargne, et les banques de dépôts n’ont pas encore modifié la donne. Ce sont les frères Pereire, ces banquiers juifs qui poseront quelques soucis aux Rothschild, qui auront l’idée de drainer l’épargne populaire. Mais avant cela, tous les emprunts nationaux passent pas un conglomérat de banques d’affaires, qui disposent de comptes de dépôts, prestigieux mais limités. Ce n’est pas la source de leur richesse future.
Voici le principe de la rente par Wikipédia :
On pensait que les Rothschild s’adaptaient à la politique, il n’en est rien : c’est la politique qui s’adapte désormais à eux.
La politique des Rothschild
Où l’on comprend que la politique n’est que la peau des flux financiers, le serpent pouvant muer plusieurs fois sans problème…
Incontournables, au cœur du pouvoir et de toutes ses intrigues. Tant que les peuples ne sont pas au courant, tout se passe entre gens du « monde ». Mais parfois, l’information filtre, comme l’emprunt d’avril 1820, qui fera grincer des dents l’opinion autrichienne : les Rothschild avancent 20 millions de florins à un gouvernement qui devra en rembourser 36 à Salomon, le frère basé à Vienne. Le besoin d’argent étrangle : souveraineté et indépendance échappent aux gouvernements européens, qui doivent en passer par les Rothschild pour prendre des décisions économiques, et politiques. Et quand on décide de la politique, la guerre n’est jamais très loin. La guerre avec ses profits formidables (le blocus maritime français pendant les campagnes napoléoniennes accroît considérablement la fortune d’Amschel, qui se jette avec gourmandise sur tous les trafics de marchandises), mais aussi la paix, qui assure le rapport de la rente. Guerre ou paix, tout est profitable, du moment qu’on joue gagnant. Cependant, à leurs débuts, les Rothschild ne sont pas des va-t-en-guerre, comme le montre cette lettre de James à son frère Salomon le 24 novembre 1830 :
Louis-Philippe, dans la main de James de Rothschild : « Je connais tous les ministres, je les vois journellement, et dès que je m’aperçois que la marche qu’ils suivent est contraire aux intérêts du gouvernement [comprendre ceux de la Maison], je me rends chez le roi que je vois quand je veux… Comme il sait que j’ai beaucoup à perdre et que je ne désire que la tranquillité, il a toute confiance en moi, m’écoute et tient compte de ce que je lui dis. »
Qui est le vrai roi ?
Celui qu’on appelle le roi, ou celui qui fait les rois ?
Voici une note de l’historien Michelet dans les années 1840 sur le même James :
Michelet prend des risques avec les associations, là. Plus sérieusement, si nous creusons aussi loin dans la pratique rothschildienne, c’est que rien n’a changé, au fond. En 2011, David de Rothschild, contre toute attente, en pleine DSK-mania, mise sur le cheval Hollande, que personne ne voit gagnant. Ni même partant. Il lui adjoint une pointure, le jeune Emmanuel Macron, issu de la Maison, qui participe à son programme politique, et devient rapidement le numéro deux du gouvernement. Le Rothschild de gouvernement, une habitude en France depuis l’avènement de Georges Pompidou, poursuivie sous Balladur et Sarkozy sans aucun complexe. Mais retournons encore 150 ans en arrière : si l’argent conduit naturellement à l’influence politique, la politique se tourne naturellement vers les intérêts de la Maison. La preuve avec ce coup de pouce de l’État à la société de transport rothschildienne :
Philip Sassoon, conseiller de Lloyd Georges lors du traité de Versailles (1919), fils de Aline Caroline de Rothschild et Sir Edward Albert Sassoon, recevra la haute société britannique dans son mirifique hôtel particulier de Port Lympne : duc et duchesse de Windsor, Churchill, Chaplin… Son alter ego français lors des négociations de Versailles n’est autre que Georges Mandel, de son vrai nom Louis Georges Rothschild, à l’ascendance floue. Il fera l’objet d’une biographie de Nicolas Sarkozy en 1994 (entachée d’un soupçon de plagiat), futur président de la République déjà présent dans le noyau dur balladurien issu de la banque Rothschild dans les années 90. Vous n’avez pas voulu de Balladur ? Vous aurez Sarkozy.
En trois générations, une dynastie royale a surgi du monde post-révolutionnaire sur les cendres de l’aristocratie européenne. Face à cette puissance montante, les nouveaux hommes politiques des républiques successives ne feront pas le poids, ainsi que le rapporte l’auteur du Journal des Goncourt en janvier 1890 :
Là est la pliure. Il ne faudra pas deux générations pour que la haute société britannique fasse sauter ses barrières antijuives.
Le négoce n’empêchant nullement de prendre des parts dans les mines… stratégiques pour l’industrie de l’armement. Ils sont loin les vœux de paix et de stabilité émis par James !
Pièce israélienne de l’indépendance frappée en 1982 du visage du baron Edmond de Rothschild (1845-1934)
En réalité, la Maison finance l’installation de juifs en Palestine, achetant des terres d’une main, obtenant le départ de juifs européens de l’autre. Si Edmond de Rothschild et Théodor Herzl se voient en 1896, rien ne se fera avant la mort en 1904 du théoricien du sionisme, dont Edmond donne une définition : « Un juif américain qui donne de l’argent à un juif anglais pour amener un juif polonais en Palestine. »
Les rois de l’Afrique, royaume de France compris
Plus rien, après le frein dû au second conflit mondial, ne s’opposera à l’expansion et à la diversification des activités de la Maison. Qui prendra des formes diverses, mais toutes centrées sur le vrai pouvoir : de la décision, du financement, et du contrôle de la marchandise stratégique. Le cœur absolu de l’économie politique. Pour preuve, en 1957, un consortium réunissant grandes banques (Crédit lyonnais, Société générale, Paribas…) autour de Rothschild crée la COFIMER, avec des intérêts dans le minerai de fer mauritanien, l’aluminium de Guinée et du Cameroun, le fer et l’uranium du Gabon, les phosphates du Sénégal… D’aucuns y verront la mainmise du groupe Rothschild sur l’Afrique, en route théoriquement vers les indépendances. Jean Bouvier rapporte les propos du président de la COFIMER, Jacques de Fouchier, qui s’adresse à ses actionnaires le 22 juin 1965. Admirons les euphémismes, qui cachent les interventions directes ou indirectes des autorités politiques et militaires françaises :
Cette structure apparaît en filigrane des grandes fusions-acquisitions – les « fusacs » – de l’époque libérale : GDF-Suez, succession de Robert Louis-Dreyfus… Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, rejeton du clan Balladur, elle devient tout simplement incontournable dans les dossiers majeurs : La Poste, Thalès/Dassault, Dexia… Les réseaux économico-politiques de la Maison sont tels, qu’en moins de 30 ans, son influence a retrouvé son lustre d’antan. Le capital, c’est bien les hommes… placés aux postes stratégiques – pas besoin d’être président bling-bling pour décider, l’influence se conjuguant avec la discrétion –, les officiers rothschildiens se révélant plus efficaces qu’une armée. Et faisant dire à David de Rothschild, dans le livre Rothschild, une banque au pouvoir (Martine Orange, paru en septembre 2012 aux éditions Albin Michel) :
« J’ai toujours trouvé normal que les associés aient d’autres centres d’intérêt que la banque. Il faut être au contact d’autres réalités, dialoguer avec d’autres milieux. »
Au-delà des polémiques sur la loi Rothschild, malgré le peu d’informations qui filtrent, on peut affirmer que la Maison ne domine plus le secteur bancaire comme elle a pu le faire jusqu’au dernier quart du XIXe siècle, mais qu’elle s’est insinuée (on ne parle pas de tentacules) dans les secteurs les plus lucratifs et prépondérants. Des observateurs économiques iront jusqu’à dire de l’Afrique qu’elle est « le continent Rothschild », une chasse gardée familiale, forcément en rapport avec les réseaux Foccart. Une anecdote en passant : Edouard Stern, assassiné officiellement par sa maîtresse en 2005, est le descendant d’une dynastie de banquiers qui se croisent et s’entrecroisent, mêlant les noms les plus prestigieux de cette branche économique. Rothschild, Halphen, Fould, David-Weill… la page relative à la famille Stern dans Wikipédia, cette espèce d’arbre généalogique involontaire du réseau des puissants, donne le vertige [2 <http://www.egaliteetreconciliation.fr/Rothschild-ou-la-pu…> ].
Le mariage d’amour entre les Rothschild et l’Afrique donnera naissance à la SAGA, Société anonyme de gérance et d’armement, son fer de lance sur le continent noir, qu’on appelle par maladresse ou imprécision « les intérêts de la France en Afrique ». Là aussi, la lucidité impose de dissocier le privé du public : l’un (le pool financier) exploitant et profitant, l’autre (la société civile) étant accusé de colonisation, source de bien des malentendus entre colonisés et colonisateurs.
En mai 1845, le soyeux et humaniste lyonnais Arlès-Dufour affirmait déjà :
Le Monde du 27 mai 2014 écrit : « À la demande des Israéliens, le pape s’est aussi rendu sur la tombe de Theodor Herzl, le père du sionisme. Puis, il a rencontré des survivants de la Shoah au mémorial de Yad Vashem. Dans ce lieu, où Benoît XVI, jugé trop froid, avait déçu les Israéliens, le pape François a baisé les mains des survivants présents. »
Les Rothschild ayant saisi avant tout le monde l’importance de l’information, de sa captation et de sa vitesse, un rival (mais coreligionnaire) s’emparera d’une autre partie de ce secteur-clé en France. Un niveau de puissance en dessous du grand business mêlant finance et géopolitique, le monde de la presse et de la publicité appartiendra à Charles-Louis Havas dans la première moitié du XIXe siècle. L’expansion rapide de ce réseau bancaire provient du couplage information/publicité, assis sur un réseau mondial d’agences, qui imposeront en moins de 30 ans un monopole de fait sur la grande information. Source de toutes les spéculations pour le public spécialisé, et de toutes les influences sur le grand public, qui sera nourri sans le savoir au lait des besoins et des intrigues des grands potentats économiques, des maîtres de la Bourse et des politiciens à leur service.
Notes
[1 <http://www.egaliteetreconciliation.fr/Rothschild-ou-la-pu…> ] “The real menace of our republic is the invisible government which, like a giant octopus, sprawls its slimy length over our city, state and nation. At the head is a small group of banking houses, generally referred to as ’international bankers.”
[2 <http://www.egaliteetreconciliation.fr/Rothschild-ou-la-pu…> ] http://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_Stern