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20 avril 2024

Canada. Amérindiens : un génocide culturel


 05/06/15 01:21
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Canada. Amérindiens : un génocide culturel

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Publié le 03/06/2015 – 16:55

Le Premier ministre canadien Stephen Harper et le chef de l’Assemblée des Premières Nations Phil Fontaine, le 11 juin 2008 à Ottawa, lors des excuses officielles du Canada pour la politique d’assimilation forcée.
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>   Photo Mike Carroccetto/Getty Images/AFP

La Commission de vérité et réconciliation a travaillé pendant six ans sur les pensionnats où des enfants autochtones arrachés à leur famille étaient placés à des fins d’assimilation culturelle. Son rapport fait l’effet d’une bombe.

Si vous avez été surpris mardi, voire choqué, quand le rapport final tant attendu de la Commission de vérité et réconciliation du Canada a accusé votre pays de “génocide culturel”, prenez un peu de recul et fermez les yeux.

Imaginez que vous soyez chez vous avec vos deux enfants, un garçon de 6 ans et une fille de 8 ans. On frappe à la porte. Vous allez ouvrir. Un représentant de l’Etat et un officier de la police montée apparaissent dans l’encadrement de la porte. Les deux hommes vous ordonnent de leur livrer vos enfants immédiatement. Ceux-ci vont être emmenés et placés à l’arrière d’un camion où vous pourrez voir d’autres enfants pleurer. Vous êtes contraint de vous séparer de vos enfants : l’Etat a jugé que vous n’étiez pas apte à les élever du fait de votre race. Tout ce qui comptait pour vous vous a été enlevé.

150 000 enfants placés

Maintenant, imaginez que vous soyez l’un des enfants. On vous conduit à des centaines de kilomètres de chez vous, dans une nouvelle école dirigée par des inconnus. Quand vous arrivez, on vous coupe les cheveux et on vous enlève les vêtements que votre mère vous a confectionnés, puis on les brûle. Vous êtes puni chaque fois que vous parlez dans votre langue maternelle ou que vous réclamez vos parents en pleurant. Vous êtes perdu, désorienté. On vous a séparé de votre frère, parce que c’est un garçon et que vous êtes une fille. Vous êtes mal nourri, vous avez froid. Dehors, il n’y a pas de cour de récréation, seulement un cimetière pour les enfants qui sont morts dans ce lieu sinistre.

Et puis l’un des professeurs vous fait subir des sévices sexuels. Les autorités ferment les yeux. Enfin, arrivé à l’adolescence, vous avez le droit de partir. Mais pour aller où ? Votre maison a été détruite. Vous ne savez pas à qui faire confiance, ni même qui vous êtes.

Pouvez-vous imaginer une chose pareille ? Environ 150 000 enfants appartenant aux Premières Nations, aux Inuit et aux Métis ont été arrachés à leurs familles et à leurs communautés pendant cent ans d’histoire canadienne. Les survivants et leurs descendants en sont marqués à jamais et ont toutes les peines du monde à trouver leur place dans une société où les préjugés du passé restent ancrés dans les mentalités de bon nombre de leurs concitoyens.

Faites-vous partie de ces Canadiens qui ne savent pas que les pouvoirs publics ont séparé les parents indigènes de leurs enfants jusqu’à la fin des années 1960 et que le dernier “pensionnat autochtone” a été fermé en 1996 ?

Des préjugés tenaces

D’après un sondage de 2013, 60 % des Canadiens estiment que les Premières Nations, les Inuit et les Métis sont responsables de leurs problèmes. Pourtant, dès 2008, le Premier ministre Stephen Harper a demandé pardon pour les pensionnats autochtones devant la Chambre des communes. “Cette politique a eu des effets durables et néfastes sur la culture, les traditions et la langue des autochtones”, a alors déclaré Harper. Ensuite de quoi son gouvernement n’a pris aucune mesure pour corriger le tir.

C’est toujours la même histoire. Par le passé, des organes comme la Commission de vérité et réconciliation du Canada ont émis des recommandations visant à améliorer le sort des peuples indigènes, recommandations saluées par le gouvernement en place, mais qui ne se sont jamais traduites dans les faits.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle le chef de la Commission, le juge Murray Sinclair, a décidé d’accuser le Canada de génocide culturel dans son rapport. Et peut-être est-ce aussi pourquoi la semaine dernière la juge en chef de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin, a prononcé un discours dans lequel elle reprenait cette formulation.

Le juge Sinclair vient de lâcher une bombe sur notre société, tant en utilisant le terme “génocide” qu’en collectant les récits de milliers de gens dont les vies ont été gâchées par les pensionnats autochtones.

Plus d’excuse

Toutefois, le choix du mot “génocide” a déclenché un débat sur la sémantique et les étiquettes. Peut-on légitimement qualifier ces actes de génocide culturel ? Cela a-t-il même un sens ? Un mot inventé pour qualifier l’horreur et le mal absolus de l’Holocauste doit-il être utilisé dans ce cas précis ?

On aurait tort de se laisser entraîner dans un tel débat. Discuter de la question de savoir comment qualifier un mal, dans quelle case le ranger, n’est qu’une perte de temps et nous détourne des vrais problèmes.

Notre pays doit être secoué de sa torpeur. Il doit reconnaître cette page sombre de son histoire. Nous Canadiens devons réfléchir à la manière de remédier aux torts que nous avons causés. “Les Canadiens non autochtones entendent parler des problèmes auxquels sont confrontées les communautés autochtones, mais le plus souvent ils n’ont pas la moindre idée de la manière dont ces problèmes sont apparus”, souligne Sinclair dans son rapport. Ce ne doit plus être une excuse.

http://www.courrierinternational.com/article/canada-amerindiens-un-genocide-culturel

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> Ahmed Bensaada, Montréal, Canada
> http://www.ahmedbensaada.com/
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