Par Xavière Jardez/
La Cour fédérale de Columbia (Etats-Unis) a invalidé une loi qui aurait permis aux citoyens américains nés à Jérusalem de mentionner sur leur passeport le nom d’Israël qu’ils soient d’origine juive – ou palestinienne -, privant ainsi les détenteurs de passeport israélien (le passeport palestinien n’existant pas) de toute distorsion politique en faveur d’Israël.
Désirant voir figurer le nom d’Israël sur le passeport de leur fils, la famille Zivotofsky a introduit une action en justice devant les tribunaux inférieurs dès 2006, puis, les différentes cours d’appel américaines, et en 2013 devant la Cour suprême qui déclare inconstitutionnel l’art. 214(d) du Foreign Relations Authorization Act pour violation de la compétence exclusive du président en matière de politique étrangère.
Le vote unanime des trois magistrats de la Cour d’Appel réaffirme ainsi une spécificité du pouvoir exécutif qui précise que, seul, le président, et non les parlementaires, a le pouvoir de « de déterminer quel pouvoir doit être reconnu » écrit le juge Karen Henderson. Quand le Président G. Bush en 2002 avait signé la loi, il avait indiqué que si cette faculté était comprise comme « une obligation » et non « conseillée », cela interférerait de manière inacceptable avec la compétence du président dans le domaine des relations internationales.
Il est vrai que, sous la présidence d’Obama, des coups de canif ont été portés aux prérogatives présidentielles par le lobby pro-israélien au travers des Républicains. On peut évoquer la visite de Netanyahou au Congrès, avant les élections israéliennes, en mai dernier, la lettre ouverte des mêmes au gouvernement iranien lors des négociations avec l’Iran sur son programme nucléaire, toutes initiatives par-dessus la tête d’Obama. Il est vrai qu’une recherche sur Google a chiffré à 7000 le nombre des hommes politiques US ayant la nationalité israélienne, sachant que la double nationalité, interdite auparavant, est tolérée à partir de 1967.
Position américaine sur Jérusalem
Depuis la fondation de l’Etat juif (1), en 1948, les présidents américains ont toujours refusé de prendre position sur le statut de Jérusalem, laissant ce point être traité par des négociations de paix entre Palestiniens et Israéliens. De plus, en dépit des appels du Congrès de transférer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, la Maison Blanche a préféré maintenir le statu quo.
C’est dans ce même esprit que le Département d’Etat et la Maison Blanche, confrontés à l’impossibilité d’inscrire « Palestine » comme Etat sur un passeport américain- même si n’importe quel policier des frontières dans le monde déduirait de la mention « né à Jérusalem » que cette personne est ethniquement Palestinienne – ont considéré qu’une telle faveur faite aux juifs US serait en fait discriminatoire pour les Palestiniens.
Les organisations juives des Etats-Unis qui ont suivi toute la procédure ont exercé de fortes pressions sur le Congrès et sur les différents gouvernements tant démocrates que républicains pour que Jérusalem soit reconnue comme étant israélienne et ainsi annexée de facto. Pour elles, la décision de la Cour est un échec car elle statue que « La Cour traite des points constitutionnels et non du fond. Ce n’est pas sa prérogative de traiter du fond et donc de statuer sur le statut de Jérusalem ».
Jérusalem entre Jordanie et Israël
Capitale d’un district autonome (sandjak) sous l’empire ottoman dépendant directement de Constantinople, dans les années 1870, Jérusalem passa, au démembrement de cet empire, en 1917, sous tutelle britannique comme capitale politique de facto de la Palestine ainsi que le Royaume de Transjordanie.
Les activités terroristes de l’Irgoun ou du Groupe Stern dont les attentats contre le Club britannique à Jérusalem, la prison d’Acre, King David Hotel, etc,. et.leurs assassinats en tous genres, les attaques de la Haganah ou de la Ligue Américaine pour une Palestine libre contre les villes et les villages arabes, la fin désastreuse du mandat français en Syrie en 1946 aboutirent à la renonciation, en 1947, des Britanniques à leur mandat palestinien pour laisser l’ONU, nouvellement constituée, trouver une solution à propos du futur gouvernement de la Palestine.
C’est ainsi que l’Assemblée générale adopta, le 29 novembre 1947 – sans exercice par les Palestiniens du droit à l’autodétermination comme prévu dans la Charte de l’ONU – à la majorité des deux/tiers requis, la résolution 181 qui partageait la Palestine en deux Etats indépendants, l’un juif, l’autre arabe, et envisageait l’internationalisation et la démilitarisation de la Ville Sainte, l’idée étant que, siège des lieux saints de trois religions monothéistes, Jérusalem devait échapper au contrôle de l’un ou l’autre des futurs Etats afin que les fidèles aient accès auxdits lieux. La guerre entre les Arabes et les Sionistes débuta le 14 mai 1948 et se termina en novembre 1948 par la signature d’un cessez-le-feu local « qui prend acte de la position des deux armées à ce moment-là et annonce ainsi la division de facto de la ville » selon un acte nord-sud qui longe le mur occidental de la vieille ville. Le secteur-ouest de Jérusalem se trouve sous contrôle israélien, la partie-est qui inclut la vieille ville et les principaux lieux saints est aux mains des Transjordaniens ».
Malheureusement, les multiples résolutions onusiennes qui se sont succédé n’ont jamais défini ou fait référence à son internationalisation, d’ailleurs contestée par la majorité de ses membres partagée entre une internationalisation, fonctionnelle réduite aux Lieux saints ou territoriale, laissant ainsi la porte ouverte à l’impunité d’Israël comme le prouvera sa politique d’occupation effrénée des territoires palestiniens. Il s’ensuit que la situation de Jérusalem a été régie entre 1949 et 1967 par l’accord d’armistice entre la Cisjordanie et Israël du 3 avril 1949, approuvé par le Conseil de sécurité.
Tant le nouveau royaume hachémite réunissant la Cisjordanie et Jérusalem-est qu’Israël s’opposent à l’internationalisation de la Ville sainte. Mais alors que les rois Abdallah et Hussein, en 1952, ne veulent pas faire de Al Qods (Jérusalem) leur capitale, mais le troisième site de l’Islam, les sionistes n’ont que cela pour objectif : ils y votent le transfert du siège du gouvernement et consacrent, en 1950, la partie sous leur contrôle, capitale unique d’Israël, qui n’a jamais été reconnue comme telle internationalement sauf par le Costa Rica et le Salvador, même si 23 délégations diplomatiques s’y sont installées malgré les injonctions onusiennes de les retirer.
Annexion illégale de Jérusalem par Israël
Vient la guerre des Six jours, le 5 juin 1967 et l’annexion de Jérusalem-est par les Israéliens qui « réunifient » la Ville sainte sous leur autorité unique. Ils y étendent leur législation, leur administration, leurs services publics et suppriment les frontières existant entre la partie ouest et est de la ville. Les réactions sont vives aux Nations unies qui adoptent la résolution 2253 qui « considère les mesures prises par Israël (expropriations de terres et de biens immobiliers) comme « non valides » et qui demande au gouvernement israélien de « rapporter toutes les mesures déjà prises et de s’abstenir immédiatement de toute action qui changerait le statut de Jérusalem » mais cette résolution et celles ultérieurement votées (notamment celles concernant l’application de la Convention de Genève sur la protection de la population civile après les violences à Haram al Charif en 1990) (2) n’éclaircissent pas pour autant ce que recouvre le « statut » de Jérusalem, offrant ainsi à l’Etat juif toute latitude pour se comporter comme il l’entend. C’est ainsi qu’est engagé en 1969 un programme de constructions dans la partie orientale de la ville, plus un plan d’agrandissement de 1300 hectares de la zone de peuplement de Maaleh Adumim, la plus grande colonie israélienne de Cisjordanie, dans les faubourgs d’Al Qods qui comptait 25000 habitants en 1999. D’autres colonies sont prévues: le Goush Etzion au sud et Ariel au nord de la Cisjordanie.
Ces empiètements servent à consolider l’annexion illégale de Jérusalem-est et rendent plus difficile l’émergence d’un Etat palestinien dans la mesure où la ville est coupée du reste de la Cisjordanie. N’oublions pas qu’en 1988, la Jordanie a renoncé au profit de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à la Cisjordanie et à Jérusalem-est.
Ce qui est surprenant, c’est que les Occidentaux si prompts à brandir leur panoplie de sanctions à l’encontre de quiconque va à l’encontre de leurs diktats (i.e. Vladimir Poutine) restent de marbre devant les innombrables violations du droit international et du droit de la guerre par Israël et n’envisagent aucune mesure coercitive. Ils ne soutiennent même pas le pauvre mouvement du BDS (Boycott, désinvestissement et sanction) contre Israël et condamnent tout simplement le regain de colonisation des territoires occupés par ce pays (déclaration de M. Fabius. RFI).
Notes:
(1) Etat juif : Netanyahou a déclaré qu’Israël devait être reconnu comme l’Etat des juifs (mai 2014), ce qui entraînerait l’impossibilité pour les Palestiniens exilés de retourner dans les territoires occupés.
(2) Les résolutions non respectées : Le Conseil de sécurité a réaffirmé que la Convention de Genève était applicable aux « territoires arabes occupés » par Israël et donc Jérusalem et Gaza : Rés.14 juin 1967, 15 sept. 1969, 22mars 1979,20 juillet 1979, 1er mars 1980, 30 juin 1980, 20 décembre 1990, 18 dec.1992, 18 mars 1994, 19 mai 2004, et l’Assemblée Générale a fait de même. La Cour Internationale de Justice de la Haye s’est prononcé dans le même sens concernant le « mur » mais les gouvernements successifs d’Israël ont refusé de l’appliquer.
Source : Olivier Danino « Le statut de Jérusalem de 1949 à 1967 » Cahiers de la Méditerranée ».
Photo : La Palestine
Carte de Jérusalem (2005) :