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24 avril 2024

Vers la reconnaissance du génocide des Hereros par l’Allemagne ?


Vers la reconnaissance du génocide des Hereros par l’Allemagne ?

Alors que deux délégations hereros et namas venues de Namibie sont de passage à Berlin et Londres, le parti de gauche allemand Die Linke a soumis au Bundestag une motion en faveur de la reconnaissance officielle du génocide de 1904. Une motion qui pourrait déboucher sur la mise en place d’un fonds de compensation structurel.

C’est un petit pas, mais il pourrait déboucher sur la reconnaissance officielle, par les autorités allemandes, du premier génocide du XXe siècle commis à l’encontre des populations hereros et nama, en 1904. Emmené par le député Niema Movassat, le parti de gauche Die Linke vient en effet de soumettre au parlement allemand une motion allant dans ce sens. Intitulée « Réconciliation avec la Namibie – mémoire et excuses pour le génocide commis dans l’ancienne colonie allemande du Sud-Ouest Africain », elle propose que soit adopté le texte suivant : « Le parlement allemand se souvient des atrocités commises par les troupes coloniales de l’empire allemand dans son ancienne colonie du Sud-Ouest africain, et entend honorer la mémoire des victimes de massacres, d’expulsions, d’expropriations, de travail forcé, de viols, d’expérimentations médicales, de déportations et d’enfermements inhumains dans des camps de concentration. La guerre d’extermination menée par les troupes coloniales allemandes entre les années 1904 et 1908 a entraîné la mort de 80 % du peuple herero, de plus de la moitié du peuple nama et d’une large partie des groupes ethniques Damara et San.

Lothar von Trotha et l’ordre d’extermination

Cette motion souligne notamment que les ordres donnés par l’homme du Kaiser, le Général Von Trotha, le 2 octobre 1904 contre les Hereros et le 22 avril 1905 contre les Namas apportent la preuve indiscutable d’une volonté d’extermination à leur égard. Si elle est adoptée, elle va bien plus loin que rappeler la « responsabilité morale » et les « obligations » de l’Allemagne envers la Namibie. Elle conduirait le Parlement à exprimer sa « honte » ses « regrets » et sa « tristesse », mais aussi à accepter que « les conséquences du génocide et du colonialisme allemand sont toujours des réalités sociales et économiques de la Namibie actuelle » – notamment en ce qui concerne l’inégale répartition des terres. Plus prosaïquement, la motion propose un certain nombre de mesures visant à panser ces plaies toujours ouvertes : création d’un groupe d’amitié germano-namibien, intensification des échanges culturels, soutien des initiatives luttant contre la glorification des criminels de guerre de l’époque coloniale, érection d’un monument, à Berlin, en l’honneur des victimes du colonialisme, publication de livres scolaires, etc.

Vers des réparations ?

Mais les mesures les plus importantes sont bien entendu celles qui concernent les réparations et le rapatriement des restes humains conservés dans les archives allemandes après avoir été étudiés à des fins soi-disant « scientifiques ». La toujours complexe question des réparations serait réglée par la mise en place d’un « fonds de compensation structurel » en partenariat avec l’assemblée nationale namibienne, le gouvernement et les peuples concernés. Les descendants des colons allemands ayant bénéficié du génocide devraient, dans ce cadre, contribuer financièrement… Pour Niema Movassat, « il est temps que le gouvernement fédéral déclare clairement : ce qui s’est passé entre 1904 et 1908 dans ce qui était alors le Sud-Ouest africain était un génocide et nous demandons pardon aux descendants des victimes. »

Blue Book, le livre noir du génocide des Hereros et des Namas

Quoiqu’il en soit, le dépôt de cette motion intervient alors que deux délégations hereros sont en déplacement en Europe, à Berlin et à Londres, afin que le génocide y soit formellement reconnu. Le 9 juillet 2015, cent ans après la fin de la domination allemande sur la Namibie, ces deux délégations seront reçues à Westminster pour une rencontre et des discussions. À cette occasion seront lus des extraits du Blue Book (« Union of South Africa – Report On The Natives Of South-West Africa And Their Treatment By Germany ») – récemment réédité – un rapport accablant et terrible rédigé dès 1918 par le jeune juge britannique Thomas O’Reilly.

Pour aller plus loin :

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Words cannot be found : German colonial rule in Namibia : an Annotated reprint of the 1918 Blue Book, Jeremy Silvester et Jean Bart Gewald, Brill, 368 pages, 67 euros.

Nicolas Michel

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