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19 mars 2024

Migrants à Calais : cette crise dure depuis 13 ans. Il est temps de changer d’approche


Migrants à Calais : cette crise dure depuis 13 ans. Il est temps de changer d’approche

Avatar de Jean-François Dubost

Par 
Amnesty International

LE PLUS. Treize ans après la fermeture de Sangatte, le nombre de réfugiés tentant de rejoindre l’Angleterre depuis Calais ne cesse de s’accroître. Alors que la polémique prend de l’ampleur, quelles politiques mettre en place ? Jean-François Dubost, responsable du programme « Personnes déracinées » à Amnesty International France, appelle l’Europe à prendre ses responsabilités.

Édité par Sébastien Billard

Des migrants à proximité de l’entrée du tunnel sous la Manche près de Calais, le 2 août 2015 (F. PRESTI/AFP).

 

Sur les côtes de la Manche, se jouent à Calais un mauvais remake des événements de l’été 2002. À cette époque, la France et le Royaume-Uni s’étaient mis d’accord pour fermer le centre de Sangatte, renforcer les contrôles aux frontières et partager le coût financier des dispositifs de sécurisation des points de passages (ports et tunnel sous la Manche) tout en assurant le transfert vers le Royaume-Uni d’un millier de personnes.
Le Royaume-Uni avait cherché à « réduire l’attraction du territoire britannique », en abrogeant le droit au travail des demandeurs d’asile et l’autorisation exceptionnelle accordée aux Afghans de rester sur son sol.
Un sentiment de déjà-vu

 

Treize ans après, leurs réponses à la crise des réfugiés et les réactions qu’elles suscitent de part et d’autre de la Manche ont peu évolué. Un sentiment de déjà-vu domine face aux tentatives de passage des migrants et réfugiés dans l’enceinte d’Eurotunnel.

 

Les craintes s’exacerbent côté Royaume-Uni et les critiques sur le laxisme de la politique migratoire anglaise vont bon train côté français. Reste également cette volonté partagée des deux gouvernements de renforcer les barrières et la surveillance. Au centre de cette agitation et ces querelles, des hommes, des femmes, y compris des enfants, ne renoncent pas à tenter le passage.
Le seul changement notable est que le nombre de réfugiés s’accroît, témoin de l’exacerbation des conflits et des violations des droits humains qui jettent sur les routes de l’exil des populations civiles de plus en plus prises pour cibles.

Les pays limitrophes des zones de conflit qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés n’ont plus les capacités ou la volonté d’honorer, seuls, l’obligation de les protéger. Certains réfugiés sont contraints de reprendre leur migration forcée.

 

Un problème mondial

 

L’espace européen n’est pas hors du monde, ni sur le plan géographique ni sur le plan politique. L’Europe est dans l’obligation de prendre sa part de responsabilité et de solidarité dans la protection des réfugiés : ouvrir des voies légales d’accès à des lieux sûrs pour les réfugiés, réinstaller les plus vulnérables d’entre eux sont autant de solutions qui peuvent conduire à un véritable partage de l’obligation de protéger les réfugiés.

Le problème de Calais n’est que la pointe émergée d’un problème mondial qui irradie depuis l’Erythrée, la Syrie, le Soudan, l’Irak, l’Afghanistan, la République Centrafricaine, le Niger, le Mali, où les populations sont menacées, subissent violence souvent sans aucune protection.
Et pourtant, comme le rappellent dans une tribune commune les deux ministres de l’Intérieur anglais et français [1], au plus haut niveau, nos sociétés entretiennent l’idée que ces personnes viendraient avant tout profiter de la prospérité de nos économies.

 

Cette vision réductrice occulte la tragédie du déracinement forcé, le danger des routes de l’exil et le désespoir de ne pas trouver une terre d’accueil. De fait, vouloir convaincre ces populations qu’il est vain de partir, comme le clament les deux ministres, est une ineptie.

Une Europe trop timide

 

Avec difficulté, les États membres de l’Union européenne se sont mis d’accord en juillet dernier pour venir en aide à l’Italie et la Grèce, principaux pays de premier accueil des demandeurs d’asile. À peine 32.000 personnes seront ainsi réinstallées depuis ces deux pays vers d’autres États membres et y être protégées. Timide illustration d’un effort collectif censé trouver des solutions !

 

Ce premier pas cache difficilement l’absence de vision commune de la politique d’asile en Europe et le désintérêt profond des gouvernements pour le sort des réfugiés aux frontières de l’Union européenne. La préoccupation centrale semble être d’obtenir la garantie qu’ils ne viendront pas s’installer sur le territoire.

Calais pourrait être l’exemple d’un changement d’approche. Le Royaume-Uni et la France pourraient agir de concert pour que, de part et d’autre de cette frontière autant géographique que juridique, chacun assume son obligation de protéger les réfugiés.

 

Fin 2002, 1.000 personnes avaient bénéficié d’un accès légal et sécurisé outre-Manche grâce à un accord conclu entre la France et le Royaume Uni. Une initiative dont il faut certainement s’inspirer et adapter à l’ampleur de la situation actuelle.

 

 

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[1] Communiqué de presse conjoint de David Blunkett et Nicolas Sarkosy. Londres 25/06/2002

 

Sur le web : Etudiante tuée à Toulouse: qui sont les principaux suspects?

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