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19 avril 2024

De la russophobie d’État à la russophobie médiatique


 

De la russophobie d’État à la russophobie médiatique

par MAIBORODA – vendredi 21 août 2015

Cultiver la russophobie semble actuellement être de bon ton dans l’opinion française. Cette russophobie est, à dire vrai, largement suscitée ou entretenue par la doxa que diffuse un pouvoir totalement inféodé à l’Otan.

En matière d’orchestration médiatique, la presse de droite se révèle au demeurant moins « virulente » et se montre moins « dichotomique » en ses jugements que celle de la gauche atlantiste ou celle qui, au nom des droits de l’homme ou de la démocratie confond allègrement anti-poutinisme et russophobie. Un russophile déclaré (ce que je conviens être) lira donc avec plus de plaisir en ce moment, s’agissant de la Russie, le Figaro et Valeurs Actuelles que « Libé », « Le Monde » ou, dans une certaine mesure, Médiapart.

Ne parlez pas de Russie à Hollande. Sa culture se situe ailleurs. Il ne comprend rien à ce pays, et encore moins à l’âme slave. Son champ de vision géopolitique ignore par ailleurs, ou feint d’ignorer, les réalités de l’Eurasie. Tout ce qui touche à la Russie est conditionné par son atlantisme forcené. Ne mentionnons que pour mémoire son ministre des affaires étrangères, Fabius, caniche devant Obama et Netanyahu, aussi hautain, suffisant, et droit dans ses escarpins devant les Russes, qu’obséquieux et révérencieux devant les monarques et les émirs golfiques.

S’agissant des « Républicains » (les guillemets s’imposent), ils naviguent entre un antisoviétisme résiduel, un vague héritage gaulliste, leur désir de prendre le contre-pied de la politique menée par Hollande (Sarkozy), et la russophilie avérée de quelques uns de leurs ténors (Fillon et Mariani notamment).

Chez les Centristes, un européo-atlantisme viscéral fait qu’ils rangent irrémédiablement la Russie, à l’instar des néoconservateurs américains, dans l’axe du mal.

Au FN, le « canal historique » du père et le « canal habituel » de la fille sont sur ce plan réunis. Ils sont animés d’un certain anti-américanisme hérité de l’idéologie traditionnelle de l’extrême-droite française, tout en appréciant fortement les valeurs sociétales et « morales » prônées par Poutine (patriotisme, religion, mœurs, etc.) De ce fait un regard bienveillant sur la Russie l’emporte désormais sur leurs préventions passées à l’encontre d’une Russie bolchevisée.

Bref, atlantistes forcenés, hollando-socialistes pernicieux ou cauteleux, « démocrates » circonstanciels ou professionnels style BHL ou Glucksmann junior, ont tout loisir d’exprimer des sentiments russophobes exacerbés qui trouvent écho chez les jocrisses béats et le vaste peuple des irréversibles benêts.

Les médias relevant de la gauche bobo/caviar ne sont pas les derniers à exprimer leur haine de la Russie et leur approbation enthousiaste des menées otaniennes étayées par une désinformation de masse systématisée.

Dans un tel contexte, oser prendre la défense de la Russie relève presque de l’innocence.

Je citerai donc simplement ici un extrait du dernier ouvrage de Sylvain Tesson , « Berezina », qui me semble traduire de manière assez juste à la fois le sentiment qu’ont les Français du peuple russe et celui qu’ont les Russes de leur situation dans le contexte géopolitique actuel.

 » […) Ô, nous aimions ces Russes. Chez nous, l’opinion commune les méprisait. La presse les tenait, au mieux, pour des brutes à cheveux plats, incapables d’apprécier les mœurs aimables des peuplades du Caucase ou les subtilités de la social- démocratie et, au pire, pour un ramassis de Semi-Asiates aux yeux bleus méritant amplement la brutalité des satrapes sous le joug desquels ils s’alcoolisaient au cognac arménien pendant que leurs femmes rêvaient de tapiner à Nice. Ils sortaient de soixante dix ans de joug soviétique. Ils avaient subi dix années d’anarchie eltsinienne. Aujourd’hui, ils se revanchaient du siècle rouge, revenaient à grands pas sur l’échiquier mondial. Ils disaient des choses que nous jugions affreuses : ils étaient fiers de leur histoire, ils se sentaient pousser des idées patriotiques, ils plébiscitaient leur président, souhaitaient résister à l’hégémonie de l’OTAN et opposaient l’idée de l’eurasisme aux effets très sensibles de l’euro-atlantisme. En outre ils ne pensaient pas que la Russie avait vocation à s’impatroniser dans les marches de l’ex-URSS  »

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A propos de Poutine, de la Russie et de l’Occident, MARIANNE2 présentait ainsi un article de Mathieu Slama (8 août 2015) :

Selon l’analyste Mathieu Slama, ce qui se joue entre Vladimir Poutine et les dirigeants européens, ne se situe pas simplement autour de la question ukrainienne mais au niveau des idées, « sur quelque chose de bien plus fondamental et décisif ». Deux visions du monde qui s’entrechoquent,  » la démocratie libérale et universaliste » côté européen et « la nation souveraine et traditionaliste, de l’autre « , côté Poutine.

Slama écrivait (extrait) :

[….] « On peut reprocher beaucoup de choses à Vladimir Poutine, mais il y a une chose qu’il est difficile de lui contester, c’est son intelligence et l’imprégnation qu’il a de la culture et de l’âme russes. D’un côté la démocratie libérale et universaliste ; De l’autre, la nation souveraine et traditionaliste. En cela, nous dit Hubert Védrine dans le dernier numéro du magazine Society consacré à Poutine, il se distingue très nettement de ses homologues européens : « C’est un gars [sic] très méditatif, qui a énormément lu. Vous ne pouvez pas dire ça d’un dirigeant européen aujourd’hui. Il y a une densité chez Poutine qui n’existe plus chez les hommes politiques ».

Je rédigeais pour ma part le commentaire suivant :

1. Bel universalisme en effet que celui de l’Occident. Il n’est que de considérer les conquêtes coloniales des pays européens et les répressions qui ont accompagné les diverses luttes de libération nationale des peuples jugulés.

2. Si l’on prend comme référence première la nation qui est l’archétype ou le prototype du « monde occidental », les dernières manifestations concrètes de ses idéaux en Irak et au Moyen Orient ne plaident pas excessivement en faveur d’une exportation des « valeurs » de la démocratie libérale et universaliste.

3. S’agissant de la Russie, lorsqu’un pays se sent menacé d’encerclement, ou pire, par une coalition militaire, il paraît assez logique de voir ses dirigeants faire appel à des notions patriotiques et « souverainistes ». Ce fut, me semble-t-il, le cas de la France lors de la dernière guerre.

4. Védrine, convenons en, c’était autre chose que le petit marquis Fabius. Lorsque j’aperçois dans quelque lucarne ce Gribouille suffisant et prétentieux, je ne puis m’empêcher de me remémorer son humiliation face à Chirac (qui n’est pourtant pas de mes idoles) lors d’un débat resté célèbre.

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