Aller à…
RSS Feed

29 mars 2024

Tunisie, Egypte… les lois antiterroristes fragilisent la liberté de la presse


Tunisie, Egypte… les lois antiterroristes fragilisent la liberté de la presse

image: http://s1.lemde.fr/image/2015/08/21/768×0/4732858_7_16fe_un-soldat-tunisien-en-faction-apres_27acd1bc8461d587b446af68f080e8a2.jpg

Un soldat tunisien en faction après l’attaque du Bardo, le 18 mars 2015.

Nous appelions récemment au refus de confondre lutte contre le terrorisme et atteinte aux libertés individuelles. Hélas, les récentes résolutions prises en Egypte et en Tunisie semblent indiquer que ces pays ont choisi d’adopter le chemin inverse.

Dans les deux pays, de nouvelles lois antiterroristes viennent durcir l’arsenal législatif en matière de liberté d’opinion et notamment de liberté de la presse. On semble se résoudre à une mise au pas des organes de presse en empêchant les journalistes de s’acquitter de leur devoir d’informer juste et vrai; devoir si utile à la démocratie.

En Tunisie, les attentats du Bardo et de Sousse ont déclenché une réaction des autorités qui ont adopté, le 25 juillet, en procédure d’urgence, une nouvelle loi restreignant fortement la marge de manœuvre des journalistes et les soumettant plus facilement aux poursuites pénales.

Lire aussi : Attentat du Bardo à Tunis : huit suspects ont été libérés

Les fortes réprobations des organisations de défense des droits de l’homme et du Syndicat national des journalistes tunisiens, ainsi que la campagne « la liberté de l’information ne tient qu’à un fil » menée avec Reporters sans frontières ne changeront pas grand-chose. Le danger qui guette la presse dans le pays est bien réel.

En Egypte également, l’Etat s’est engagé dans une voix similaire, après les attaques du Sinaï et l’attentat contre le procureur Hicham Barakat. La loi égyptienne prévoit dorénavant une amende allant de 23 000 à 58 000 euros ou une interdiction d’exercer la profession à tout organe diffusant de « fausses informations » ou contredisant le communiqué officiel d’une attaque terroriste contre l’armée ou la police égyptienne.

La décision du maréchal Al Sissi, au-delà du caractère liberticide de la loi en question, est symptomatique de l’état de la presse dans le pays.

Lire aussi : L’Etat islamique multiplie ses « franchises » en Afrique

Il est illusoire et même contreproductif de vouloir s’aliéner la presse dans un combat contre le terrorisme. Il ne s’agit pas dans nos pays d’établir un rapport de méfiance, voire de confrontation, avec une entité dont le rôle est fondamental dans l’établissement et la consolidation d’une démocratie et d’un Etat de droit.

Etant entendu également que l’engagement des médias soit sans équivoque. Car, le génocide du Rwanda a montré comment une presse peut jouer un rôle moteur de distillation de haine et d’horreur et générer une catastrophe humaine sans précédent.

Défendre la presse est une exigence politique et morale, surtout au moment où des fossoyeurs de toute forme de pluralisme nous opposent leur obscurantisme et leur barbarie.

Lire aussi : Le terrorisme fragilise la démocratisation en Afrique

Depuis l’affaire Charlie Hebdo, mon regard sur le rapport entre la presse et le terrorisme islamique ne sera plus le même. On a vu ce que le djihadisme pouvait produire comme horreur face à des citoyens armés de crayons et de bloc-notes.

L’Afrique accuse encore un retard sur la question du rôle majeur que doit jouer la presse dans l’élaboration d’une démocratie plurielle. Il est du rôle des Etats d’accompagner la presse dans cette voie.

Elle doit être un rempart face à l’absolutisme du djihadisme et non un ennemi à abattre, car il ne faut pas qu’après Charb, Cabu et les siens, le djihadisme génère d’autres « victimes » du métier.

Hamidou Anne est membre du think tank L’Afrique des Idées

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/08/21/tunisie-egypte-les-lois-antiterroristes-fragilisent-la-liberte-de-la-presse_4732859_3212.html#wyIWDEL8Jl5CLFGz.99

Partager

Plus d’histoires deLibye