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26 avril 2024

Assez de narcissisme moral : il faut négocier avec Assad


Assez de narcissisme moral : il faut négocier avec Assad

par hommelibre – vendredi 28 août 2015

Le président Hollande déclarait il y a deux jours : « Nous devons réduire les emprises terroristes sans préserver Assad. Les deux ont partie liée. En même temps, il nous faut chercher une transition politique en Syrie, c’est une nécessité. ».

Le goût du désastre

Il a précisé :

« un dialogue peut être engagé, faut-il en fixer les conditions. La première, c’est la neutralisation de Bachar el Assad. La seconde, c’est d’offrir des garanties solides à toutes les forces de l’opposition modérée, notamment sunnites et kurdes, et de préserver les structures étatiques et l’unité de la Syrie. »

En clair, neutralisation signifie son élimination au moins politique, voire physique. C’est une déclaration de guerre. Hollande est de tous les coups belliqueux. C’est le seul axe récurrent de sa politique en trois ans de présidence. N’y a-t-il plus de diplomatie française ? La France est-elle devenue à ce point un nain politique pour avoir besoin de telles démonstrations verbales ?

Cette déclaration sonne aussi comme une revanche contre Barak Obama, qui l’avait lâché en 2013 quand des frappes étaient envisagées contre le régime d’Assad suite aux révélations d’attaques chimiques attribuées au pouvoir (ce qui n’a pas été prouvé si ma mémoire st bonne). On a appris depuis que Daech est très fortement soupçonné de détenir et d’utiliser des armes chimiques…

En 2013 une coalition se dessinait contre Bachar el Assad, alors que l’on savait déjà que la rébellions syrienne était largement noyautée par les islamistes. Abattre Assad aurait ouvert toute grande la porte à ceux qui sont aujourd’hui connus sous le nom de Daech. Ils auraient eu un pays entier à disposition, avec son armée, ses armes, l’accès à la mer, le Liban tout près, bref l’un des pires scénarii envisageable. Le veto de la Russie et sa flotte basée à Sébastopol ont probablement empêché ce plan promis au désastre.

syrie,libye,francois hollande,assad,daech,frères musulmans,guerre,france,obama,russieUne partie du désastre a cependant eu lieu, on le sait aujourd’hui, avec l’organisation Etat islamique contre lequel des frappes sont en cours depuis un an.

Les soutiens à la rébellion syrienne ont servi les islamistes. Comment François Hollande peut-il imaginer qu’abattre Assad ne sera pas une manière d’ouvrir un boulevard à Daech ? Est-il sérieux quand il parle ? Veut-il surfer sur le terrorisme et détourner l’attention de son échec politique grave en instillant la peur par la menace de guerre ?

Après Daech, les Frères musulmans ?

On voit l’état de la Libye après la « libération ». Cela pourrait être pire en Syrie. Il n’y a visiblement aucun plan pour un après Assad. Au mieux il faudrait envoyer des troupes de l’ONU avec un mandat durable. Cela ne se fera pas car derrière la crise syrienne se joue une partie importante de la géopolitique mondiale. Et l’idée de négocier avec l’opposition modérée est dérisoire : il n’y a plus d’opposition modérée en Syrie, plus d’opposition crédible. Seuls subsistent quelques exilés qui parlent en Europe au nom de feu cette opposition et qui ont siège au Caire. Une poignée de gens loin du terrain.

De plus cette opposition est très divisée et accusée d’être dominée par les Frères Musulmans. C’est dire sa crédibilité. C’est comme chasser un lion pour le remplacer par un tigre. C’est insensé. Hollande est-il à ce point déconnecté de la réalité ? A tout le moins il est encore une fois totalement illisible.

syrie,libye,francois hollande,assad,daech,frères musulmans,guerre,france,obama,russie,Ou alors, autre solution : accepter une révision déchirante du discours tenu depuis trois ans et négocier avec Assad. Car abattre Assad, outre le fait que la Syrie deviendra une autre Libye, aura pour conséquence possible deux massacres par les islamistes : les Alaouites et les Yézidis (sauf les femmes, bétail à violer pour les djihadistes). Et peut-être aussi des kurdes. On pourrait se dire que les islamistes peuvent être vaincus. Les déclaration américaines il y a quelques temps, selon lesquelles il faudrait « au moins trois ans » pour les battre, ne sont guère encourageantes.

Mais négocier avec Assad serait se déjuger et ameuter tout ce que le monde contient de défenseurs des droits de l’Homme. Sans compter qu’il faudrait aussi changer d’attitude envers la Russie. Pourtant ce serait un moyen d’en finir plus rapidement avec le désastre humanitaire en cours. Négocier avec le seul qui représente encore un pouvoir central (même si diminué) c’est éviter pire, c’est peut-être mettre fin aux souffrances de millions de personnes, à l’exil de millions de réfugiés. C’est tenter de mettre fin à cette tartufferie d’indignation morale facile – on garde les mains propres, ce narcissisme moral, pendant que le sang et les bateaux coulent. Un peu de courage, monsieur Hollande, et les autres qui avez vendu des armes sans état d’âme.

Cela ne semble pas proche d’arriver. Les cohortes de réfugiés continueront donc à échouer sur les côtes européennes ou à se noyer sous l’oeil des caméras de télévision. Pendant que François Hollande continuera à s’acharner à trouver une raison de se représenter en 2017.

Ce ne serait que dérisoire, si ce n’était pas aussi monstrueux.

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