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19 avril 2024

Les réfugiés servent de paratonnerre


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8 septembre 2015

En ce moment les syndicats se préparent pour automne chaud. Les réfugiés dans nos rues et les déclarations sentencieuses de politiciens populistes forment un excellent paratonnerre contre cette lutte sociale qui s’annonce.

Nous le savons de par notre propre histoire : la guerre fait fuir les gens en masse. Au cours de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale, des centaines de milliers de nos compatriotes ont cherché refuge dans les pays voisins, où ils ont été les bienvenus et ont reçu un bon accueil. C’est la logique même, car tout pays civilisé ouvre ses frontières aux personnes en détresse qui fuient la violence.

Dans le cas de l’afflux actuel, il y a une raison supplémentaire pour accueillir les expatriés. La majorité d’entre eux viennent d’Afghanistan, d’Irak, de Syrie et de Libye, précisément quatre pays où nous sommes largement responsables de la violence guerrière. L’Occident voulait changer les régimes de ces pays, avec toutes les conséquences possibles. L’invasion de l’Irak a entraîné la naissance de l’État islamique. En Libye, notre intervention militaire a provoqué le chaos total dans le pays. En outre, elle a entraîné une dispersion massive d’armes et donc de violence dans la région. Mais surtout, elle a ouvert les vannes aux réfugiés d’Afrique.

On parle d’une « crise des réfugiés », ce qui n’est pas exact. Ce à quoi nous assistons chez nous n’est pas une crise des migrants, mais bien une crise délibérée de l’accueil, en tout cas en ce qui concerne la Belgique. En ce sens c’est aussi une crise des consciences et du niveau de civilisation dans notre pays. Bien sûr, il y a une crise des réfugiés, mais elle se déroule ailleurs, pas ici. En Syrie il y a dix millions de gens qui fuient leur propre pays. La Turquie accueille 1,7 millions de Syriens, le Liban, 1,1 million, soit un quart de sa population. Heureusement, la Belgique a eu la générosité de bien vouloir en accueillir 5662 …

Ceux qui prétendent ou laissent entendre que nous sommes débordés par les réfugiés sont de mauvaise foi. On s’attend cette année à un million de demandes d’asile en Europe. Cela fait 0,2 % de la population totale. En outre la très grand majorité – 80 % – est accueillie en Allemagne. Ce pays, qui pour ces mêmes politiciens de droite reste le grand modèle, aborde la question sous un angle totalement différent. Là-bas le gouvernement engage justement la confrontation avec les crispations populistes et primitives, au lieu de jeter de l’huile sur le feu. Le taux de vieillissement en Allemagne est le plus élevé d’Europe et à terme, il hypothèque l’économie allemande. Le gouvernement l’a bien compris et il considère l’afflux de réfugiés comme une perfusion bienvenue contre le vieillissement de sa population.

Les populations arabes et africaines sont très jeunes et on aurait du mal à qualifier de fainéants des gens qui ont bravé des déserts et des mers démontées pour arriver jusqu’ici. Des études ont démontré que les immigrants sont toujours plus entreprenants que la population autochtone et qu’ils sont moins enclins à une criminalité lourde. La fable suggérant qu’ils profitent de notre sécurité sociale ne tient pas. Selon une étude récente de l’OCDE (le club des 30 pays les plus riches) la contribution annuelle nette des migrants au trésor représente en moyenne 0,35 % du PIB, et en Belgique ce serait même le double ,soit 0,76 %.

Le refus de prévoir un accueil sérieux et humain est choquant. Pires encore sont les tentatives de certains politiciens d’attiser des sentiments primitifs pour en jouer. L’éditorial de Knack souligne à juste titre : «  On pourrait attendre des politiques qu’ils expliquent à la population que nous ne pouvons abandonner à leur sort des personnes qui fuient la guerre, et qu’elles ont droit à un minimum d’aide. Après les expériences de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale il ne devrait plus y avoir le moindre doute à ce sujet. Le mot « profiter » ne fait rien d’autre que semer le doute ».

Le chaos organisé autour de l’accueil arrange bien ce gouvernement de droite. En ce moment, les syndicats se préparent pour un automne chaud. Les réfugiés dans nos rues et les déclarations sentencieuses de politiciens populistes constituent un excellent paratonnerre pour la lutte sociale qui s’annonce. La question des réfugiés doit nous faire oublier que la facture de l’énergie augmente de 30 %, que nous devons travailler plus longtemps pour une pension réduite, que nous devons avaler un saut d’index, que les malades sont débusqués, etc. Au début de cette année, les militaires déployés dans la rue ont dû détourner l’attention de l’opposition sociale. A présent, c’est au tour des réfugiés. Les images des demandeurs d’asile qui campent autour du bâtiment de l’Office des Etrangers sont carrément honteuses et elles dégradent l’image de marque de notre pays. Dans le passé des ministres ont dû démissionner pour moins que cela.

Références : Knack 2 septembre 2015 ; The Economist 29 août 2015 ; De wereld morgen ; OECD.

Traduction du néerlandais par Anne Meert pour Investig’Action.

Source : Investig’Action

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