Aller à…
RSS Feed

26 avril 2024

Abdessalem Larif: Le chemin bloqué de Damas


ITRI   :  INSTITUT TUNISIEN DES RELATIONS INTERNARIONALES

Abdessalem Larif: Le chemin bloqué de Damas

Abdessalem Larif 1

 

 

 

Le chemin bloqué de Damas
Maître Abdessalem Larif
Tunis le 17 Septembre 2015

 

Je ne sais s’il existe un vocable pour désigner une prise d’otage dans laquelle la victime serait consentante tout en payant elle-même la rançon sur ce qui ne lui appartient pas. Sous l’appellation de Pacte de Quincy, un marché conclu en 1945 entre F.D. Roosevelt, au pied levé si l’on ose dire, et Abdelaziz Ibn Séoud , cette aberration, enserrant dans les mêmes liens des monarchies écloses par la grâce de sa majesté britannique autour du Golfe Arabique, en plein 20ème siècle, ne pouvait franchir le seuil du 21ème sans que ne se fît enfin jour, pour tout le monde, dans sa nudité, comme la Vénus de Botticelli, cette vérité diversement escamotée que des régimes aussi archaïques n’en ont plus pour longtemps.

LE CHEMIN BLOQUE DE DAMAS.
Maître Abdessalem Larif
Tunis le 17 Septembre 2015

Je ne sais s’il existe un vocable pour désigner une prise d’otage dans laquelle la victime serait consentante tout en payant elle-même la rançon sur ce qui ne lui appartient pas. Sous l’appellation de Pacte de Quincy, un marché conclu en 1945 entre F.D. Roosevelt, au pied levé si l’on ose dire, et Abdelaziz Ibn Séoud , cette aberration, enserrant dans les mêmes liens des monarchies écloses par la grâce de sa majesté britannique autour du Golfe Arabique, en plein 20ème siècle, ne pouvait franchir le seuil du 21ème sans que ne se fît enfin jour, pour tout le monde, dans sa nudité, comme la Vénus de Botticelli, cette vérité diversement escamotée que des régimes aussi archaïques n’en ont plus pour longtemps.
A l’objection selon laquelle ledit pacte vient justement d’être renouvelé pour soixante ans, il n’est pas faux de répondre que l’oncle Sam n’en serait pas à sa première entourloupe en fait d’alliances indéfectibles même si, sans une pensée furtive pour les infortunés Pahlévi par exemple, la ficelle est déjà trop grosse. Les monarques de fortune dont nous parlons et, derrière eux, leurs prolifiques progénitures le savent qui cherchent, dans un affolement de plus en plus perceptible, à lui substituer deux protecteurs moins regardants, j‘ai nommé la Turquie et Israël. C’est ce que les événements qui se déroulent sous nos yeux démontrent à l’envi. Plus intéressante à observer, une part inhabituelle d’initiative dans le déclenchement et la gestion des guerres civiles qui font rage au moyen orient revient aux dynasties Ibn Séoud et Al Thani agissant pour leur propre compte, et c’est là précisément un péché qui mène droit à la casse américaine.
On notera que les premiers, maîtres d’œuvre dans le projet wahhabite, se sont montrés ambivalents à la manœuvre, y allant sans concession ou nuance sur le fond mais avec le souci de ménager provisoirement les proies les plus coriaces comme l’Egypte qu’en quelque sorte ils caressent dans le sens du poil.
Les seconds, quant à eux, ont adopté, en surpassement fantasmatique des dimensions territoriale et humaine de leur nain émirat, une ligne beaucoup plus effrontée sur laquelle ils se sont essayés aux disciplines jusqu’alors réservées à leurs aînés que sont le renseignement, la propagande, le recrutement et le soutien opérationnel. Ceci étant, il serait erroné de prêter aux puissances occidentales, et aux USA en particulier, des intentions avouables dans cette affaire où leurs intérêts se recoupent, quoique dans des perspectives différentes, avec ceux des protagonistes désignés plus haut mais où se sont illustrés surtout leur cynisme et leur froideur devant un déferlement de barbarie et de crimes innommables n’ayant pas épargné, au surplus, leurs propres ressortissants.
La sanction annoncée ne sera donc pas inspirée par un sens moral quelconque mais par leur propre sécurité et s’inscrit déjà dans le champ d’application d’un axiome stratégique sans merci. Aussi, la question se pose de savoir, du point de vue américain, en quoi la Saoudie et le Qatar y feraient figures de contrevenants. En effet, avec la fin de la guerre froide et notamment pour faire face aux menaces terroristes apparues avec l’instauration d’un ordre mondial nouveau, la redéfinition des intérêts américains impliquant directement leur sécurité et celle du redéploiement conséquent de leur politique étrangère ont fait l’objet d’un corps de doctrines dit National Security Strategy (NSS) où se sont succédés plusieurs aménagements que l’on peut regrouper très sommairement sous deux visions principales, celle, intransigeante, prônée principalement par P.Wolfowitz ( NSS 2002 ) , mise en application par G.W.Bush avec la brutalité que l’on sait et celle, en apparence plus ouverte aux compromis mais encore indécise, suivie par B.H.Obama (NSS 2010 et 2015) . Ce qu’il importera d’en retenir dans notre propos, c’est d’abord que toutes deux, excluent explicitement de leurs affinités civilisationnelles, et donc de leur concept de défense commune contre l’agression, les nations ou tout au moins les régimes qui ne répondent pas à la qualification de « like-minded nations ».
Ensuite, par le remplacement intervenu du principe de guerre préventive par celui de guerre préemptive où l’action militaire a pour but de devancer une menace de même nature ayant atteint un seuil critique de belligérance et où il est devenu vital de reculer le plus loin possible les niveaux d’alerte que les crises internationales mal contrôlées peuvent atteindre.
Aussi, il faut lire le postulat formulé par Obama pour dire que les USA ne feront usage de la force qu’en dernier recours comme un gage de modération inhibiteur d’agressivité à l’intention des grandes puissances aux prétentions hégémoniques concurrentes mais surtout un avertissement extrêmement ferme à l’adresse des autres nations liées par des accords de défense, même alliés, contre toute entreprise politique non concertée ou initiative séparée susceptible d’entraîner les USA dans un conflit armé les opposant directement à l’une des première et en particulier à la Russie.
La sécurité des Etats Unis est aujourd’hui sérieusement engagée en Syrie avec une implication militaire déclarée et de plus en plus massive de la Russie. Il fut un temps où dans une confrontation paroxysmale entre les deux grandes puissances nucléaires, il était envisageable, comme dans l’affaire de Cuba en 1962, que l’URSS reculât, seulement pour la Russie d’aujourd’hui il ne s’agit plus d’expansion idéologique mais bien d’autre chose. Se trompent ceux qui accordent crédit à l’idée réductrice, quelque peu méprisante, répandue par les médias occidentaux et reprise à son compte avec calcul par Poutine en personne, que les soldats Ivan et Popoff sont en Syrie pour protéger le régime de Bachar El Assad.
Non, la Fédération de Russie, juridiquement privilégiée pour son intervention dans la région, par un traité d’amitié et de coopération antérieur, est surtout partie prenante dans la lutte contre le terrorisme islamique pour s’interdire à ses prévisibles bourgeonnements. De leur côté, les USA, quand ils ne sont pas contredits par certains de leurs anciens hauts responsables politiques et militaires, se déclarent hostiles au prétendu état islamique et disposés à le combattre sans d’ailleurs faire illusion sur le terrain ou plutôt dans les airs où ils font jouer à la France un rôle de comparse avec une mollesse de mauvais aloi. Nonobstant l’axe Damas-Moscou-Téhéran-Pékin qui se profile derrière la scène politique arabe Il est clair que des enjeux planétaires de sécurité ont été sciemment ou maladroitement, mais dans les deux cas coupablement exposés au sort des armes devant clôturer l’aventure wahhabite, dans l’échec, sur le chemin bloqué de Damas.
Maître Abdessalem Larif

Partager

Plus d’histoires deLibye