Retour sur les manœuvres et les mensonges à répétition devant justifier le soutien aux « rebelles modérés » en Syrie et la mise à l’écart du président Bachar el-Assad.
Rappel des faits. En 2013 la diplomatie française a intensifié les campagnes accusant Assad d’avoir fait usage de l’arme chimique devant donner prétexte à une intervention militaire en Syrie; tout en passant sous silence les indices qui incriminaient les groupes islamistes. Le président Hollande avait obtenu le ralliement des Etats-Unis à son plan d’attaque. Le 31 août 2013 alors que les pilotes étaient prêts à décoller un miracle s’est produit. Programmée le 1er septembre à 3h du matin l’intervention militaire voulue par la France n’a pas eu lieu. Le président Obama a appelé Hollande pour lui signifier que l’attaque était annulée. M. Hollande était furieux. Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, en plein accord avec M. Hollande, n’a depuis jamais cessé de manœuvrer avec l’Arabie saoudite, pour tenter de faire tomber le président Bachar el-Assad.
Nous présentons, aux lecteurs qui n’en auraient pas été informés, une interview de la jeune journaliste Anastasia Popova, réalisée en juillet 2013, qui éclaire des faits dont notre presse, alignée sur la propagande des puissances engagées dans la déstabilisation de la Syrie, n’avait pas parlé. Anastasia Popova a échappé de justesse à un enlèvement de la part des terroristes d’al-Nosra lors d’un de ses reportages en zone de combat du côté gouvernemental. [ASI]
Hollande entouré de Fabius, Ayrault, Le Drian et Valls à l’Elysée, le 28 août 2013. DR: (KENZO TRIBOUILLARD/AFP)
Le carnage de Khan-Al-Asal : Une opération destinée à éliminer les preuves de l’usage des armes chimiques par les « rebelles »
Vidéos diffusée par les « rebelles » le 27 juillet 2013 montrant des exécutions collectives de soldats gouvernementaux et de civils
Les images d’une insupportable dureté, filmées par les auteurs du crime, montrent dans toute leur effrayante monstruosité qui sont, en vérité, ces « opposants » qui veulent renverser le gouvernement légal syrien et que l’appareil médiatique et politique occidental qualifie de « révolutionnaires » luttant contre un « régime tyrannique ».
La journaliste Anastasia Popova s’est rendue, plusieurs fois en zone de gouvernementale ; contrairement à ses consœurs Sofia Amara, Edith Bouvier, Florence Aubenas, etc, qui sont, elles, allées rejoindre les groupes islamistes en zone prétendument « libérée », vantant leurs mérites, au mépris des Syriens victimes de leurs exactions.
Silvia Cattori : À fin mars vous vous étiez rendue à Khan Al-Assal [1] – une localité fidèle au gouvernement de Bachar el-Assad – où vous aviez rencontré des témoins de l’attaque à l’arme chimique qui, le 19 mars, avait fait de nombreuses victimes. Après plusieurs mois d’assauts, le 22 juillet, Khan al-Assal est passé sous le contrôle du front terroriste al-Nosra. Avez-vous pu entrer en contact avec les témoins que vous aviez connu ?
Anastasia Popova : De ce que j’ai pu apprendre, les forces gouvernementales environ 100 soldats ont été pris par surprise [le 26 juillet]. Ils savaient qu’il y avait des activités suspectes autour de Khan Al-Asal mais ne se doutaient pas que cela serait aussi important. Mes sources parlent d’environ 5’000 rebelles [en majorité des mercenaires entrés via la Turquie] qui ont attaqué simultanément. Ils ont même utilisé des tanks contre ces soldats. Que pouvaient faire 100 soldats contre 5’000 assaillants ? Malgré toute leur bravoure et leur courage, il leur était impossible de s’en sortir en vie. Quand Al-Nosra est entré et s’est emparé de la zone, ils ont rassemblé tous les soldats dans la rue principale, à l’entrée du quartier, sur une colline, et les ont exécutés. Quelques uns ont été trouvés plus tard avec de profondes blessures, peut-être ont-ils subi des tortures ; il y a eu aussi des décapitations.
Sur une photo diffusée par les rebelles (*) j’ai reconnu la rue et l’endroit que nous avions visité quand nous étions là bas, à la fin du mois de mars. Dans la rue devant cette maison, nous avions bu avec ces jeunes soldats un café et du maté (une infusion traditionnelle). En effet, ils ne voulaient pas nous laisser partir avant que nous ayons accepté de boire et manger avec eux, un geste de courtoisie, une façon traditionnelle chez les Syriens d’inviter et de partager tout ce qu’ils ont avec leurs invités. Ils étaient drôles, faisaient des plaisanteries, se projetaient dans le futur en parlant de paix, mariage, enfants…, de leurs familles qui leur manquaient…
Sur la vidéo filmée par Al-Nosra, ce sont ces mêmes soldats que j’avais rencontrés que l’on voit allongés sur le sol, la plupart blessés, l’un d’entre eux n’avait que 22 ans. Son corps a été retrouvé plus tard à proximité des autres dans une décharge à l’extérieur de la ville.
Al-Nosra a tué des civils, des témoins oculaires de l’attaque chimique survenue en mars. J’ai essayé désespérément de contacter mes connaissances sur place ; leurs téléphones ne répondent pas. Lorsque vous apprenez que quelqu’un que vous connaissez a été tué vous refusez de le croire, vous commencez par l’appeler et quand vous entendez cette voix glaciale et métallique répétant cette même phrase « Le numéro que vous avez demandé, n’est pas disponible actuellement » vous haïssez cette phrase… Je ne sais pas si des témoins ont réussi à s’échapper. Mais je crains que tous aient été tués. Plus de 200 personnes en un jour ont été exécutées par Al-Nosra.
Silvia Cattori : Quelles peuvent être maintenant les conséquences pour la population ?
Anastasia Popova : Que peuvent être les conséquences d’un massacre, d’un crime contre l’humanité, d’une injustice flagrante et d’un déni total de l’Occident et de l’ONU ? Des centaines de vies ruinées juste dans un petit quartier, les souffrances insupportables et inimaginables de gens ordinaires, des vies brisées, des orphelins traumatisés, l’horreur dans les rues.
Parce qu’il n’avait pas prié au bon moment, des hommes d’Al-Nosra ont coupé la langue d’un enfant de 10 ans. Essayez juste une fois de regarder un enfant dans les yeux et de répondre à sa question muette. Qu’a t-il fait de mal pour mériter une telle « démocratie de la Charia » ? Il ne connait rien à la politique ; ce qu’il veut seulement, c’est jouer avec d’autres enfants comme il le faisait avant cette guerre. Des gens s’étaient enfuis de la région de Kafr Douli pour venir se réfugier à Khan Al-Asal afin d’échapper à ces rebelles. Mais ceux-ci ont réussi à les rejoindre et ils ont eu leur « jour de revanche ». Ainsi plus de 200 personnes ont été assassinées, plus de 200 vies ont été supprimées en une seule journée. C’est vraiment horrible.
Silvia Cattori : La diplomatie Russe a remis récemment au secrétaire général de l’ONU les résultats de l’analyse des échantillons prélevés à l’endroit où une attaque chimique avait frappé les habitants de Khan al-Assal en mars [2]. Les autorités syriennes ont demandé à l’ONU de se rendre en Syrie enquêter sur cette attaque. Une délégation vient juste d’arriver en Syrie. [3]. Leurs experts ne seront-ils plus en mesure de trouver des survivants parmi les témoins de l’attaque chimique ? Pensez-vous que, désormais toute enquête sera impossible et que la France et la Grande Bretagne vont pouvoir contester les preuves apportées par la Russie ?
Anastasia Popova : Maintenant l’ONU a subitement accepté de se rendre à Khan Al-Asal ? Maintenant les experts de l’ONU veulent aller inspecter la zone ? Et ceci après presque quatre mois de demandes de la part du gouvernement syrien ?
Quelle curieuse coïncidence ! Avec qui les experts de l’ONU ont-ils l’intention de parler de l’attaque à l’arme chimique qui a fait de nombreuses victimes en mars ? Avec les âmes des témoins oculaires ? Ou peut être avec leurs dépouilles ?
Bien sûr, ils ne remarqueront même pas qu’un nouveau massacre s’est produit. Ainsi peut être que les rebelles d’Al-Nosra se confesseront et diront aux inspecteurs de l’ONU comment ils ont tiré une roquette avec du gaz sarin hautement toxique sur les habitants de Khan Al-Assal. Peut être que les rebelles leur expliqueront pourquoi ils ont tué avec du poison chimique une trentaine de civils incluant femmes et enfants ? Peut être leur diront-ils où sont enterré les témoins qui avaient parlé avec la commission de l’ONU et avaient fourni les éléments qui avaient permis à Mme Carla del Ponte d’affirmer que c’étaient les rebelles qui avaient utilisé des armes chimiques et non pas le gouvernement syrien. Ou peut être peuvent-ils remercier ces enquêteurs qui se sont comportés comme des lâches en ne mentionnant pas ces éléments de preuve dans le rapport final de la Commission d’investigation ?
Il est évident que l’assaut qui a frappé Khan Al-Assal, juste après qu’un accord ait été trouvé entre l’ONU et Damas, était planifié. Il est évident que si les enquêteurs de l’ONU visitent la zone, les témoignages qu’ils pourront obtenir sur place seront biaisés parce que les véritables témoins, s’il y en a qui sont encore en vie, ne parleront plus maintenant que les rebelles d’Al-Nosra sont sur place.
Et que diront les rebelles aux enquêteurs ? Que c’est le gouvernement de Bachar el-Assad qui a lancé l’obus qu’ils avaient eux-mêmes lancé. Que c’est le gouvernement qui a tué ses propres sympathisants et ses propres soldats dans ce quartier de Khan Al-Assal – où tous les habitants sont fidèles au gouvernement d’el-Assad – parce que le gouvernement est démoniaque… Ce qui est un non-sens pour les gens qui se donnent la peine de penser … mais une vérité cristalline pour l’ONU !
Silvia Cattori : Je vous remercie.
(*) Dans cette photo prise par les terroristes d’Al-Nosra les soldats de l’armée gouvernementale syrienne sont étendus sur le sol, la plupart d’entre eux blessés ; l’un deux, connu d’A. Popova, avait 22 ans.
Vidéo montrant la barbarie des « terroristes modérés »
Traduit de l’anglais par Eric Colonna
Propos recueillis par Silvia Cattori | 29 JUILLET 2013
[1] Un reportage de la journaliste russe Anastasia Popova
http://www.silviacattori.net/article4520.html
[2] Syrie : les rebelles ont utilisé du gaz sarin affirme l’ambassadeur de la Russie auprès de l’ONU (Vidéo).
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=92XsxA-Szd0#at=13
[3] Fin mars 2013, les autorités syriennes ont demandé à l’ONU d’enquêter sur l’attaque chimique perpétrée à Alep.