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26 décembre 2024

Aux origines moyenâgeuses et fumeuses du sionisme


Aux origines moyenâgeuses et fumeuses du sionisme

Publié par Gilles Munier sur 23 Octobre 2015, 06:39am

Catégories : #Sionisme

Aux origines moyenâgeuses et fumeuses du sionisme

Vient de paraître: « Occident et Islam », aux Editions Sigest*, un ouvrage sortant de l’ordinaire concernant les origines du sionisme et de la théorie néoconservatrice fumeuse dite du « Choc des civilisations« .

Youssef Hindi, jeune chercheur franco-marocain, les fait remonter – solides sources à l’appui – à des projets messianiques élaborés au 13ème siècle dans certains cercles rabbiniques kabbalistes. A lire, même si on ne partage pas totalement les thèses défendues.

Entretien avec l’auteur.

Vous défendez dans votre livre une thèse nouvelle à propos du sionisme. Pouvez-vous la présenter brièvement ?

Youssef Hindi: La thèse principale de mon livre est la suivante : le sionisme n’est pas, contrairement à l’idée répandue, une idéologie athéiste ; il n’est pas non plus né, comme le pense certains historiens comme Shlomo Sand, dans les milieux protestants puritains anglais au XVIIe siècle.

Le sionisme est à l’origine un projet messianique, né dans des cercles rabbiniques au Moyen-Âge, à partir du XIIIe siècle. Ce projet a mûri et s’est renforcé en se transformant à travers les siècles pour finir, comme un certain nombre d’idéologies modernes au XIXe siècle, par prendre une apparence athéiste.

Ce n’est pas la seule thèse que je défends dans cet ouvrage ; ce mouvement messianique actif qui a donné naissance au sionisme a parallèlement accouché de la stratégie du « Choc des civilisations » et du mythe du judéo-christianisme dès le début du XVIe siècle.

Que ces projets et idées soient nés au Moyen-Age c’est une chose, mais comment expliquez-vous qu’ils aient pu traverser les époques ? Plus encore, comment ces idées religieuses se seraient transformées pour finir, comme vous le dites, par prendre une apparence athéiste ? N’est-ce pas une contradiction dans les termes ?

Youssef Hindi: Tout au long du livre j’illustre cette thèse fondamentale qui n’apparaît pas forcément à la première lecture : l’actualisation des idées dans l’Histoire. L’Histoire est poussée, animée par des forces que sont les idées, les idéologies, qui se forment, se transforment et entre en expansion. Ces idées naissent dans l’esprit des hommes et les guident, eux et les groupes actifs qu’ils forment. Ce sont ces groupes animés par ces idées qui font l’Histoire.

Par ailleurs, j’avance mes affirmations pas à pas avec une grande prudence et des sources variées et solides (423 notes de bas de page).

Je mets en évidence la cohérence du projet qui s’étale sur plus de sept siècles en prenant soin de montrer les liens existant entre les séries d’évènements importants, et souvent méconnues, qui ont «changé» de manière décisive le cours de l’Histoire.

Le messianisme juif a connu une phase de transition entre la fin du XVIIe siècle et le courant du XVIIIe avec le courant sabbato-frankiste. Ce puissant mouvement historique, messianique, apocalyptique et antinomique (s’opposant à Dieu et à la loi naturelle) qui est né avec les faux messies Sabbataï Tsevi et Jacob Frank (l’un faussement converti à l’Islam et l’autre au Catholicisme), a tracé une voie menant à un messianisme athéiste qui donnera une apparence matérialiste au vaste projet messianique. C’est de ce mouvement que vont naitre les révolutions utopistes libertaires et socialistes des XIXe et XXe siècles.

C’est dans cette même période que va émerger, en Europe centrale – là où justement vont pulluler les mouvements révolutionnaires athéistes –, le sionisme sous sa forme athéiste.

Qu’en est-il alors de la théorie du « Choc des civilisations » ? Vous dites qu’elle est liée au messianisme et au sionisme. Ne spéculez- vous pas en tentant de tout rapporter à ce messianisme ?

Youssef Hindi: Le « Choc des civilisations » n’est en aucun cas une théorie mais une stratégie. Mes recherches montrent que cette stratégie a été élaborée par un kabbaliste du nom de Solomon Molcho – suivant les interprétations rabbiniques et eschatologiques de la Bible – qui, au XVIe siècle, a tenté de lancer l’Église puis le Saint-Empire romain germanique, dans une guerre contre l’Empire ottoman, afin d’expulser ce dernier de Palestine et y reconstruire le royaume d’Israël. C’est précisément ce que les Britanniques ont fait au sortir de la Première Guerre mondiale, par le démantèlement de l’Empire ottoman et la création du Foyer juif en Palestine (1919-1920) à la suite de la promesse faite par les Anglais aux sionistes dans la Déclaration Balfour (1917). Le projet de Molcho a mis quatre siècles à s’accomplir, mais il s’est finalement réalisé ; ceci est une des preuves que j’apporte en guise de démonstration de la permanence du projet messianique et du lien intrinsèque existant entre le sionisme et la stratégie du « Choc des civilisations », la seconde étant la condition préalable à la réalisation du premier.

En 1957, Bernard Lewis, le maître de Samuel Huntington, « laïcisera » cette stratégie messianique en lui donnant un habillage scientifique pour l’ériger ainsi en théorie. Lewis, en digne héritier de Molcho, dans l’optique de guerres entre le monde (post)chrétien et le monde musulman, décrète alors que ces deux grandes religions seraient ontologiquement vouées à s’affronter. C’est ce même Bernard Lewis, de confession juive et détenteur des nationalités israélienne, britannique et étasunienne, qui œuvra dans le début des années 2000 pour convaincre Dick Cheney, alors vice-président des Etats-Unis, d’envoyer l’Amérique en guerre contre l’Irak.

Ce « Choc des civilisations » fabriqué de toute pièce n’est au fond que le faux nez de ce que j’appelle « un choc idéologique mondial » opposant le monde vétérotestamentaire – recouvrant le bloc anglo- thalassocratique, ses vassaux anciennement catholiques du vieux Continent, les pétromonarchies wahhabites et Israël – au reste de l’Humanité.

*Occident et Islam, Ed. Sigest – 2015 – 256 pages, 16 euros

Commande : http://editions.sigest.net/

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