Du Communiqué de Genève à la Résolution 2254
23 décembre 2015
Réseau VoltaireDu Communiqué de Genève à la Résolution 2254Thierry MeyssanLundi 21 décembre 2015 Les termes de la Résolution 2254 confirment pour l’essentiel ceux du Communiqué de Genève adopté il y a trois ans. Les deux plus grandes puissances militaires du monde s’accordent pour le maintien de la République arabe syrienne, tandis que les impérialistes —au premier rang desquels la France— poursuivent leur rêve de changer le régime par la force. Mais le monde s’est transformé durant ces années et il semble difficile de faire capoter ce nouvel accord comme cela avait été fait en 2012. Les relations Washington-MoscouLes États-Unis et la Russie viennent, pour la seconde fois, de trouver un accord entre eux et de conclure un plan de paix pour la Syrie.
Le retrait des conseillers militaires iraniens avait débuté peu avant le sommet du Kremlin. La Russie s’est mise en conformité avec le Communiqué de Genève. Celui-ci prévoit en effet d’intégrer des éléments de l’opposition dans une sorte de gouvernement d’union nationale de la République arabe syrienne. Afin de montrer qu’elle lutte contre les terroristes, mais pas contre les opposants politiques fussent-ils armés, la Russie a conclu un accord avec l’Armée syrienne libre et avec son sponsor, la France. Alors que cette armée n’a jamais eu l’importance sur le terrain que les médias atlantistes lui ont donnée et qu’elle n’existe plus depuis la fin 2013, 5 000 combattants, sortis d’on ne sait où, collaborent désormais aussi bien avec l’armée russe qu’avec celle de la Syrie contre Al-Qaïda et Daesh ; une mise en scène bien surprenante lorsqu’on sait que l’ASL était censée être implantée au Sud, mais qu’elle combat désormais au Nord du pays. Depuis le fiasco de la Conférence de Genève de juin 2012, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Certains protagonistes ont été éliminés et les rapports de force se sont inversés.
Par conséquent, les rôles se sont inversés. En 2012, le Kremlin entendait se hisser à un niveau d’égalité avec la Maison-Blanche. Aujourd’hui, cette dernière a besoin de négocier au plan politique la perte de sa domination militaire. Signe du temps, la Rand Corporation, think tank emblématique du complexe militaro-industriel, vient de publier son Plan de paix pour la Syrie. Ce puissant groupe de réflexion avait déjà choqué l’establishment états-unien, en octobre 2014, en affirmant que la victoire du président el-Assad était la meilleure issue pour Washington [18]. Il propose désormais un cessez-le-feu qui permette de justifier la présence de représentants de l’opposition et des Kurdes dans le futur gouvernement d’union nationale [19]. L’opposition à la nouvelle donne mondialeL’opposition à la politique de Barack Obama n’a pas pour autant disparu. Ainsi, le Washington Post l’accuse d’avoir capitulé sur la question du changement de régime en Syrie face à la Russie [20]. En 2012, on pouvait interpréter l’opposition du clan Petraeus-Clinton à la paix comme une volonté de profiter au maximum de la supériorité militaire US. Mais avec le développement des nouvelles armes russes, cela n’a plus de sens. Dès lors, la seule interprétation possible est le pari de provoquer sans tarder un affrontement mondial, sachant que les Occidentaux pourraient éventuellement encore le gagner ; chose qu’ils ne pourraient aucunement espérer lorsque la Chine sera capable d’aligner également son armée. Comme lors de la Conférence de Genève, la France est intervenue dès la résolution 2254 adoptée. Son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a à nouveau déclaré que si tous les groupes d’opposition devaient pouvoir participer à la transition en Syrie, le seul président el-Assad devait en être exclu ; une idée contraire aux principes du Communiqué de Genève et de la résolution 2254. Si l’on pouvait interpréter, en 2012, la position française comme une volonté de changer le régime en substituant un gouvernement des Frères musulmans à celui du Baas, dans la continuité du renversement des régimes laïques arabes (« Printemps arabe ») ; ou comme une tentative de « faire saigner l’armée syrienne » pour faciliter la domination régionale par Israël ; ou tout simplement comme une ambition de recolonisation ; ce n’est plus possible aujourd’hui parce que chacun de ces trois objectifs passe par une guerre contre la Russie. La France instrumente la question syrienne pour le compte des faucons libéraux et des néo-conservateurs US. Ce faisant, elle est soutenue par les sionistes messianistes qui, comme Benjamin Netanyahu, considèrent comme un devoir religieux de hâter la venue du Messie en provoquant l’affrontement eschatologique. La paix en Syrie ou la Guerre nucléaire ?Il serait extrêmement étonnant que les faucons libéraux, les néo-conservateurs et les sionistes messianiques parviennent à imposer leur politique aux deux Grands. Toutefois, il sera difficile de parvenir un résultat définitif avant janvier 2017 et l’arrivée d’un nouveau président à la Maison-Blanche. Dès lors, on comprend mieux le soutien affiché de Vladimir Poutine pour Donald Trump qui semble le mieux placé pour faire barrage à son amie Hillary Clinton [21]. En réalité, tout est prêt pour conclure une paix qui permette aux perdants de conserver la tête haute.
[1] « Communiqué final du Groupe d’action pour la Syrie », Réseau Voltaire, 30 juin 201. [2] « Obama et Poutine vont-ils se partager le Proche-Orient ? », par Thierry Meyssan, Оdnako (Russie), Réseau Voltaire, 26 janvier 2013. [3] « Discours de François Hollande à la 3ème réunion du Groupe des amis du peuple syrien », par François Hollande, Réseau Voltaire, 6 juillet 2012. [4] « L’Occident et l’apologie du terrorisme », par Thierry Meyssan, Tichreen (Syrie), Réseau Voltaire, 1er août 2012. [5] “Press meeting by Sergey Lavrov and John Kerry”, by John F. Kerry, Sergey Lavrov, Voltaire Network, 15 December 2015. [6] « Résolution 2253 (financement des groupes terroristes) », Réseau Voltaire, 17 décembre 2015. [7] « Résolution 2254 (Plan de paix pour la Syrie) », Réseau Voltaire, 18 décembre 2015. [8] « Deux épines dans le pied d’Obama », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 31 août 2015. [9] « L’émir de Qatar contraint par Washington de céder son trône », « L’ex-Premier ministre du Qatar écarté du Fonds souverain », Réseau Voltaire, 13 juin et 3 juillet 2013. [10] « L’Arabie saoudite durcit le ton face aux Frères musulmans », « Guerre secrète entre le Qatar et l’Arabie saoudite », Réseau Voltaire, 4 et 13 mars 2014. [11] « Ce que vous ignorez sur les accords états-uno-iraniens », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 6 avril 2015. [12] « Que deviendra le Proche-Orient après l’accord entre Washington et Téhéran ? », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 18 mai 2015. [13] « Syrie : Obama désavoue le général Allen et le président Erdoğan », « Washington interdit à Ankara de frapper les Kurdes de Syrie », « Frictions entre le Pentagone et son allié turc », « L’Otan refuse de s’impliquer dans la guerre secrète russo-turque », Réseau Voltaire, 28 juillet, 13 et 15 août, 8 octobre 2015. [14] « L’Ukraine et la Turquie créent une Brigade internationale islamique contre la Russie », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 12 août 2015. [15] “The Geopolitics of American Global Decline”, by Alfred McCoy, Tom Dispatch (USA), Voltaire Network, 22 June 2015. [16] « 7 juin 2012 : la Russie manifeste sa supériorité balistique nucléaire intercontinentale », « Coups de semonce russes », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 8 et 9 juin 2012. [17] « L’armée russe affirme sa supériorité en guerre conventionnelle », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 19 octobre 2015. [18] « Bouleversement des intérêts US au Levant », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 3 février 2015. [19] A Peace Plan for Syria, James Dobbins, Philip Gordon & Jeffrey Martini, Rand Corporation, December 17, 2015. [20] “On regime change in Syria, the White House capitulates to Russia”, Editorial board, The Washington Post, 17 décembre 2015. [21] “Vladimir Putin’s annual news conference”, by Vladimir Putin, Voltaire Network, 17 December 2015. Thierry Meyssan, Articles sous licence creative commons
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Source : Réseau Voltaire http://www.voltairenet.org/… |