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28 mars 2024

L’Algérie à la tête d’Afripol


Algérie Résistance

L’Algérie à la tête d’Afripol

Mohsen Abdelmoumen


Le siège d’Afripol à Alger. DR.

Mardi 22 décembre 2015

La naissance d’Afripol à Alger

Le 13 décembre dernier, la Conférence africaine organisée par la direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) a eu lieu à Alger avec la participation des représentants de 40 pays, de l’Union Africaine et d’Interpol. Les directeurs et inspecteurs généraux de police des pays africains s’étaient réunis en vue de finaliser la création d’une structure réunissant toutes les polices africaines pour une coopération visant à lutter contre la criminalité organisée, la cybercriminalité, le trafic de drogue et d’armes, et le terrorisme auxquelles ces diverses activités sont liées. Cette rencontre avait pour but d’entériner les textes juridiques relatifs à cet organisme qui sera opérationnel en 2016 sous la houlette de la DGSN. Cette nouvelle force africaine imaginée par l’Algérie en 2013 porte le nom d’Afripol et permettra à tous les pays africains de s’accorder dans la lutte contre le terrorisme. Le fait que l’Algérie soit à la tête de cette structure est d’une importance stratégique, car l’Algérie est non seulement un interlocuteur incontournable de par son expérience dans la lutte antiterroriste mais son influence se révèle capitale dans l’échange de données concernant le crime organisé et le terrorisme. Il est en effet plus que nécessaire d’établir un tel mécanisme qui pourra mettre sur pied une gigantesque base de données, d’où l’importance de la présence à cette réunion du DRS, représenté par son patron, le Général major Tartag, venu appuyer l’initiative de la DGSN. Rappelons que le DRS détient une énorme base de données constituée au cours des années de lutte antiterroriste. En assistant à ce colloque, le DRS fait donc un signe marquant envers les partenaires africains, apportant son poids à cette nouvelle structure. La base de données du DRS peut servir de véritable rampe de lancement dans la lutte antiterroriste, que ce soit en Afrique et en Europe. Cela se vérifie dans l’échange que les services de renseignement algériens effectuent avec les pays de l’Union Européenne, information confirmée par mes sources du côté européen. Les informations que le DRS a envoyées à des pays occidentaux, il faut insister à ce sujet, ont permis de déjouer de nombreux attentats sur le sol européen.

L’importance de créer une structure interétatique regroupant tous les pays africains est cruciale, car elle constituera une immense plateforme d’informations et permettra de coordonner les efforts de tous les pays vers un seul but : combattre la criminalité sous toutes ses formes, et surtout le terrorisme. Dans cette optique, aucun pays ne pourra se permettre de jouer en solo. C’est l’un des aspects très importants de cette initiative et c’est la raison pour laquelle il faut encourager l’idée d’Afripol. Le chef de la DGSN, le Général major Abdelghani Hamel, a donné les trois grands principes de la nouvelle structure africaine : mise en commun des capacités techniques, coopération opérationnelle et assistance mutuelle, insistant sur le fait qu’il faut aider ce bébé à grandir et à acquérir sa maturité, afin qu’Afripol devienne une organisation de poids.

Cette initiative inespérée intervient à un moment décisif pour le continent africain, car réunir autant de pays et arracher un accord commun est un véritable tour de force dû aux efforts de l’Algérie. Ce rôle de pionnier lui incombe de par son expérience inégalable dans la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité, notamment dans le grand banditisme, divers trafics de drogue, armes, etc., d’autant que la combinaison entre ces différentes formes de criminalité alliant grand banditisme, crime organisé et terrorisme est avérée. Sachant que les filières des narcotrafiquants passent à présent par l’Afrique, il est plus qu’essentiel de se doter des outils qui permettront dans un premier temps à récolter toutes les informations et de constituer une base de données commune entre tous les pays, atout majeur pour lutter efficacement contre le terrorisme. Ce premier pas de la coopération policière représentée par Afripol sera peut-être un préambule à la création d’une agence de renseignement africaine.

Autre effet positif d’Afripol dans les pays composant cette structure, la nécessité d’une coordination entre les différents services, allant de la police à l’armée en passant par les différentes agences de renseignement, sera prioritaire. Afripol sera en mesure de stimuler une coordination entre les États et au sein même de certains de ces États où il existe une défaillance entre les services sécuritaires, Afripol encourageant les différents corps sécuritaires à se coordonner, ce qui est vital pour la survie des États et des nations. Ainsi la question libyenne est au centre de toutes les préoccupations. La Libye est devenue un pays sans État, ni armée ni police, et, de plus, offrant un sanctuaire à divers groupes terroristes et où Daech étend son influence. L’expérience d’hommes tels que Toufik, Hassan, et autres spécialistes du renseignement s’avère donc essentielle et il est urgent de dépasser les grilles de lecture claniques et de permettre à ces hommes de valeur de pouvoir participer à nouveau à une lutte qu’ils connaissent bien. L’aspect politique n’est certes pas à occulter, il restera déterminant, et tous les pays devront régler leurs problèmes politiques internes.

Concernant la coopération entre services et États, même les Européens sont conscients de l’importance de l’échange d’informations puisque le débat est relancé en Europe. Bien que l’Union Européenne dispose d’Europol, les Européens en demandent encore davantage car leur territoire est devenu une cible pour les terroristes. Lors du dernier sommet des chefs d’État à Bruxelles, la Chancelière allemande Angela Merkel a fait une intervention intéressante au cours de laquelle elle a évoqué la nécessité de se servir de la base de données d’Interpol, demandant à ce que toutes les agences de renseignement et les différentes polices européennes s’en servent comme outil de travail. Madame Merkel a mis le doigt sur la plaie sachant que de nombreux États européens manquent de coordination, non seulement entre eux mais aussi au sein de certains États où il existe un manque flagrant de coopération entre les différents services de police et de renseignement. Cette harmonisation est essentielle pour lutter efficacement contre le terrorisme ou contre le grand banditisme avec les différents trafics, armes, drogue, etc. dont on sait maintenant qu’ils sont étroitement liés, car tous les spécialistes s’accordent à dire que les trafiquants d’armes et les narcotrafiquants sont liés à la nébuleuse terroriste, soit Daech ou Al-Qaïda. La constitution de bases de données est donc essentielle et constitue un enjeu stratégique majeur. Dans un second temps, la nécessité d’échanges intensifs d’informations entre les polices européennes et Afripol s’avéreront inestimables dans la lutte contre le terrorisme.

L’Algérie ayant pris l’initiative et le commandement d’Afripol, il faut effectuer un travail pédagogique et offrir une formation aux policiers, gendarmes et agents de renseignement des pays partenaires dans une mise à jour permanente afin d’obtenir des résultats probants et améliorer le rendement, ce qui sera répercuté au niveau de la structure et au niveau des États adhérents. S’il n’existe quasiment pas de police et d’armée dans certains pays africains, il faut commencer à réfléchir sur la manière de doter ces pays des différents segments sécuritaires, ce qui est plus que vital. Dans un autre chapitre, je plaide également pour la formation de journalistes capables de maîtriser l’information sécuritaire et qui puissent donner la parole à des acteurs de terrain expérimentés. L’information sécuritaire est tellement stratégique aujourd’hui qu’il faut former les journalistes à recouper, mettre en valeur l’information et à faire attention à leurs propos car les dossiers touchant aux renseignements sont extrêmement sensibles.

Passons sur les différentes spéculations concernant la présence du Général major Tartag à cette réunion et sur les supputations les plus fantaisistes liées au fait qu’il se soit fait photographier ou sur la couleur de sa cravate. Il faut cesser de lier les questions sécuritaires à des considérations vestimentaires, et dépasser la mentalité stupide de personnaliser les institutions. Les questions d’ordre sécuritaire ou de renseignement sont trop sensibles pour les réduire à des histoires de personnes et je formule le vœu que l’on arrête de parler des personnes pour se concentrer sur les différents déficits en matière de lutte contre le terrorisme et de la communication sécuritaire. Chaque personne qui a contribué à la lutte antiterroriste est importante, et ceux qui s’attaquent à l’ancien chef du DRS parce qu’il n’est pas là, ont trouvé un courage qu’ils n’ont jamais montré lorsque le général Toufik était en fonction. Ceux qui portent atteinte à Toufik et à ses collaborateurs – et je rappelle que Tartag a été l’adjoint de Toufik -, portent atteinte à toute l’institution du DRS et de l’armée. Il faut stopper cette mentalité de lâche qui consiste à attaquer celui qui n’est plus là. Quoi qu’il en soit, la présence de Tartag est un signe positif envers la nouvelle structure Afripol qui ne doit pas seulement être policière, même si la police y joue un rôle majeur, mais doit avoir un spectre très large et s’ouvrir aux différents corps de sécurité. Afripol opérationnelle sera un interlocuteur appréciable pour les Européens et autres partenaires, et aidera à réactiver une coopération, puisque la sécurité en Afrique garantit la sécurité de l’Europe. Comme les mouvements terroristes pullulent dans la région du Sasel (Sahara-Sahel), la coordination entre services dans le cadre d’Afripol permettra de se concerter et de coopérer avec la structure européenne, notamment avec le travail que fait aujourd’hui le coordinateur européen de la lutte antiterroriste, Gilles de Kerchove, qui trouvera côté africain de bons interlocuteurs et des gens expérimentés, notamment les services de renseignement algériens.

Alger, via l’initiative de la DGSN, est devenue aujourd’hui la capitale des polices africaines. Je rappelle que l’Algérie a combattu toute seule des hordes de terroristes pendant de longues années et connaît mieux que quiconque la nécessité d’avoir des partenaires. Ce n’est donc pas un hasard si elle a mis sur pied cette organisation. Son expérience acquise au cours de la décennie noire est un atout majeur pour la réussite des missions dévolues à Afripol. Avec le siège d’Afripol à Alger, la capitale algérienne est aujourd’hui le centre africain du renseignement et de la collecte d’informations, dont Afripol sera la pierre angulaire et une rampe de lancement pour d’éventuelles opérations visant à l’anéantissement de Daech et autres organisations criminelles. La coopération entre services européens et algériens et la structure Afripol dirigée par la DGSN, valorise l’expérience algérienne et permet une bonne coordination entre tous les services qu’ils soient européens, africains, et mondiaux. Certains États restant très réticents à échanger des informations et préférant le « donnant-donnant » en offrant le moins possible, pratiquant même la rétention d’informations, il est indispensable pour les pays partenaires d’être transparents et de comprendre que le refus d’échanger des informations doit être punissable. Par exemple, le Maroc, notamment via le Makhzen qui détient des informations concernant certains terroristes qu’il manipule ou dans le cas des terroristes belges issus de l’immigration marocaine que le Makhzen connaît très bien et qui n’a pas communiqué l’information à temps, ce qui a été confirmé par mes sources dans le renseignement belge. Ces agissements ne seront plus permis et entraîneront des sanctions immédiates, comme la mise en quarantaine voire l’expulsion. Tous les partenaires doit échanger leurs informations, le statut de l’Afripol devant privilégier la transparence en ne contentant pas d’être une coquille vide. Afripol doit être le fer de lance de la lutte anti banditisme, anti criminalité et antiterroriste. Les pays constituant Afripol doivent être mis à jour, envoyer leurs éléments effectuer des formations, des stages de perfectionnement, coordonner leurs efforts et les conjuguer avec les partenaires occidentaux qu’ils soient européens ou américains, ainsi qu’avec nos partenaires stratégiques tels la Russie et la Chine. L’Afripol deviendra ainsi un interlocuteur incontournable. C’est une structure qui doit bénéficier de tous les moyens en hommes et en matériel pour qu’elle puisse exister et se renforcer jusqu’à devenir référentielle. L’Algérie à cette fin doit jouer un rôle majeur, et la création de cette structure doit être aidée et cautionnée par toutes les instances, autant par l’ONU que par l’Union Européenne qui fait face aujourd’hui aux menaces terroristes.

Afripol n’est pas seulement une question africaine ou algérienne, elle doit être aussi une question européenne et internationale, c’est-à-dire mondiale. En étant à l’avant-garde de la construction de cette grande organisation, l’Algérie tourne aussi le dos à la nouvelle coalition absurde chapeautée par les Saoudiens et qui regroupe le Qatar et d’autres pays arabes. Je rappelle que l’Arabie saoudite est le premier financier du terrorisme. Une coalition antiterroriste sérieuse ne peut se mettre en place que sur la base d’une organisation transnationale telle qu’Afripol. Lutter contre le terrorisme ne se fait pas à la manière des Saoudiens avec des coalitions boiteuses qui ne servent qu’à agresser des pays au mépris de toutes les conventions internationales, comme on le voit avec le Yémen ravagé. Il faut que les Saoudiens, les Turcs et les Qataris, cessent de financer, armer et entraîner le terrorisme et renoncent à diffuser un contenu idéologique qui fabrique les terroristes via le wahhabisme. Il est heureux que l’Algérie ait travaillé à la création de cette structure africaine, car la profondeur géostratégique de l’Algérie est en Afrique et non dans les pays du Golfe ou en Asie. Nous ne devons pas occulter notre dimension africaine qui est aussi importante que nos différents partenariats et l’élargir vers d’autres secteurs, économiques et autres. Aujourd’hui, travailler sur le court terme est important mais à moyen et à long terme, une organisation comme Afripol qui disposera de suffisamment d’agents bien formés et compétents, s’avère essentielle. Face au fléau terroriste qui s’est internationalisé et qui agit sur plusieurs continents à la fois, c’est ensemble qu’il faut le combattre avec des structures supranationales qui regroupent plusieurs États, la sécurité de chaque pays dépendant de la stabilité de ses partenaires. La menace terroriste étant globale, il faut des outils globaux pour le combattre. Afripol constituera l’un de ces outils, si chacun y met une bonne volonté politique et les moyens nécessaires à le rendre performant.

Mohsen Abdelmoumen

Published in Oximity, December 22, 2015:https://www.oximity.com/article/L-Alg%C3%A9rie-%C3%A0-la-t%C3%AAte-d-A-1

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Source : Mohsen Abdelmoumen
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