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25 avril 2024

« Salafistes », un documentaire à voir pour mieux comprendre


« Salafistes », un documentaire à voir pour mieux comprendre

Publié par Gilles Munier sur 1 Février 2016,

Catégories : #Salafistes

"Barbe rouge", un des chefs du Mujao (2012)
« Barbe rouge », un des chefs du Mujao (2012)

Par Xavière Jardez

Le quotidien Le Figaro a qualifié de « scandale » la projection du documentaire « Salafistes » dans les cinémas du pays. Serait-ce un scandale de dire que le film est banal et que grâce à M. Lanzmann, il n’a pas été totalement interdit, mais il lui a été appliqué une interdiction d’âge aux moins de 18 ans, avec avertissement (1) ?

Banal, il l’est par les images servies, les propos tenus. Les médias de tout poil – traditionnels ou autres vecteurs – nous ont abreuvés, depuis des années, de séquences de propagande vidéo de décapitation, de prise d’otages insensées, de propos de pontifes djihadistes virulents sans trop se poser de questions sur leur portée morale. Certes, certaines séquences du film donnent la chair de poule et, inexpliquées, entérinent la barbarie des salafistes. Mais pourquoi ne pas dire que les hommes avançant courbés, puis allongés dans une fosse pour être abattus sont des soldats chiites capturés lors de l’attaque de leur base par Daech (Etat islamique en Irak et au Levant) près de Tikrit; que l’enfilade de voitures canardées sur une route est celle d’officiels fuyant la ville de Mossoul en 2014 après être tombée entre leurs mains ? Ce sont là des crimes de guerre car on n’achève pas un homme à terre, même au cours d’une guerre.

Qui, en Occident, s’offusque ou proteste lorsque l’Arabie saoudite tranche la main des voleurs – comme dans le film – ou décapite des opposants baptisés « terroristes ». Peu de gens, car il faut bien vendre les armements que nous produisons sans fin ou dont voulons nous débarrasser, obtenir du pétrole, des investissements pour réduire notre chômage, etc… Qui s’insurge contre la programmation télévisuelle de films comme Blood diamond sur France 24, la veille de la sortie du film « Salafistes », avec un avertissement parental concernant les moins de 12 ans, où des horreurs semblables à celles des djihadistes ou pire (villages incendiés, femmes violées, mains coupées) se sont déroulées en Sierra Léone, il y a vingt ans, pour le pillage des diamants ?

Nos enfants baignent dans la violence que ce soit par leurs jeux de guerre vidéos où tuer efficacement est le but, les films qu’on leur propose, par ce qu’ils côtoient : corruption, pornographie, prostitution de tout type, pédophilie, drogue, dégradation de l’image de la femme. Nous ne remettons pas en cause la société que nous leur laisserons. Qu’attendons-nous d’eux, de ceux qui se radicalisent si leur lieu de vie est sans espérance, et pas seulement par manque d’ascenseur social ?

Malheureusement, comme dit un proverbe allemand « les mots sont plus forts que l’épée », pensons-nous vraiment pouvoir ramener à la raison ce monde de fanatiques par un autre discours ? Trente ans de guerre au Vietnam, d’actions psychologiques US, ont-ils pu déradicaliser le peuple vietnamien de sa volonté d’indépendance et d’idéologie communiste ? Il va falloir nous replonger dans l’histoire et effacer le siècle d’injustices infligées aux Arabes et aux Musulmans par l’accord secret Sykes-Picot, comme le souligne dans La Croix, Najwa Barakat dans sa chronique du 29 janvier 2016 qui ajoute « ces démons armés, habillés en noir, ne sont pas nos enfants mais les vôtres ».

Aucun commentateur du film n’a, par ailleurs, évoqué, cité deux opinions émises par un des chefs religieux de l’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) ou du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), qui remarque qu’à aucun moment l’islam n’a attaqué la religion juive ou la religion chrétienne. Et s’il admet qu’ils puissent être des terroristes, il ajoute qu’ils ne sont pas seuls, mais sont les seuls à être appelés de ce terme. L’autre Etat terroriste, souligne-t-il, est Israël qui asphyxie la Palestine, l’asservit, la colonise, la détruit et, par ses guerres, tue des milliers de personnes… de manière supposée conventionnelle pour l’opinion publique ou assume l’idéologie terroriste de ses colons. Pourquoi alors ce silence et cette impasse sur ces propos ?

(1) Claude Lanzmann : « Madame Pellerin, ne privez pas les jeunes du film “Salafistes” ! » (Le Monde – 25/1/16)

(2) Blood diamond, avec Leonardo di Caprio, interdit aux moins de 12 ans en 2007, est également visible en streaming sur Internet.

Photo : « Barbe rouge », un des chefs du Mujao à Tombouctou en 2012

Vidéo: Extraits du film documentaire « Salafistes »

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