La torture systématique refait surface, une fois de plus, en tant que partie intégrante de la violence coloniale de l’Etat d’Israël. Un rapport récent des organisations israéliennes de défense des droits de l’homme B’Tselem et HaMoked : « Soutenus par le système : les mauvais traitements et la torture dans le centre des interrogatoires Shikma« * – a dénoncé la dynamique de punition collective et de complicité dans le cadre juridique israélien qui est plein de lacunes permettant aux auteurs d’agir en toute impunité.

Le « shabeh », l’une des tortures les plus communément utilisées par les bourreaux d’Israël contre les détenus palestiniens

Le « shabeh », l’une des tortures les plus communément utilisées par les bourreaux d’Israël contre les détenus palestiniens

 

Il faut lire la focalisation exclusive sur Shikma comme une analyse détaillée du dessein officiel israélien de violer les droits des Palestiniens de façon générale. Les témoignages fournis par 116 prisonniers palestiniens qui ont été détenus dans la prison entre Août 2013 et Mars 2014 détaillent des abus généralisés, ainsi que des interrogatoires sous la torture. La Haute Cour israélienne a déclaré ces pratiques « prohibées » par un jugement de 1999. Cependant, comme il convient au système d’occupation israélien, l’institution a fait des exceptions pour garantir l’impunité des interrogateurs, assurant ainsi un certain équilibre entre les intentions de l’Etat et ses institutions complices.

La décision a évité en particulier de classer comme torture les pratiques d’interrogatoire de l’Agence israélienne de sécurité. Les enquêteurs sont également à l’abri d’avoir à rendre des comptes « s’il est constaté ultérieurement qu’ils ont agi de façon appropriée étant données les circonstances. » A toutes fins utiles, la décision de la Haute Cour est dénuée de toute valeur pour les prisonniers palestiniens et constitue une nouvelle manoeuvre fallacieuse caractérisant la belligérance d’Israël.

Les prisonniers palestiniens qui ont participé à la recherche ont témoigné avoir été sauvagement battus, exposés à des températures extrêmes, menacés, soumis à l’humiliation par des menaces de démolition de maison et le viol des membres féminins de la famille, enchaînés dans des positions douloureuses, soumis à un chantage en échange d’avantages économiques et encouragés à envisager la trahison en tant que collaborateurs. En outre, 14 des détenus ont déclaré avoir été torturés par des agents du renseignement de l’Autorité palestinienne avant d’être transférés aux autorités israéliennes. Alors que la dynamique de la collaboration de l’AP avec les Israéliens est connue, le rapport révèle ces détails comme des faits sur cette collaboration dans le cadre de l’accord de coordination sécuritaire ; la « sécurité » dans ce cas est un raccourci pour la sécurité d’Israël, pas celle du peuple palestinien. Dans certains cas, des détenus palestiniens ont dit qu’ils ont appris que l’AP avait communiqué des informations sur leur détention, les responsables israéliens devenant ses complices pour l’obtention de témoignages sous la torture.

Le ministère israélien de la Justice s’est exonéré lui-même ainsi que les enquêteurs israéliens dans un communiqué publié à la fin du rapport. Réfutant la recherche, qu’il a estimé être « seulement la description de plusieurs incidents isolés », il a accusé B’Tselem et HaMoked de refuser aux autorités « la possibilité d’un examen pertinent des affirmations formulées dans le projet de rapport. »

Il est assez ironique de voir que le rapport a été financé par l’Union européenne, la même entité qui se targue de gestes symboliques à l’égard de la Palestine alors qu’elle veille avec beaucoup de zèle à ce que l’impunité d’Israël reste sans égale, comme sa protection au sein de la communauté internationale. De toute évidence, le contenu du rapport ne reflète pas les opinions de l’UE, qui maintient un vernis détestable de fausse compassion pour les victimes de la violence israélienne.

Tant que la communauté internationale privilégiera l’existence d’Israël au détriment de celle des Palestiniens indigènes, le rapport subira très probablement le sort d’autres exposés bien documentés ; il suscitera une frénésie de commentaires de courte durée avant de replonger dans l’obscurité, pour devenir un autre exemplaire de travail de sensibilisation. Pour les Palestiniens dans les geôles israéliennes, le cycle de la torture, applaudi tant par l’AP que par la communauté internationale, continuera de faire partie de leur inévitable réalité quotidienne dans une exploitation grotesque et perpétuelle de leur droit à la vie et à la protection en vertu du droit international.

Par Ramona Wadi