Annexion de la Palestine au travers des «blocs de colonisation»
29 mars 2016
Publié par Gilles Munier
29 Mars 2016,
Par Ben White (revue de presse: benwhite.org.uk – 25/1/16 – Extraits)*
« Nous sommes ici pour rester ». Tels sont les mots prononcés par le ministre de la Science et de la Technologie spatiale israélien, Ophis Akunis, à la cérémonie d’ouverture du nouveau Centre du Patrimoine, dans la colonie d’Ariel, le 17 janvier. « Je voudrais adresser aux ministres de l’Union Européenne ce message, d’ici, d’Ariel. Aucune démarche, aucune décision que vous pourriez prendre ne nous fera quitter notre terre».
Ariel fondé en 1978 est l’une des colonies d’Israël la plus importante de Cisjordanie avec quelque 20000 habitants et une université. Elle se trouve à 20 kms de la « ligne verte » et a été « stratégiquement » édifiée là pour contourner une chaîne de montagne entourée de villages et villes palestiniennes. « Le doigt d’Ariel » ou « bloc » inclut une douzaine à peu près de colonies officielles et individuelles.
L’emplacement de ce bloc, son étendue, importance et impact sur la population palestinienne représentent le microcosme du rejet d’Israël d’un Etat palestinien, mais est aussi un exemple du rôle joué par les « prétendus blocs de colonies » dans la colonisation rampante de la Cisjordanie ainsi que dans l’opacité de cette colonisation et les justifications qu’elle implique.
Un « bloc de colonies » est une zone de la Cisjordanie où Israël a rassemblé un groupe de colonies proches les unes des autres, ayant pour centre une grande ville. Ces zones qui concentrent l’activité des colonies ont été créées pour aboutir une annexion de facto et une fragmentation des territoires palestiniens. Comme le notait le New York Times : « Alors que les dirigeants palestiniens ont accepté le principe d’échange de terres, ni ceux-ci, ni les Etats-Unis ne se jamais sont mis d’accord sur leur délimitation ».
Certains identifient six « blocs » (Modi’in Ilit, Ma’aleh Adumin, Givat Ze’ev, Gush Etzion, Ariel, et Karmei Shomron), d’autres sept et l’Institut de Recherche de Jérusalem dénombre 14 sections ou « blocs » derrière le Mur de l’apartheid. Que leur taille et localisation soient mal connues est un plus pour Israël car, selon les termes d’un militant de Peace Now (La Paix maintenant), si le mot « bloc de colonies » n’est pas défini, « ils servent à Israël pour dire : « cela ne fait rien ; c’est seulement dans le cadre de ces blocs de colonie, qui resteront très certainement sous la souveraineté d’Israël une fois réalisée la solution de deux Etats ».
Un entretien avec le porte-parole de l’ambassade d’Israël à Londres, Yifath Curiel, l’an dernier, a mis en avant le recours à « ces blocs de colonies » dans la propagande. Devant des étudiants en journalisme, pour le moins septiques, à Cardiff, il a prétendu (plutôt curieusement) que, près de 90 à 95% des colonies composaient ce que l’on appelle « blocs de colonies ». Ils se trouvent à proximité de la frontière (1) d’Israël et demeureront sous la souveraineté d’Israël, lors d’accords à venir, comme discuté et accepté par la partie palestinienne. En échange de ces terres occupées, les Palestiniens en recevront d’autres ailleurs… C’est ainsi que je pense que les colonies ne sont pas le principal obstacle à la paix comme beaucoup le pensent.
Curiel peut donc rejeter, parallèlement, les inquiétudes sur la plausibilité d’un Etat palestinien sur fond d’occupation coloniale israélienne et aussi minimiser les graves violations du droit international que constituent ces blocs de colonies (ce sont des crimes de guerre).
Les « blocs de colonies » sont un concept plus significatif qu’une bataille diplomatique pour défendre l’indéfendable. En novembre dernier, par exemple, Netanyahou aurait dit au Secrétaire d’Etat US, John Kerry qu’ « Israël ne permettra aucun projet palestinien dans la zone C… à moins que le feu vert ne lui soit donné pour l’édification de blocs de colonies ». En mai 2015, il avait annoncé au chef de la politique étrangère de l’Union Européenne, Frédérica Mogherini qu’il désirait reprendre les pourparlers avec les Palestiniens pour « aboutir à un mémorandum sur la délimitation des blocs de colonies qu’Israël annexera quelque soit l’accord de paix »….
Les blocs et le Mur de l’apartheid donnent forme au Bantoustan palestinien. En mars 2015, et aussi en janvier 2016, le chef du parti travailliste israélien et dirigeant de l’opposition, Isaac Herzog, a déclaré que, si un accord final était conclu avec les Palestiniens sous sa direction, Israël garderait les blocs de Gush Etzion, Ariel, Ma’aleh Adumin …(…)… Gideon Levy ironisant sur le consensus de la classe politique israélienne sur les « blocs de colonies » écrivait en 2014 : « Tout le monde est d’accord sur ce qui a été accepté : Gush Etzion des temps immémoriaux. Et ce n’est pas le seul bloc sur lequel l’accord est fait. La vallée du Jourdain et Ma’aleh Adumin avec ses alentours terrifiants et ses collines, et aussi Ariel, cela est évident. Jetez un coup d’œil sur une carte et vous verrez comment le futur Etat palestinien a été mis à mort. Trop dur ? Non, si vous considérez la légitimité reconnue à Israël de construire des blocs de colonies, vous reconnaissez l’annexion de Jérusalem-est, la présence à l’intérieur de la Cisjordanie des colonies accaparant des ressources naturelles essentielles (Ariel), le contrôle israélien de la vallée du Jourdain, la scission en deux de la Cisjordanie (Ma’aleh Adumin) et « l’annexion de ressources agricoles palestiniennes riches et naturelles et des sites patrimoniaux dans la région de Bethléhem et Hébron (Gush Etzion) ».
Ces « blocs » n’ont pas d’existence légale en droit israélien et, en droit international, ils sont tout aussi illégaux que les colonies elles-mêmes. Leur étendue et leurs limites ne sont pas délimitées, ce qu’Israël exploite pour pousser sa colonisation de la Palestine. Ils ne servent même pas à ralentir la croissance des simples colonies dont la population a augmenté, depuis 2009, de 15%.
L’ironie du sort veut qu’Israël et ses apologues les citent pour prouver la faisabilité d’un Etat palestinien viable alors qu’en réalité, ils sont l’instrument pour empêcher précisément ces scénario. L’invention de cette entité doit être vue pour ce qu’elle est et non engendrer de confusion.
(1) Note AFI : frontière… Israël n’a jamais eu de frontières établies, justifiant par là-même les guerres qu’il a entreprises depuis sa création et la colonisation de la Palestine.
Ben White est un journaliste indépendant, spécialiste de la Palestine. Ses articles ont été largement publiés dans the Guardian Comment, Al Jareera, News Stateman, Christian Science Monitor, Washington Report On Middle East Affairs, Electronic Intifada.