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25 avril 2024

En Libye, l’Etat islamique acculé dans son fief de Syrte


cropped-Libya_Protests_520733y.jpgLE MONDE | Par Charlotte Bozonnet et Madjid Zerrouky

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Lors de l’avancée vers la ville de Syrte, mercredi 8 juin.

L’offensive a été fulgurante. Après avoir parcouru 150 kilomètres en trois semaines, les combattants fidèles au nouveau gouvernement d’union nationale libyen (GNA) progressaient, vendredi 10 juin, en direction du centre de la ville de Syrte, bastion de l’organisation Etat islamique (EI) en Libye. La veille, ils étaient entrés dans les quartiers périphériques de l’ouest de la cité. La marine a également bloqué la façade maritime de la ville portuaire : « Nos forces contrôlent la totalité de la côte de Syrte. Ils [les djihadistes] ne pourront pas s’enfuir par la mer », a déclaré le commandant des forces navales pour la région du centre de la Libye, tandis que plusieurs raids aériens ont visé des positions de l’EI dans la journée.

Joint par Le Monde, Ibrahim Bitelmal, le président du conseil militaire de Misrata, dont les brigades donnent l’assaut à Syrte, estime que l’EI vit ses derniers moments dans la ville : « Malgré les pertes et nos martyrs, le moral de nos combattants est au plus haut. Nous avançons sur tous les fronts, nous sommes en train de les étrangler. Nous espérons contrôler la ville d’ici à quarante-huit heures. »

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Les forces de Misrata continuent de faire face à une forte résistance de la part des djihadistes, dont les snipers harcèlent les assaillants. Mais « une bonne partie d’entre eux ont fui ; les autres abandonnent leurs armes et essayent de se cacher et de se fondre dans la population. Certains rasent même leur barbe », selon Ibrahim Bitelmal, qui prévient : « Nous avons leurs noms, nous les connaissons tous. »

Objectif décisif

Sans attendre, à l’entrée occidentale de la ville, les miliciens de la Katiba (brigade) 166 de Misrata ont mis à bas le panneau publicitaire sur lequel l’EI avait pris l’habitude d’exposer les corps des victimes – bras tendus et dans la posture du crucifié – que les djihadistes exécutaient le vendredi.

Les « Misratis » ont une revanche à prendre. Ce sont eux, à commencer par la fameuse brigade 166, qui avaient dû battre en retraite en mai 2015 devant l’EI, qui parachevait alors sa prise de Syrte.

Syrte est un objectif décisif dans la bataille contre l’Etat islamique en Libye. La cité côtière, ancien fief de Mouammar Kadhafi, tué en octobre 2011 par des miliciens de Misrata, était devenue le fief de la branche libyenne de l’EI depuis le début de l’année 2015. Ses combattants avaient peu à peu conquis une large bande de terre de 200 km autour de la ville. Sur les 5 000 hommes que compterait l’organisation djihadiste dans le pays, 2 000 à 3 000 se trouveraient dans cette zone, selon les estimations de l’ONU. Un chiffre à prendre avec précaution au vu de la vitesse à laquelle ont progressé les forces loyalistes.

L’encerclement de Syrte a été très rapide. A l’ouest, les brigades de Misrata avaient annoncé, le 17 mai, s’être emparées de la ville d’Abou Grein, une localité stratégique à 130 km. Il leur aura donc fallu moins d’un mois pour progresser sur cette distance. A l’est, la Garde des installations pétrolières (Petroleum Facilities Guard, PFG), un groupe paramilitaire, continue elle aussi d’avancer et a atteint la ville d’Harawah à 75 km de Syrte. La semaine dernière, le groupe avait annoncé avoir repris la ville côtière de Ben Jawad, distante de 160 km, puis Nofilia, à 127 km.

Forces spéciales occidentales

Cette avancée spectaculaire a vraisemblablement été facilitée par la présence sur le terrain de forces spéciales occidentales – françaises, anglaises et américaines – qui appuient les groupes armés ralliés au gouvernement d’union nationale soutenu par les Nations unies. « Dans cette lutte contre l’EI, il y a aussi des forces spéciales françaises ou américaines », avait confirmé fin mai Martin Kobler, envoyé spécial de l’ONU en Libye. Jeudi, les Etats-Unis ont salué l’entrée des forces loyalistes dans Syrte : « Nous surveillons la situation très étroitement et nous sommes encouragés par ce que nous voyons », a commenté Peter Cook, le porte-parole du Pentagone.

Derrière celle de Syrte, se joue une autre bataille : celle qui oppose les groupes armés ralliés au gouvernement d’union nationale à ceux qui soutiennent toujours le général libyen Khalifa Haftar, à l’est. L’enjeu est d’être les premiers à bouter l’Etat islamique hors de Libye et s’assurer ainsi du soutien de la communauté internationale. L’entrée des brigades de Misrata dans Syrte est un coup dur pour le général, à la tête d’une armée libyenne autoproclamée, et qui s’est toujours vu comme le libérateur de son pays.

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Après deux années d’affrontements et de tensions, la mise en place d’un gouvernement d’union nationale, il y a deux mois, a rebattu les cartes. Arraché sous la pression de la communauté internationale, ce nouvel exécutif, dirigé par Faïez Sarraj et censé se substituer aux deux ex-pouvoirs rivaux, a commencé à s’installer à Tripoli. Les brigades de Misrata comme les PFG, à la manœuvre à Syrte, se sont placées sous l’autorité du GNA. Avec la prise de la ville, d’autres groupes, sentant le vent tourner, pourraient faire de même. Le 4 juin, deux importantes milices de l’est, jusque-là fidèles au général Haftar, avaient ainsi annoncé leur ralliement au gouvernement d’union.

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